Appel à publication : « La conservation-restauration des objets de scène » Déméter #6, été 2021
Le numéro Déméter qui paraîtra à l’été 2021 sera consacré à la « conservation-restauration des objets de scène ». À l’issue du tournage d’un film, d’une pièce de théâtre, d’un spectacle de danse, d’un opéra, d’un concert ou d’une performance, les accessoires connaissent des destinées extrêmement variables après leur utilisation. La plupart ne sont pas faits pour être conservés et, même s’ils ont été essentiels lors de la représentation, leur existence matérielle compte en général bien peu et elle est souvent oubliée. Ces objets, en apparence mineurs et insignifiants, peuvent être jetés ou stockés dans l’attente d’être réemployés dans un prochain spectacle ou sur un autre tournage de film. Certains sont récupérés par des spectateurs, des membres de l’équipe ou leurs proches. Ces objets de souvenirs peuvent rester à l’état de reliques chez des particuliers, acquérir le statut d’objet patrimonial dans des collections publiques ou encore faire irruption sur le marché en tant que marchandises plus ou moins coûteuses.
Certains objets de scène sont longtemps perdus avant de réapparaitre, d’autres possèdent une telle aura, tel le fauteuil de Molière[1], que leur valeur symbolique et historique est immédiatement reconnue. D’autres encore sont classés monuments historiques par la suite, comme certains masques de théâtre de l’Antiquité collectionnés au XIXe siècle puis classés au XXe siècle[2]. En cas d’altérations ou de dégradations majeures, seuls les restauratrices et les restaurateurs sont alors habilités à intervenir sur ces objets d’importance patrimoniale.
Il faut compter aussi avec tous ces objets qui n’ont au départ aucun statut, recueillis sur la vie des tournages (par exemple dans le cadre du chantier de fouilles du tournage du film Peau d’âne de Jacques Demy par une équipe du CNRS, 2012-2016) ou par des fans de groupes de musique qui récoltent le moindre objet abandonné ou lancé dans la foule et qui créent leur propre espace muséal au sein de leur foyer.
Quant à l’art contemporain, les pratiques performatives recourent régulièrement à des objets de (re)présentation. Le statut de ces objets est souvent délicat à fixer et pose en conséquence des questions déontologiques particulières quant à leur collecte, conservation, exposition voire restauration en dehors des recommandations éventuellement prévues par l’artiste. Est-il légitime par exemple de défendre l’intégrité physique d’un objet, vestige d’une action artistique, si l’intention artistique originelle entend rompre avec le principe de pérennité ?Si cette infidélité est signalée au spectateur, peut-on s’autoriser à aller à l’encontre de l’intention artistique ? Renversement ironique, certaines oeuvres installatoires mettant en scène des objets directement utilisables par les spectateurs sont parfois rendues impraticables par l’institution qui les expose, en raison du risque de dégradation. Ces œuvres qui recouraient aux objets comme vecteur relationnel ne se retrouvent-elles pas mises en conserve davantage que conservées, en somme réduite à l’état de document ? (...)
Les propositions de contribution doivent être soumises au comité de rédaction avant le 8 novembre 2020. Les auteurs dont la proposition aura été acceptée devront adresser leur article à la rédaction pour le 15 mars 2021 dernier délai.
Les propositions accompagnées d’une courte présentation biobibliographique de l’auteur doivent être envoyées à l’adresse revue-demeter@univ-lille.fr en format word (.doc) ou opendocument (.dot).
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Pour toute question relative à l'appel et au processus de publication du numéro, écrire à revue-demeter@univ-lille.fr.
Si le cinéma a permis à certains de ses artistes d’accéder à une renommée internationale sans avoir à entreprendre de longues tournées à l’étranger, les stars américaines n’en sont pas moins nombreuses à voyager de par le monde dans les années 1920. Étape quasi obligée dans leurs parcours, la France reçoit ainsi régulièrement, au cours de la décennie, des étoiles hollywoodiennes officiellement venues se reposer de leur dur labeur au pays des movies. À travers des récits de ces séjours proposés par la presse et par les artistes eux-mêmes, des photographies et des actualités filmées, cet article entreprend d’étudier les significations recouvertes par ces moments de pure représentation. Il montre comment l’accueil réservé aux vedettes américaines est révélateur des imaginaires qu’elles véhiculent, à titre individuel comme au titre de stars, mais aussi combien ces voyages promeuvent une image flatteuse de la France, dont ils vantent l’art de vivre et nourrissent les rêves de grandeur.
