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Séminaire régulier "L'Espace à la jonction des arts"

Catherine Grout

Paysage et Art Contemporain (Erwin Straus et George Trakas)

Résumé

Quand le paysage n’est pas considéré comme une représentation, mais comme l’expérience sans cesse renouvelée des sens, son interprétation rejoint celle du neuropsychiatre Erwin Straus pour lequel le paysage n’est « pas déjà représenté ». L’artiste nord-américain George Trakas conçoit ses projets pour que leur expérience soit celle d’un sujet en lien avec le paysage. C’est pourquoi celle-ci permet corrélativement de comprendre l’approche, entre autres, d’Erwin Straus, c’est-à-dire de la vivre corporellement et pas seulement de manière abstraite. Cet aspect m’importe car souvent les œuvres citées en phénoménologie sont plutôt des dessins ou des peintures. L’expérience vivante de certaines œuvres d’art contemporain nous permet d’avoir accès autrement à ces questions fondamentales liées au sentir et au paysage.2

Texte intégral

Quand le paysage n’est pas considéré comme ce qui est à représenter ou comme la représentation d’une étendue de pays, mais comme l’expérience sans cesse renouvelée des sens, comme le moment même de la rencontre, du contact et de la co-présence, son interprétation rejoint celle du neuropsychiatre Erwin Straus pour lequel le paysage n’est « pas déjà représenté », ainsi que celle de la phénoménologie contemporaine pour laquelle, comme l’explique Joëlle Mesnil, il fait suite à un mouvement de désobjectivation (« un matin d’été n’est pas un objet, c’est une phase de monde »)3 et de désubjectivation (le sujet est « l’anonyme enfoui dans le monde », « celui à qui tout cela advient » comme l’écrit Maurice Merleau-Ponty4). Je vais présenter ici l’expérience de certaines œuvres de George Trakas5 car ce dernier souhaite renouveler notre relation au paysage et ses termes rejoignent ceux des philosophes précités.

I) Avec

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Ill. 1 : George Trakas, Newton Creek, Nature Walk), ouverture en 2007, Greenpoint, Brooklyn, New York, au bord de l'East River. Photographie Catherine Grout, décembre 2012

Depuis les années 1970, George Trakas insiste sur le fait, primordial pour lui, que « le corps complète l’œuvre, sans lui elle n’existe pas ; avec le corps elle existe dans le temps ; il y a du temps »6. Je m’intéresse à cet « avec » : ses phrases disent qu’il y a réciprocité ou couplage7. « Avec » correspond à une interrelation entre l’œuvre et la personne qui est indissociable du temps. Par cette intention clairement affirmée, il se différencie alors d’autres artistes nord-américains venant de réaliser des œuvres dans le désert comme en particulier Double Negative de Michael Heizer. C’est d’ailleurs par rapport à celles-ci que son œuvre s’est développée. Ayant trouvé qu’elles étaient « invariables, massives et peu accessibles », et surtout qu’elles ne prenaient pas en compte « l’échelle humaine », il a « ressenti la nécessité d’intégrer le mouvement du spectateur individuel avec les matériaux de l’œuvre qui pourraient coexister entièrement avec les matériaux et l’essence du site »8. Cette nécessité est venue aussi de son parcours et de quelques rencontres décisives :

« Je suis né au bord du Saint Laurent en 1944, et sur les bords de ce même fleuve en 1962 à Montréal, j’ai suivi les cours d’Orson Wheeler sur l’histoire de la sculpture et de l’architecture qui m’ont décidé à devenir sculpteur. Le concept de Rodin que le corps est une architecture qui marche ou qui bouge est devenu un point de focalisation de mon étude de la sculpture, de la danse, de la musique, de la littérature et du film. En 1963, alors que je travaillais sur un pétrolier, j’ai accosté au port de New York et y suis resté pour poursuivre mes études. Dans un cours de Rudolf Arnheim sur la psychologie de la perception, j’ai appris que l’art et l’architecture peuvent engager et harmoniser les sens au cours d’une expérience esthétique pouvant réordonner les sentiments immédiats et les pensées d’une personne vers une révélation. C’est de l’intérieur de cet univers et de ce processus que je réalise mon travail. »9

