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Le Mandala et ses figures dans la modernité artistique

Nancy Boissel-Cormier

La danse contemporaine indienne à Chennai : exprimer l’essence du mandala avec les codes de la modernité.

Résumé

La danse contemporaine indienne est le reflet d’une société moderne, qui s’ouvre et qui revendique ses racines et ses arts traditionnels comme l’une des bases de sa reconstruction après la colonisation. Le Bharata-Natyam tel qu’il est dansé aujourd’hui sur la scène contemporaine en Inde et à l’étranger, est très récent dans sa forme actuelle. Dans le livre Chandralekha, Woman, Dance Resistance, Rustom Barucha pose la question en ces termes : « Le Bharatanatyam : Une ‘Invention’ de la  Tradition ?1 » De quelle façon et dans quelles circonstances une danse qui avait une fonction religieuse et sociale dans les temples peut réapparaître sur la scène, et avec quelle fonction ? Comment les symboles sont transportés sur la scène contemporaine ? De quelle façon la posture elle-même, représentant un mandala agit sur la psyché et comment créer une persona dans un contexte nationaliste et post-colonialiste ? Quels sont les nouveaux codes et les nouvelles technologies avec lesquels les chorégraphes composent ? Tous les spectacles décrits ici ont été créés ou vus à Chennai, dans le sud de l’Inde.

Abstract

Indian contemporary dance reflects a modern society, which opens up and which claims its roots and traditional arts as one of the foundation of its reconstruction after the colonization. Bharata-Nathyam, as it is danced nowadays on the contemporary stage of India and elsewhere, is very recent. In his book Chralekha, Woman, dance Resistance, Rustom Barucha raises the following question: How and in which circumstances a dance which had a religious and social function in temples can reappear on stage and with which purposes? How are the symbols transferred on the contemporary stage? How can the posture of a Mandala itself acts on the psyche and how to create a person in a nationalist and post-colonialist context? Which are the new codes and new technology with which choreographer compose? All the performances described here have been created or seen in Chennai, in South India.

Texte intégral

La reconversion du sacré, les symboles transportés sur la scène contemporaine.

Beaucoup de danseuses et chorégraphes contemporaines indiennes m’ont confié avoir arrêté de danser le Bharata-Natyam, danse classique du sud de l’Inde, car elles ne s’y reconnaissaient pas. C’est le cas de Preethi Athreya qui raconte être restée pétrifiée sur le côté de la scène alors qu’il n’y avait plus de coulisses pour la dissimuler ce jour là, elles avaient été enlevées pour des raisons techniques. Après s’être ressaisie, elle donne son récital de Bharata-Natyam, mais avec une distance et un questionnement permanent qui la poursuivra toujours : « qui étais-je ? Pourquoi étais-je tant bouleversée au moment où l’on m’a pris mon intimité ? Et pourquoi avais-je à devenir cette autre personne pour raconter cette histoire ?2 » Elle reconnaît cependant que pour certaines formes de théâtre en Inde il est important de devenir l’autre pour raconter, devenir un personnage, comme en Kathakali par exemple, théâtre traditionnel du Kerala. Dans la forme Bharata-Natyam l’acteur-danseur devient les différents personnages de l’histoire tour à tour, et c’est son attitude corporelle, l’expression de son visage et l’utilisation des mudrā3 qui donnent vie aux différents caractères et rendent l’histoire compréhensible pour le  public. Cette prise de conscience fut provoquée par le fait que Preethi Atrhreya s’est retrouvée face à l’audience trop tôt, et cette image qui lui a été renvoyée d’elle-même était en total décalage avec ce qu’elle était dans son quotidien. Anusha Laal, également jeune danseuse et chorégraphe indienne de danse contemporaine basée à Delhi, a décrit sa prise de conscience avec les mêmes mots : « I froze4. » Dans un contexte similaire, lors d’un récital de Bharata-Natyam, mais au milieu d’un varnam5. Paralysée sur scène, elle fut incapable de reprendre et l’orchestre a dû s’arrêter de jouer. Dans le cas d’Anusha Laal, ce que l’on pourrait décrire comme un trou de mémoire, un blanc, ne saurait être associé à de l’amateurisme ; elle avait dix neuf ou vingt ans, mais dansait déjà depuis de nombreuses années. Ce qui est intéressant est surtout le questionnement qui suit cette perte de mémoire, à partir du point où, encore une fois, une danseuse se retrouve face à une image d’elle-même qui est en décalage avec la femme qu’elle est en train de devenir. Elle confie dans un entretien personnel : « cette expérience m’a vraiment fait reconsidérer ce que voulait dire ma propre relation avec cette forme.6 » Suite à cette expérience, elle arrête de danser. Quelques années plus tard elle se rend en Angleterre pour ses études d’ingénieur et prend des cours de danse contemporaine, « pour penser le corps d’une autre façon.7 »

