Jung découvre les mandalas à travers une pratique personnelle lors de laquelle il explore l’autonomie de l’inconscient : le mandala qu’il dessine spontanément lui permet à la fois de se connaitre et de se transformer. Il forme alors l’hypothèse que la spontanéité du mouvement de la main rend visible « l’archétype d’ordre », qui est au fondement de l’inconscient. Autrement dit, l’archétype d’ordre remonte (de l’inconscient au conscient) à travers le corps pour se rendre visible, sous la forme d’images archétypiques dynamiques. Sa pratique gestuelle du mandala le conduit à découvrir l’existence d’un autre centre que le moi (centre du conscient), un centre de la totalité (du conscient et de l’inconscient), le Soi. Dans Psychologie et alchimie, il présente le lien entre le processus d’individuation, l’Imagination active et la formation spontanée et progressive des mandalas, à partir d’une série de 400 rêves de Wolfgang Pauli, l’un des pères de la physique quantique. Par ailleurs, Jung observe que certains de ses patients ne dessinent pas les mandalas, mais les dansent : le mandala est alors extériorisé à travers le corps tout entier et reconfigure ainsi l’espace dans lequel s’inscrit le sujet. L’espace vécu n’est plus alors isotrope, il est différencié, orienté et structuré. Une pratique du type danse de mandala se trouve chez le Japonais Morihei Ueshiba, pratique que nous avons pu étudier et réitérer en atelier afin de décrire comment se produit l’émergence du mandala à travers le corps, du corps vivant au corps vécu, et comment elle modifie le rapport que le danseur entretient avec lui-même, avec l’espace et avec autrui. Le mandala constitue un objet « neutre », un tiers médiateur qui dépasse les dualités monde intérieur/monde extérieur, physique/psychique, moi/autrui. L’espace structuré du mandala qui s’impose aux sujets apparaît comme un espace originel où sont encore indifférenciés le monde intérieur et le monde extérieur.
Un parcours spatial est couramment emprunté dans différentes formes de danse : le mouvement circulaire – de la circumambulation de certaines danses rituelles au « manège » de la danse classique occidentale, en passant par les rondes des danses traditionnelles. Le mouvement circulaire est un motif qui, par sa récurrence même, témoigne d’une filiation entre forme rituelle et forme artistique et spectaculaire qu’il sera intéressant d’explorer en premier lieu. Cette analyse du mouvement circulaire dans la spécificité de ses contextes et de ses déploiements chorégraphiques nous permettra ensuite de passer en revue les différentes fonctions – magiques, symboliques ou plastiques – qui lui sont assignées ; et d’ainsi réfléchir, à partir de cette observation des mutations d’un motif dansé, au processus, à l’œuvre dans la danse, d’évolution conjointe des formes gestuelles et de leurs charges signifiantes.
De 2009 à 2018, le Centre Chorégraphique de Rennes, renommé Musée de la danse par son directeur, le chorégraphe Boris Charmatz, a cherché à élargir le champ d’action et de réception de la danse en mélangeant les pratiques, les formes et les discours. Au fil d’expositions performées (expo zéro, 20 danseurs pour le XXe siècle, Fous de danse) actant le brouillage des frontières entre problématiques muséales et chorégraphiques, la parole – qu’elle soit pure improvisation, mise en contexte ou construction d’un dialogue – a servi d’outil réflexif permettant de situer le corps dansant, et de convertir en danse des pratiques et des discours qui ne se conforment pas à ses codes.
En novembre 2018 a eu lieu au Théâtre National de Bretagne le dernier événement organisé par le Musée de la danse : La Ruée, une performance collective basée sur le livre Histoire mondiale de la France, dirigé par Patrick Boucheron. Performeurs, danseurs ou comédiens ont envahi les espaces du théâtre et activé une date, créant une constellation d’actions simultanées, construisant un nouage singulier entre révélation de zones méconnues de l’Histoire et actualisation de leur sens au présent. Avec cette question, comment faire passer l’Histoire dans les corps, la Ruée problématise la possibilité de performer un discours et permet d’interroger le statut de la parole mise en action par le Musée de la danse durant ses neuf années d’existence.
Cet enregistrement sonore témoigne des propos tenus par Laetitia Doat suite à une performance qu’elle a donnée un peu plus tôt dans la matinée au sein du LaM en hommage à l’œuvre de Michel Nedjar. Les questionnements artistiques de la danseuse sur sa propre prestation ne sont que prétextes pour partager un regard analytique sur l’œuvre du plasticien depuis les notions d’image du corps et de corporéité. À la fin de cet exposé, Michel Nedjar rebondit sur les propositions de Laetitia Doat. Un temps d’échange et de partage est engagé dans la salle.
Si le jeu de danse a toujours fait partie de la gamme de produits offerte par l'industrie vidéo-ludique, les derniers développements de la technologie de reconnaissance de mouvements, spécialement le capteur Kinect (désormais intégré à la nouvelle génération de consoles de salon Microsoft), a particulièrement favorisé son essor. Au-delà de ce rapprochement conjoncturel, il nous semble que les points de jonction entre danse et jeu vidéo peuvent être analysés à l’aune de la notion de jeu telle que théorisée par Johan Huizinga, et telle que reprise par nombre de recherches sur cet objet d’étude relativement récent.
Sous cet angle, se décèlent l’influence de pratiques lointaines que le jeu vidéo vient réactualiser de manière originale, et un rapport aux mondes virtuels et réels qui rappelle ceux que peut notamment créer la danse lorsqu’elle revêt une dimension rituelle. Les notions d’agôn et d’avatar, qui ont été transposées de la sphère religieuse et antique vers le vocabulaire de la culture vidéo-ludique, constituent autant de pivots pour cette analyse.