George Trakas indique que, potentiellement, lors de la relation avec l’œuvre il se passe quelque chose pour les personnes : « les gens découvrent leur corps avec elle ». Cela peut sembler étrange, voire incongru ou opposé à l’expérience d’une œuvre, si nous envisageons celle-ci comme une aventure essentiellement spirituelle ou conceptuelle. Or, nous avons plutôt tendance à oublier notre corps quand nous ne sentons ni jouissance ni douleur ou fatigue et cela, d’autant plus qu’en Occident nous l’avons, sur le plan conceptuel, radicalement séparé de l’esprit depuis au moins le cartésianisme. Ici, il ne s’agit ni de s’intéresser à l’image de son corps correspondant à des codes sociaux ou à des modèles diffusés ni de privilégier le corps en l’opposant à l’esprit. Redécouvrir son corps veut dire faire l’expérience de soi-même, s’éprouver sujet vivant, se mouvant et en contact avec l’environnement ou le milieu. Cette (re)découverte de son corps ne se fait pas seulement avec l’œuvre. Trakas conçoit ses œuvres in situ et en lien intime avec le site10, ses matériaux, son histoire, la faune et la flore.  Ainsi l’interrelation des trois termes (personne, œuvre et site) se réalise dans le mouvement et la durée.

En février 2006 il écrit dans un courriel : « faire des routes pour le corps en mouvement ; et le temps crée un rapport entre les parties du corps et le cerveau qui pousse les limites comprises ainsi que l'émotion de nos pensées avec le site et son histoire humaine et géologique ». Ces routes sont parfois pont, passerelle, escalier, plate-forme, quai (etc.), qu’il construit sur place et souvent seul, ainsi que le chemin interne du corps quand le sujet corporel se meut avec l’œuvre et qu’il communique avec le visible et l’invisible. Nous nous ajustons à la configuration de l’œuvre qui n’est pas faite pour être regardée, mais pour nous accueillir et nous emmener. Ainsi notre marche et notre démarche se modifient au fur et à mesure par contact et apport réciproque (notre pesanteur avec l’épaisseur des matériaux, les deux reliées à la qualité de sol alors que le rythme sonore des pas sur le métal ou le bois retentit dans l’espace environnant, etc.). Pour permettre cette découverte de notre corps et le dépassement des limites11, en particulier interne – externe, George Trakas calcule les dimensions de l’œuvre en prenant en compte les proportions du corps humain, son volume, son mode de déplacement, sa tenue verticale, ses articulations, la proprioception et les sens.

« [Il] désengage la préoccupation du corps de chaque pas pour que la marche soit plus fluide, pour que le mouvement de l’œil et de la pensée ne soit pas complètement occupé par la marche sur des pierres ou des rochers. [Il] souhaite que la relation avec le site soit harmonisée avec le mouvement du corps. Sur un sol irrégulier, il faut faire un effort de concentration pour être stable, ainsi, si l’on veut voir le paysage il faut s’arrêter, et celui-ci correspond le plus souvent à une carte postale. Alors on ne peut pas être sensible aux grandes formes et aux vues sur le paysage. »

Trakas ne comprend le paysage ni comme une représentation ni comme ce qui est à représenter et à analyser. Celui-ci fait partie de la découverte dans l’interrelation des trois termes lorsque nous sommes en mouvement et orientés par l’œuvre. Motricité et perceptions12 vont de pair. Nous ne faisons pas face à un tableau, nous ne nous sommes pas extraits de ce que nous voyons ; corrélativement notre activité visuelle correspond plutôt à la vision périphérique13, celle des « grandes formes, des vues sur le paysage » qui se modifient au fur et à mesure de notre avancée, qui s’étendent en lien avec l’horizon et qui correspondent à l’histoire du site, à sa temporalité géologique et atmosphérique.