Ces deux témoignages sont récents, mais ils résonnent comme un écho avec celui de la danseuse et chorégraphe Chandralekha qui décrit son arangetram8 dans un article :

« Soudain, juste au milieu de la performance, je me suis figée en réalisant que je dansais et illustrais toute cette profusion d’eau dans un contexte de sécheresse. Je me souvins des photos dans les journaux de la terre craquelée, de longues queues sinueuses de gens attendant l’eau avec de petits bidons dans les mains. Guru Ellapa chantait ‘Mathura Nagarilo". Art et vie semblaient être en conflit. Le paradoxe était stupéfiant. En cette fraction de seconde j’étais divisée, fragmentée en deux personnes.9 »

La chorégraphe Chandralekha fait partie d’une première génération d’artistes contemporains en Inde. Elle est reconnue pour son travail chorégraphique mais aussi parce qu’elle est une pionnière en Inde d’un mouvement politique et féministe. Elle va arrêter de danser pendant de nombreuses années, n’y trouvant plus de sens. Elle ne reviendra à la danse qu’en 1984, lorsqu’elle aura questionné sans relâche la signification de chaque mouvement dans un contexte contemporain, les ornements, les sentiments en jeu. Elle a repensé le corps de ses danseurs en terme de délimitation classique de lignes, d’espace, et de temps.10 Dans un article publié quatre ans avant qu’elle ne danse et chorégraphie à nouveau, Chandralekha écrit que « le système esthétique indien est formulé sur la centralité de l’être humain, révélé par le concept abstrait du mandala.11 » Elle a basé tout son travail sur le mandala et la façon de représenter les symboles primordiaux dans la danse. Lorsqu’elle trouve du sens à la création, elle accepte pour la première fois un financement qui lui permettra de mener à bien ses projets, et commence par construire « un théâtre en plein air qu’elle appelle Mandala.12 », en s'inspirant de la grille de navagraha13. La scène est surélevée à 45 cm au dessus du sol, « la hauteur idéale pour voir un danseur », considérant que le public est assis au sol sur le sable, ou sur un muret qui entoure tout l’espace. Les proportions de la scène sont idéales et la construction du théâtre fait penser à celle d’un temple. En outre, la nature autour joue un rôle très important :

« Tout l’environnement du travail de Chandralekha contribuait à sa créativité. Elle vit près de la mer au bout de Eliot Beach, où les nuits et les jours semblent se confondre, et vous pouvez oublier le temps qui passe.14»

Il était indispensable pour Chandralekha de revenir à ce qui est pour elle la source, et qui est indissociable de la nature. Encore aujourd’hui, entrer dans ce lieu peut provoquer la même sensation que de rentrer dans un temple shivaïte d’un petit village du Tamil Nadu, dans lequel l’arbre, le serpent, en sont les principaux symboles, loin des grandes salles de spectacles comme la Music Academy de Chennai :

« Il était difficile de réconcilier la banalité et le matérialisme des classes moyennes avec l’espace de théâtre de Chandra - tellement intime, déjà ouvert aux forces de la nature, toutes les proportions du théâtre, construites sur le modèle d’un mandala, avec sa simple scène rectangulaire.15 »

Chandralekha ne rejette pas la danse classique mais cherche à n’en garder que l’essence. Elle isole et illustre les symboles par les corps, par les dessins qu’ils créent dans l’espace. Le Bharata-Natyam répondait à ces règles universelles lorsqu’il était encore appelé sadir. La danse avait alors un caractère sacré, mais en accord avec son temps. Ce que reproche Chandralekha à la « réactualisation » de ces danses classiques, est qu’elles ne correspondent plus à ce que l’Inde et les Indiens sont devenus aujourd’hui. Le Bharata-Natyam tel qu’il est dansé sur la scène contemporaine a repris la forme, mais la symbolique première est souvent occultée. « L'une des ironies du renouveau de la danse classique indienne est généralement attribuée à l'intérêt porté à notre ‘culture traditionnelle’ par des artistes étrangers.16 » Ainsi Rukmini Devi, qui fondera ensuite l’école Kalakshetra en 1938, « rencontre la grande danseuse de ballet Anna Pavlova qui l’accepte comme élève de ballet. Quelques temps plus tard, Pavlova suggère que Rukmini Devi retourne en Inde pour apprendre ‘sa propre’ forme de danse.17 » Des modifications esthétiques et thématiques ont été nécessaires pour faire apprécier cet art à une classe sociale élevée, et empêcher ainsi sa totale disparition.

