Si la conférence-performance a attiré l’attention de nombreux théoriciens et historiens des arts contemporains, elle est encore peu étudiée dans le champ littéraire. Or, ce medium constitue une plateforme d’observation particulièrement intéressante des différentes tendances à l’œuvre dans la création littéraire contemporaine. Par ailleurs, une démarche archéologique permet, à partir de cette notion, de considérer avec un regard neuf les conférences d’écrivains du passé, non comme de simples textes théoriques, mais comme de véritables performances. C’est donc à partir d’un point de vue littéraire que nous tenterons de penser ce medium hybride, mobilisant des pratiques artistiques, des discours théoriques et des supports médiatiques divers.
Cet article revient sur la conférence qu’Antonin Artaud a donnée le 13 janvier 1947 au Théâtre du Vieux-Colombier à Paris. Lors de cette séance, devenue rapidement une référence mythique pour toute une génération d’intellectuels et d’artistes d’après-guerre, Artaud a tenté une sortie du cadre double et radicale, en essayant d’aller au-delà de la conférence, mais aussi du théâtre en tant que représentation. L’article interroge la quête paradoxale d’« authenticité » au cœur de cette tentative.
De 2009 à 2018, le Centre Chorégraphique de Rennes, renommé Musée de la danse par son directeur, le chorégraphe Boris Charmatz, a cherché à élargir le champ d’action et de réception de la danse en mélangeant les pratiques, les formes et les discours. Au fil d’expositions performées (expo zéro, 20 danseurs pour le XXe siècle, Fous de danse) actant le brouillage des frontières entre problématiques muséales et chorégraphiques, la parole – qu’elle soit pure improvisation, mise en contexte ou construction d’un dialogue – a servi d’outil réflexif permettant de situer le corps dansant, et de convertir en danse des pratiques et des discours qui ne se conforment pas à ses codes.
En novembre 2018 a eu lieu au Théâtre National de Bretagne le dernier événement organisé par le Musée de la danse : La Ruée, une performance collective basée sur le livre Histoire mondiale de la France, dirigé par Patrick Boucheron. Performeurs, danseurs ou comédiens ont envahi les espaces du théâtre et activé une date, créant une constellation d’actions simultanées, construisant un nouage singulier entre révélation de zones méconnues de l’Histoire et actualisation de leur sens au présent. Avec cette question, comment faire passer l’Histoire dans les corps, la Ruée problématise la possibilité de performer un discours et permet d’interroger le statut de la parole mise en action par le Musée de la danse durant ses neuf années d’existence.
Appel à publication : « La conservation-restauration des objets de scène » Déméter #6, été 2021
Le numéro Déméter qui paraîtra à l’été 2021 sera consacré à la « conservation-restauration des objets de scène ». À l’issue du tournage d’un film, d’une pièce de théâtre, d’un spectacle de danse, d’un opéra, d’un concert ou d’une performance, les accessoires connaissent des destinées extrêmement variables après leur utilisation. La plupart ne sont pas faits pour être conservés et, même s’ils ont été essentiels lors de la représentation, leur existence matérielle compte en général bien peu et elle est souvent oubliée. Ces objets, en apparence mineurs et insignifiants, peuvent être jetés ou stockés dans l’attente d’être réemployés dans un prochain spectacle ou sur un autre tournage de film. Certains sont récupérés par des spectateurs, des membres de l’équipe ou leurs proches. Ces objets de souvenirs peuvent rester à l’état de reliques chez des particuliers, acquérir le statut d’objet patrimonial dans des collections publiques ou encore faire irruption sur le marché en tant que marchandises plus ou moins coûteuses.
Certains objets de scène sont longtemps perdus avant de réapparaitre, d’autres possèdent une telle aura, tel le fauteuil de Molière[1], que leur valeur symbolique et historique est immédiatement reconnue. D’autres encore sont classés monuments historiques par la suite, comme certains masques de théâtre de l’Antiquité collectionnés au XIXe siècle puis classés au XXe siècle[2]. En cas d’altérations ou de dégradations majeures, seuls les restauratrices et les restaurateurs sont alors habilités à intervenir sur ces objets d’importance patrimoniale.