II) Paysage

La tradition française d’interprétation du paysage considère celui-ci comme la relation d’un sujet avec une étendue de pays ; toutefois cette relation est médiatisée : il s’agit la plupart du temps d’une représentation. Parallèlement, en sciences humaines, le critère de la distanciation fut longtemps donné comme une condition sine qua non sans laquelle le paysage ne pouvait être dit ou se former14. Or, cette distanciation concerne aussi le sujet. Elle est à la fois spatiale — le sujet s’extrait de la scène, se situe en face, en dehors, en hauteur — et temporelle puisqu’elle est indiquée comme étant le résultat de la perception15. Cette différence fondamentale entre ces deux interprétations du paysage concerne conjointement l’objet et le sujet. Quand le paysage est vu par un sujet qui se déplace, la perception de la forme n’aboutit pas à une image stable, détachée du contexte perceptif. L’emploi du pluriel par Trakas (« grandes formes », « vues ») indique le renouvellement et le fait qu’il n’y a pas de prévision, de composition ou de tableau à chercher, comme on le ferait pour un panorama. De l’autre, le sujet corporel fait partie activement de ce qui l’entoure et ne cherche pas à le lire. S’il y a bien une distance entre lui et ce qui l’entoure, dans le sens où il n’y a ni confusion ni absorption dans un sens ou dans l’autre, il n’y a pas de distanciation : sujet corporel et environnement font partie de la même expérience.

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Ill. 2 : George Trakas, Newton Creek, Nature Walk), ouverture en 2007, Greenpoint, Brooklyn, New York, au bord de l'East River. Photographie Catherine Grout, décembre 2012

Celle des œuvres de George Trakas sollicite nos sens. Il écrit que son projet au bord de l’Hudson dans la ville de New York « engage le corps, moment à moment, allant des pieds, jambes, bassin, la colonne vertébrale, cœur, cou, bouche, nez, œil, oreille, cerveau, âme, de manière à mélanger les divers mouvements en une symphonie ». Il pense l’engagement à partir du contact et des échanges ou rapports, de la manière dont nous posons un pied puis l’autre et de nous ajuster. « Je joue avec le corps comme un maître de ballet ; je suis très sensible aux pieds : comment on sent le paysage avec le bassin. » Dans ce double raccourci (pieds / bassin / paysage), Trakas exprime qu’en route, l’interne communique avec l’externe, que l’externe (le paysage) est senti de manière interne, et que ce passage se situe au niveau du bassin plutôt qu’avec le sens de la vue. De fait, le bassin se situe au carrefour des forces gravitaires venant du haut et du bas (gravité et force de réaction) et à la croisée de l’organisation squelettique du corps ; il fait partie des axes horizontaux du corps alors que la colonne vertébrale est l’axe vertical16.  Parce qu’il est croisement, échange de forces et passage interne / externe, avec lui, nous pouvons sentir le paysage du proche (sol) au loin (horizon).

Ressentant le paysage en tant qu’ensemble de mouvements des êtres, des choses et des éléments, George Trakas en déduit l’axe ou les axes de sa réalisation : ses directions, ses niveaux, etc. Dès lors, la fluidité corporelle dans le rythme de la marche s’amplifie du lien avec la temporalité et la spatialisation du paysage. Ainsi, au cours de l’expérience, notre tonicité se modifie. Elle correspond à l’état de tension permanente et légère de certains muscles qui s’oppose à la force de la gravitation sur le corps et qui maintient la posture. Elle équivaut à l’état de la disponibilité du corps et donc du sujet en termes de perception, de sentir et d’action. La notion de disponibilité est essentielle pour comprendre l’engagement, l’échange et la communication du sujet corporel avec le monde : nous rendre disponibles, c’est aussi nous rendre ouverts à ce qui nous entoure. L’expérience de ses œuvres en appelle à notre être de manière non spectaculaire. Dans notre quotidien, elles peuvent nous amener sans grands effets et sans que nous en ayons conscience à ce que nous soyons donc disponibles au monde et aux autres. La disponibilité, l’ouverture, l’interrelation sont importantes pour Trakas qui a relevé que nous restons trop longtemps immobiles devant nos ordinateurs, que nous avons parfois perdu le lien avec ce qui nous entoure, avec le sol et le paysage. Bien sûr, cette perte ne sera jamais totale : nous sommes des êtres vivants. Toutefois, concrètement (immobilité relative : se faire transporter par des escaliers roulants, des ascenseurs et des véhicules de toutes sortes) et mentalement (se projeter en des espaces imaginaires, abstraits, principalement régis par des lois géométriques, voire virtuels) n’y a-t-il pas une perte du sol et de l’horizon ? Notre expérience vivante des espaces-temps ne se rétrécit-elle pas ? George Trakas crée des accès, des contacts et des routes qui nous engagent avec le site et autrui.