« Rukmini Devi a en réalité ‘classicalisé’ et dé-érotisé la danse pratiquée par les devadasis, renommée Bharata-natyam, et l’a effectivement projetée comme étant la première forme de danse classique d’une Inde qui se remet de la honte et de la faiblesse d’années de colonisation.18 »

Même si la danse fut toujours enseignée dans les villages et transmise de génération en génération pendant et après la colonisation, les réalités économiques et une stigmatisation de la caste des danseurs n’encourageaient pas la transmission. Le maître Kalaimamani Kuttalam M. Selvam fut découragé de prendre la relève par son père, V.S. Muthuswamy Pillai, et ce dernier l’encouragea plutôt à faire d’autres études19. Cependant, les règles esthétiques nouvellement créées dans les années trente sont devenues petit à petit une norme à laquelle les danseurs ne doivent pas déroger. Par exemple le costume de soie, les bijoux dans lesquels ne se reconnaissent plus certaines danseuses aujourd’hui, sont incontournables. Preethi Athreya confie dans un entretien : « pour beaucoup de personnes, être cette glamour et divine présence, cette incomparable magnifique beauté sur scène est importante pour raconter l’histoire. Moi, personnellement, je ne pense pas que ce l’on fait sur scène le requiert.20 » Dans les temples, les devadasis dansaient comme elles étaient, et les bijoux qui les paraient étaient ceux que toutes les femmes portaient pour des occasions spéciales. Si le bijou représentant la lune et le soleil, porté par la danseuse sur sa chevelure, est un simple accessoire, nous sommes déjà dans un décalage. Autrefois, ce bijou était un symbole de plus dans un rituel qui se faisait à travers la danse et la musique. Il était connecté avec le lieu, le mandapa dans le temple, mais aussi avec les cycles des jours et de la nuit car chaque danse était liée à une heure de la journée, à un rāga21 et les histoires racontées avaient encore une portée symbolique et spirituelle, par leur représentation mythique encore proches du quotidien des gens. Aujourd’hui les jeunes danseuses ou leurs parents vont acheter un « set de tête » qui comprend, entre autres, la lune et le soleil, de manière triviale.

Sur un mode comparable, si la chorégraphie reste la même, dans quelle mesure un allaripu, peut-il garder sa symbolique dans une salle de spectacle ? L’allaripu, « le lotus qui s’ouvre », est une danse à travers laquelle le danseur salue les quatre directions et représente l’ouverture d’une fleur. Vu d’en haut, le danseur dessine un mandala avec ses déplacements et la géométrie de mouvements. Carl Gustav Jung évoque dans « Le commentaire de la fleur d’or » le pouvoir de la danse sur la psyché par le dessin des mouvements dans l’espace :

« L’Inde possède un terme pour cela : mandala nritya, danse du mandala. Les figures de la danse traduisent le même sens que les dessins. Les patients eux-mêmes ne peuvent pas dire grand-chose de la signification des symboles en forme de mandala qu’ils produisent. Ils sont simplement fascinés par eux et les trouvent expressifs et opérants dans un rapport quelconque avec leur état psychique subjectif.22 »