Il faut compter aussi avec tous ces objets qui n’ont au départ aucun statut, recueillis sur la vie des tournages (par exemple dans le cadre du chantier de fouilles du tournage du film Peau d’âne de Jacques Demy par une équipe du CNRS, 2012-2016) ou par des fans de groupes de musique qui récoltent le moindre objet abandonné ou lancé dans la foule et qui créent leur propre espace muséal au sein de leur foyer.
Quant à l’art contemporain, les pratiques performatives recourent régulièrement à des objets de (re)présentation. Le statut de ces objets est souvent délicat à fixer et pose en conséquence des questions déontologiques particulières quant à leur collecte, conservation, exposition voire restauration en dehors des recommandations éventuellement prévues par l’artiste. Est-il légitime par exemple de défendre l’intégrité physique d’un objet, vestige d’une action artistique, si l’intention artistique originelle entend rompre avec le principe de pérennité ?Si cette infidélité est signalée au spectateur, peut-on s’autoriser à aller à l’encontre de l’intention artistique ? Renversement ironique, certaines oeuvres installatoires mettant en scène des objets directement utilisables par les spectateurs sont parfois rendues impraticables par l’institution qui les expose, en raison du risque de dégradation. Ces œuvres qui recouraient aux objets comme vecteur relationnel ne se retrouvent-elles pas mises en conserve davantage que conservées, en somme réduite à l’état de document ? (...)
Les propositions de contribution doivent être soumises au comité de rédaction avant le 8 novembre 2020. Les auteurs dont la proposition aura été acceptée devront adresser leur article à la rédaction pour le 15 mars 2021 dernier délai.
Les propositions accompagnées d’une courte présentation biobibliographique de l’auteur doivent être envoyées à l’adresse revue-demeter@univ-lille.fr en format word (.doc) ou opendocument (.dot).
Contact
Pour toute question relative à l'appel et au processus de publication du numéro, écrire à revue-demeter@univ-lille.fr.
Cet enregistrement sonore témoigne des propos tenus par Laetitia Doat suite à une performance qu’elle a donnée un peu plus tôt dans la matinée au sein du LaM en hommage à l’œuvre de Michel Nedjar. Les questionnements artistiques de la danseuse sur sa propre prestation ne sont que prétextes pour partager un regard analytique sur l’œuvre du plasticien depuis les notions d’image du corps et de corporéité. À la fin de cet exposé, Michel Nedjar rebondit sur les propositions de Laetitia Doat. Un temps d’échange et de partage est engagé dans la salle.
Ce texte examine, à partir d’actions du Laboratoire de la contre-performance, collectif d’artistes et chercheur·e·s, la manière dont le féminin et l’autorité plurielle peuvent déjouer les règles de l’art. La spectacularisation de rituels de partage ainsi que la mise en scène de corps féminins subalternes y apparaissent comme des stratégies paradoxales d’empowerment. Le geste performatif est pensé dans sa dimension collective, en lien avec la survivance de mythes, comme outil de transmission de subjectivités féminines dissidentes.
Entretien public réalisé par Bérénice Béquet, Aneffel Kadik, Véronique Goudinoux et Claire Walkowski le 13 novembre 2014 à l’université de Lille, Villeneuve d’Ascq.
Notre article se propose de montrer que depuis une vingtaine d’années, certains artistes font travailler de manière peu attendue les notions de rite et de jeu. Les artistes Pierre Huyghe (1962) et Jeremy Deller (1966), dont les œuvres font actuellement l’objet de nombreuses rétrospectives en France et à l’étranger, semblent être de ceux-là, qui n’hésitent pas à placer au cœur de certaines de leurs pièces célébrations et défilés. À travers l’étude comparative de deux événements complexes (Streamside Day, 2003, de Pierre Huyghe ; et Procession, Manchester International Festival, 2009, de Jeremy Deller), nous interrogerons l’intention affirmée de Huyghe, de « créer un rituel » et la mettrons en perspective avec les choix singuliers de Deller de se saisir d’une manière joueuse des cultures populaires britanniques.