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Ill. 3 : George Trakas, Newton Creek, Nature Walk, Greenpoint, Brooklyn, New York. Photographie Catherine Grout, décembre 2012

III) Sentir & devenir

Erwin Straus s’intéresse au sentir qui est « une expérience “sympathique”, c’est-à-dire intramondaine », un « accès au monde » et « un mode d’être de l’être vivant » qui « se révèle appartenir nécessairement au se-mouvoir ». Par ailleurs, pour lui, le paysage n’est « pas déjà représenté ». Les deux sont liés : d’une part « si nous consentons à ne plus parler d’un sujet qui a des sensations, mais de l’homme sentant qui, par le sentir fait l’expérience de lui-même avec le monde et dans le monde, nous ne pouvons plus soutenir qu’il pourrait exister des impressions sensorielles dépourvues de caractéristiques spatiales. »17D’autre part, à l’être vivant qui s’éprouve avec le monde correspond la spatialité. Celle-ci se distingue de l’espace géographique et de l’espace mathématique et correspond au paysage en lequel nous sommes entourés d’un horizon.

En écrivant que le paysage, pour lui, n’est pas déjà représenté, il indique que l’expérience est au présent et uniquement au présent. Une des difficultés pour interpréter le paysage de la sorte vient de la peinture que l’on associe au paysage, une autre correspond au positionnement pour comprendre : « Nous vivons au présent et nous comprenons au parfait. »18 Comme il le souligne l’« opposition entre le mode présent et le mode parfait » correspond à une transformation du sujet en un objet : « L’objet de la connaissance physique est le corps mu, tandis que l’objet de la connaissance psychologique est le corps qui se meut. »19 Avec le mode parfait, l’interrelation, la réciprocité, le couplage organisme / milieu et le paysage disparaissent. Le temps n’a plus de consistance. Il est séparé de l’espace.

Or, comme l’écrit le psychiatre japonais Bin Kimura, le présent est « l’espace même où notre moi a lieu en tant que tel, comme la réalité d’une pleine étendue riche de contenus »20. Aucun terme ne peut être isolé de cet extrait. Corrélativement, il y a une direction temporelle : le sujet vivant est en devenir. « Dans le présent [écrit E. Straus], je vis ma relation personnelle au monde comme un devenir et je me vis moi-même comme devenir. »21 Cette notion primordiale indique la tension du « avec » ou du « entre » selon les auteurs, ainsi que l’ouverture du champ d’action. Autrement dit, d’une part, le cheminement n’est pas inscrit à l’avance, il se constitue à partir de potentialités et en relation avec chaque situation. Plusieurs manières de poser le pied sur le sol, de rythmer son pas et d’envisager ses alentours, voire plusieurs orientations sont possibles. D’autre part, cela veut dire que, comme l’écrit Gilbert Simondon, dans « la singularité du présent […] l’action [qui est relation de l’organisme avec le milieu] est complémentaire de la perception »22.