L’architecture des temples répond au modèle du mandala et du cosmos23. Depuis que le Bharata-Natyam est transporté sur la scène contemporaine, les chorégraphes dessinent sur le proscenium des déplacements de plus en plus grands, des formes géométriques complexes. Muthuswamy Pillai24 est un des premiers maîtres de danse à avoir transgressé les nouvelles règles établies au 20ème siècle pour le Bharata-Natyam ; Il va non seulement chercher de nouvelles lignes avec les bras, une asymétrie dans le mouvement lui-même, mais aussi en explorant l’espace comme personne ne l’avait jamais fait auparavant. C’est un anti-conformiste qui va préférer dessiner des lignes dans l’espace sur des rythmes complexes et syncopés plutôt que de développer l’aspect narratif et dévotionnel. Les danseurs vont dans toutes les directions, parfois de dos – ce qui n’était alors pas permis – et si l’on retranscrit ses chorégraphies sur un cahier il est nécessaire de dessiner les déplacements dans l’espace en plus des pas chorégraphiés. Les lignes, cercles et carrés dessinent un mandala. L’espace scénique, plus grand, autorise le danseur à représenter par ses déplacements ce qui n’est plus représenté autour de lui de façon concrète. C’est paradoxalement en ayant une vision plus contemporaine de la scène que ce maître et bien d’autres danseurs après lui, vont se rapprocher de l’essence de la danse classique indienne et développer son aspect universel et intemporel. Son fils, le maître Kalaimamani Kuttalam M. Selvam s’amuse à tisser des mandala dans l’espace, sans pour autant le faire consciemment. Pour lui, les lignes du corps de ses élèves, les lignes qu’il dessine dans l’espace avec les déplacements mais aussi avec les bras, les doigts des mains, les jambes, ainsi que le rythme sont intrinsèquement liés. Loin du temple, mais aussi de la nouvelle forme du Bharata-Natyam, la créativité tisse un mandala, et expérimenter soi-même les mouvements en ayant conscience des dessins dans l’espace fait revivre « l’archétype fondamental.25 » Les mouvements deviennent organiques, il s’agit d’un processus qui dépasse l’intellect. Ce qui pourrait être perçu comme la pratique d’un simple exercice quotidien peut aussi être vu comme une éclosion multiple, à différents niveaux, et avec une possibilité infinie. Si les corps se déplacent, les bras du danseur vont eux vers l’extérieur pour revenir au centre, près de la région du cœur. Le fait de transgresser les nouvelles règles classiques ouvre un champ de possibilités plus large : aavu26à un bras, léger changement de la prise du mouvement par rapport à la morphologie du danseur, invention de nouveaux déplacements dans l’espace.

Le symbole du mandala est présent sur la scène contemporaine du Bharata-Natyam, visible à travers les chorégraphies, mais aussi représenté dans la posture de base du Bharata-Natyam.

La dynamique de la posture, et la création d’une persona dans un contexte nationaliste

Anusha Laal ne rejette pas le Bharata-Natyam. Elle ne le danse plus, ne se reconnaît plus dans cette forme et la dissèque, cherche à s’en détacher dans ses créations contemporaines. Mais elle reconnaît la qualité méditative de cette danse :

« Il y a quelque chose de très organique, une fonction sociale, une fonction culturelle qui s’opère. Cela a sa qualité méditative. Une bonne danse, de la bonne musique, cela vous calme complètement, vous centre. (…) C’est comme faire son pranayama27 le matin, cela porte juste votre attention sur le moment. C’est quelque chose que le Bharata-Natyam autorise.28 »

Preethi Athreya et Anusha Laal ont toute deux une recherche chorégraphique singulière, mais elles questionnent et confrontent les postures de base du Bharata-Natyam. Dans son dernier solo Sweet Sorrow, Preethi Athreya va exploiter différentes combinaisons avec toutes les positions des bras à des vitesses et directions variées, dont naissent des séries qui se répètent dans un tempo croissant puis décroissant, et confrontant son ombre à une vidéo faite auparavant de la même chorégraphie, projetée sur le mur de la scène. Ses bras sont comme des étoiles qui s’ouvrent et qui se ferment. Un texte tiré du livre « Douleur Exquise » de Sophie Calle soutient le mouvement. Il est dit en français, sa langue originale, puis en anglais et tamoul. C’est un enregistrement audio. Dans une autre scène de la même pièce, elle dessine des carrés par ses déplacements dans l’espace alors que ses pieds reprennent toutes les positions de base du Bharata-Natyam ; de la même façon qu’avec les bras elle en fait de combinaisons qui seront répétées à des vitesses différentes. Le haut du corps reste neutre au début puis elle joue avec son costume, un sari de pratique en coton tout simple qu’elle va tirer d’un côté de sa taille puis de l’autre ou qu’elle va enrouler autour de sa tête ou de son cou : elle dissèque la posture de base tout en transgressant les codes. Anusha Laal explore elle aussi les positions de base, mais avoue que son corps revient automatiquement dans ces postures, et évoque la mémoire du corps :

« J’ai juste pris quelques petites facettes de petits points de départ du Bharata-Natyam pour créer. J’ai maintenant créé trois pièces qui référencient la forme et ont beaucoup à voir avec la mémoire, ce que c’est que de se rappeler physiquement le Bharata-Natyam, ce que c’est d’arriver à cet endroit que j’appelle ‘chez moi’. (…) et qu'est-ce que ça fait d'arriver à la maison ? D’où êtes-vous parti ? Qu'est-ce que pour le reste de votre corps, tout d'un coup une partie de vous, va soudainement dans la positions natyarambe29, et le reste de votre corps peut-il être ailleurs? Faites-vous toujours du Bharata-Nayam ou non? Telles étaient les questions que je me posais.30»