En nous intéressant à des textes consacrés au cinéma dans l’hebdomadaire littéraire Les Nouvelles littéraires, entre 1924 et 1928, nous examinerons la construction d’un discours sur le cinéma, principalement porté par des écrivains (par exemple, Alexandre Arnoux, René Jeanne, ou encore Jean Prévost) et qui fait la part belle à la référence américaine. Ainsi, nous nous interrogerons sur la manière dont ces écrivains s’emparent du sujet cinéma, sur la construction et l’écriture de textes qui placent généralement le cinéma américain au centre du dispositif référentiel, tout en l’inscrivant dans un horizon plus large.
Les théoriciens et critiques français des années 1920 envisagent le nouvel art du cinéma à la fois comme un langage universel et comme l’expression d’un génie national. S’invente au cours de ces mêmes années tout un lexique varié et mobile pour dire ce « langage cinématographique »… mais dans quelle langue ? Cet article se concentre sur la relation entre les mots de l’anglais et les mots du cinéma dans les discours français, principalement des années 1920. L’hypothèse explorée est celle de formes filmiques américaines à l’image de leur langue, d’un lien entre les mots et les formes. Louée par certains auteurs français pour sa concision, la langue anglaise semble influer sur le film américain économe, rapide et brutal, privilégiant l’expression directe, autrement dit un cinéma d’action. Parmi les américanismes employés dans les discours français sur le cinéma, certains « mots-idées » comme flash, flash back ou l’expression « a gun and a girl » contribuent à forger cet imaginaire du cinéma américain.
À partir des années 1920, quelques critiques français emploient le terme « chromo » pour définir un certain usage de la couleur dans les films. Ce terme parfaitement dépréciatif, s'il est d'abord utilisé pour considérer toutes les productions en couleur, particulièrement celles à venir, va vite être utilisé à partir des années 1930 presque uniquement à l’encontre des films américains en Technicolor. Accompagné d’autres notions, comme celles de bariolage et de barbouillage, il témoigne d’un fantasme entretenu sur le cinéma américain comme étant indigne d’un certain idéal cinématographique. On définira le terreau conceptuel et théorique sur lequel s’appuie cette conception péjorative de la couleur « made in USA » et on examinera la fortune du terme « chromo » et de ses substituts jusque dans les années 1950 afin d’évaluer l’évolution du regard porté sur le cinéma américain en couleurs.
Dans le champ artistique, les pratiques à plusieurs ont suscité ces dernières années de très nombreuses publications en France et à l’étranger. Alors que, dans les années 1990, on pouvait constater une forme d’attirance parfois naïve pour ces pratiques, parées bien souvent de nombreuses vertus, on constate aujourd’hui la présence stimulante d’interprétations plus nuancées de ces entreprises de collaboration et de leurs formes variées (co-création, co-production, coopération, etc.).
Cet article revient sur l’expérience cinématographique collaborative de Michelangelo Pistoletto avec dix réalisateurs de la scène indépendante italienne qui créèrent chacun un film performatif, centré sur l’artiste, dans le cadre de son exposition à la galerie l’Attico à Rome en 1968. Si la disparition de cinq d’entre eux explique leur méconnaissance, cet essai offre une vision inédite de leurs contenus grâce à des témoignages recueillis par l’auteure de cet article auprès de Michelangelo Pistoletto, de Maria Pioppi et de Renato Dogliani. L’intensité créative de ces réalisations est sensible dans les films, lesquels forment un ensemble aux proximités esthétiques, thématiques, scénographiques et dramaturgiques manifestes.
Cet article vise à cerner les différents niveaux de créations qui peuvent être partagés, que ce soit en situation d’atelier de pratique artistique au cinéma ou dans le cadre de la réalisation d’un film documentaire, par les méthodes qu’ils offrent et les interactions qu’ils suscitent, afin de proposer de nouvelles représentations de l’espace public.
Cet article s’interroge sur de nouvelles formes de remploi filmique liées aux pratiques vidéos amateurs et aux logiques de partage d’images sur les plateformes de diffusion comme YouTube, de plus en plus souvent utilisées dans le cadre de conflits sociaux. Ce texte forme l’hypothèse que les acteurs des mouvements sociaux participent à l’élaboration d’une production vidéo collective, dans un mouvement d’amplification visuelle dont le sens est aussi bien d’infléchir l’issue d’un événement en cours que d’en produire une image possible. Sans relever d’une création collective à proprement parler, la matière ainsi produite alimente des processus créatifs et nourrit des projets de films portés par des cinéastes qui entendent donner un nouvel écho à ces actes d’enregistrement de l’espace politique, qui relèvent à la fois de la documentation et de la contestation.