Plus encore, avec Viktor von Weizsäcker, qui s’intéresse comme Straus à l’être vivant, animal ou humain, nous devons sans doute envisager que, dans le présent, « le mouvement n’est pas défini par des déterminations de lieux (et de temps) dans l’espace, mais qu’à l’inverse c’est le mouvement, le mouvement organique qui engendre une configuration spatio-temporelle. […] Le mouvement de l’organisme ne se déroule pas dans l’espace et le temps, mais l’organisme meut l’espace avec le temps. »23 L’événement ne se situe pas « dans » mais « avec » ; corrélativement, le sujet corporel est en interrelations, en communication avec le milieu et celui-ci n’est pas constitué d’objets. Nous en trouvons comme un écho dans les paroles de George Trakas lorsque ce dernier explique qu’il souhaite « intégrer le mouvement du spectateur individuel et singulier avec les matériaux de l’œuvre » pour que l’œuvre puisse « coexister intégralement avec les matériaux et l’essence du site. De cette manière, [il a] senti que la pièce allait respirer et être temporelle aussi bien que spatiale. »24 La respiration est aussi celle du sujet vivant qui se meut et meut l’espace avec le temps, quand l’œuvre n’est pas un objet mais une expérience vivante et imprévisible car au présent.

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Ill. 4 : George Trakas, Newton Creek, Nature Walk, Greenpoint, Brooklyn, New York. Photographie Catherine Grout, décembre 2012

   

Notes

2 Ce texte est un extrait d’un texte intitulé « Le Présent du paysage » paru dans les Cahiers Thématiques n° 10, (Lille, Lacth, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et du Paysage de Lille, 2010) que j’ai écrit suite à deux séminaires de recherche (« Au sujet de la spatialité ; réflexions sur Erwin Straus (et ses prolongements chez Henri Maldiney) » et « Paysage et art contemporain, au sujet de l’expérience de quelques œuvres ») conçus avec Anne Boissière et associant le LACTH et le CEAC (Lille 3) en janvier 2010.

3 Joëlle Mesnil dans le texte de sa conférence intitulée « La phénoménologie de l’espace du paysage. Un espace incarné », qu’elle a donnée en 1993 au Collège international de philosophie. Je la remercie vivement de m’avoir alors communiqué le texte support de sa conférence.

4 Maurice Merleau-Ponty, Le Visible et l’Invisible, Paris, Gallimard, collection Tel, 1991, p. 255 et 299.

5 George Trakas, né en 1994 au Canada, naturalisé américain en 1986, vit et travaille à New York ; en dehors de ses expositions et œuvres éphémères, il a réalisé une vingtaine de commandes permanentes aux Etats-Unis et en Europe (Italie, France, Irlande, Danemark).

6 Dans un entretien à Paris avec l’auteur le 9 janvier 2006. Sauf avis contraire, les citations sont extraites de cet entretien. Pour une présentation plus développée de sa conception et de son intelligence du site et de la situation, nous renvoyons aussi à la conférence qu’il a donnée en mai 2009 à l’ENSAP de Lille et à notre texte intitulé « Le croisement des axes, au sujet de l'œuvre de George Trakas », paru dans la revue Les Carnets du Paysage, n°13 & 14, Arles, p. 180-187. Par rapport à l’histoire de l’art, il faut relever que l’artiste délibérément ne cherche pas à réaliser une œuvre « autonome ».

7 Le mot couplage renvoie aux travaux du biologiste Francisco Varela, mais aussi à ceux du phénoménologue Evan Thompson, tout en rejoignant le champ de l’analyse du mouvement.

8 « Interview with George Trakas » par Hugh M. Davies et Sally E. Yard, George Trakas, Log mass : mass curve, University Gallery, University of Massachussetts at Amherst, 1980, p. 49. Traduit par mes soins.

9 Dans un texte de présentation de Isle of View, réalisation pour le campus de l’Université du Massachussets à Amherst (janvier 2006).  Traduit par mes soins.

10 Le mot site correspond à la fois à l’expression site specific qui correspond aux œuvres réalisées in situ et au ‘milieu’ dans le cas des œuvres de Trakas. Il correspond plus au paysage qu’au ‘lieu’ en n’étant pas déterminé par des limites.

11 « Le vivant se distingue de la chose par son automouvement. […] Le corps se meut, change continuellement de formes en transgressant ses limites. […] Le bond d’un chamois n’est pas comparable au mouvement d’une pierre qui tombe. Son corps est en transformation perpétuelle à même le saut ou la course et il n’y a pas de déplacement qui ne s’accompagne de cette transformation. » Henri Maldiney, « La dimension du contact » paru dans Penser l’homme et la folie. À la lumière de l’analyse existentielle et de l’analyse du destin, Grenoble, Jérôme Millon, 1991, p. 202 (souligné par l’auteur).

12 Perception est au pluriel afin d’indiquer qu’il s’agit de plusieurs modes d’être qui oscillent du sentir ou perception primaire (Simondon) à la perception qui est toujours perception de quelque chose.

13 Pour une distinction précise entre regard fovéal et vision périphérique, je renvoie à Edward T. Hall, La dimension cachée, Paris, Seuil, 1971, traduit de l’anglais par Amélie Petita et à Odile Rouquet, Des pieds à la tête, Pantin, Recherche en mouvement, 1991. Concernant la question de la stabilisation des formes et du besoin de stabilisation, que je ne peux traiter ici, faute de place, je renvoie à Gilbert Simondon, Cours sur la perception (1964-65), Chatou, Les Éditions de la Transparence, 2006.

14 La distanciation a été relativisée grâce aux travaux en ethnologie, (cf. Paysages au pluriel, dir. Claudie Voisenat, Paris, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1995). La distanciation est attachée au dit sujet moderne, c’est-à-dire à un sujet masculin, blanc, européen, citadin, bourgeois ou aristocrate.

15 À partir des années 1870, Paul Cézanne et Claude Monet vont, chacun à sa manière, tenter de réduire cette double distance. Par ailleurs, comme l’ont relevé Merleau-Ponty et Maldiney, les peintres ont toujours entretenu une relation intime vis-à-vis de ce qu’ils représentaient, relation qui diffère de l’écart radical de l’objectivation (« faire-devenir-objet ») de ce qui serait tenu au bout du regard. Je me permets de renvoyer à mon ouvrage L’Émotion du paysage, ouverture et dévastation, Bruxelles, La Lettre Volée, 2004.

16 Odile Rouquet, op. cit., p. 10.

17 Erwin Straus, Du sens des sens (Contribution à l'étude des fondements de la psychologie), traduit par G. Thines et J.-P. Legrand, Grenoble, éd. Jérôme Millon, 1989, successivement p. 8-9, 12, 17, 241, 361-2 ; la pagination indiquée correspond à la première édition allemande datée de 1935.

18 Ibid. p. 417.

19 Idem. Gilbert Simondon écrit que ni le temps ni l’espace ne sont des objets ; l’espace est « une dimension primaire du milieu » et « le temps a référence à la manière dont un organisme est dans son milieu », Cours sur la perception, op. cit., p. 285 et p. 321.

20 Bin Kimura, Écrits de psychopathologie phénoménologique, traduction Joël Bouderlique, Paris, éd. Presses Universitaires de France, 1992, p. 61.

21 Erwin Straus, Du sens des sens, op. cit., p. 257.

22 Gilbert Simondon, Cours sur la perception,op. cit., p 334.

23 Viktor von Weizsäcker, Le cycle de la structure, trad. 1958, (1ère édition 1933), Paris, éd. Desclée de Brouwer, p 181.

24 « Interview with George Trakas », déjà cité.

Pour citer ce document

Catherine Grout, «Paysage et Art Contemporain (Erwin Straus et George Trakas)», déméter [En ligne], Séminaires, Actes, Textes, Séminaire régulier "L'Espace à la jonction des arts", mis à jour le : 22/07/2012, URL : http://demeter.revue.univ-lille3.fr/lodel9/index.php?id=122.

Quelques mots à propos de :  Catherine Grout

Professeur d’esthétique (HDR) à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille, chercheur au Lacth, chercheur associé au CEAC, membre fondateur du Groupe de recherche franco-japonais sur le paysage de l’espace urbain à l’Université de Tokyo, membre des réseaux Japarchi (MCC) et Asie - IMASIE (CNRS), ancienne résidente à la villa Kujoyama. Univ. Lille Nord de France, F-59000 Lille, France ; ENSAPL, LACTH, F-59650 Villeneuve d'Ascq, France.