Mais si le corps revient sans cesse dans les positions de base du Bharata-Natyam, si les danseuses contemporaines les dissèquent, les explorent, et si, enfin, toutes les danseuses occidentales qui étudient le Bharata-Natyam confient ressentir une joie indescriptible en pratiquant cette danse, sans savoir dire pourquoi cette danse provoque une telle euphorie, n’est-ce pas parce que la forme en elle-même est vecteur d’énergie et nous ramène à ce qui est au plus profond de chaque être humain, et qui est représenté par le mandala et que Carl Gustav Jung définit ainsi :

« Mandala, c’est justement une forme caractéristique de l’archétype. C’est ce qu’on appelle ultimo exquadra circulae, le carré dans le cercle ou le cercle dans le carré. (…) C’est un archétype très important, c’est l’archétype de l’ordre interne et il est toujours employé en ce sens, soit pour signifier l’ordonnance des divers aspects de l’univers – c'est-à-dire un schéma cosmique –, soit pour ordonner les divers aspects de la psyché. Il exprime le fait qu’il a un centre et une périphérie et il veut embrasser la totalité. (…) Il apparaît porteur d’ordre, montrant la possibilité d’un ordre et d’une centration. (…) C’est la totalité que j’appelle le “Soi”.31 »

Chandralekha revient dans son article sur les akhadas, gymnases du nord de l’Inde, et les kalari, leur équivalent dans le sud de l’Inde, qui propageaient tous deux « une philosophie sophistiquée et matérialiste du bien-être de l’individu et du collectif en mettant l’accent sur le corps humain lui-même.32 » Les positions de base du Bharata-Natyam et d’autres formes de danse classique indienne en découlent. Leur forme « plus compacte et circulaire33 » donne naissance à des mouvements qui stimulent le corps.

« Par exemple, “aramendi”, une sorte de demi plié qui est la position de base en Bharatanatyam, Odissi, Kathakali et Kutchipudi, est aussi la position de base en lutte (indienne et japonaise), Kalari Payattu, Silambam, Karaté, Thai Chi Chuan, et boxe Thaï. Elle est rendue abstraite comme le mandala dans la danse classique, un processus continu faisant et défaisant des carrés, cercles, et triangles en harmonie avec la scène circulaire symbolisant la terre / le cosmos.34 »

Les danseurs qui ont une base en danse classique indienne vont créer à partir de ces formes, mais sans adhérer à la forme « fabriquée » et « saluée par certains de ses partisans comme ‘l’art national par excellence.’35 » C’est une résistance à la fois esthétique et politique de la part des danseurs, qui ne remettent pas en cause la danse classique elle-même, mais plutôt ce qu’une certaine élite en a fait, en particulier pour le Bharata-Natyam, qui véhicule désormais « l’image de l’Inde Mère pure et sobre et de la féminité construite par les nationalistes hindous.36 » selon Royona Mitra, qui attire également l’attention sur la période entre 2001 et 2004 pendant laquelle « le nationalisme hindou marquait son territoire et a déposé sa semence dans la psyché hindoue par la mise en œuvre de la théologie Hindutva37 »

« Le projet nationaliste s’est ainsi approprié la tradition antique et érotique du Sadir purement à son niveau esthétique et l’a complètement enlevé de son contexte rituel pour le transformer en Bharatanatyam, la danse classique d’une nouvelle classe moyenne émergente et symbole de l’héritage hindou ‘respectable’ et ‘non contaminé’.38 »

C’est dans ce contexte politique complexe que se développe la danse contemporaine indienne. A Chennai comme dans d’autres villes de l’Inde, si les arts classiques ou folkloriques traditionnels sont encore la base d’une création artistique, la volonté de n’appartenir à aucune forme récente, ni à aucun mouvement politique qui lui aurait été attribué, est très forte. Les symboles sont toujours présents de façon permanente en Inde : le linga et le yoni, le nataraja, les kolam, le serpent et l’arbre, pour n’en citer que quelques uns, sont visibles de tous et partout. Si l’on part du principe qu’une danse comme le Bharata-Natyam, alors appelée sadir, était une représentation du mandala dans sa forme, mais aussi ses thèmes, les symboles des costumes et la structure du lieu, on peut se demander si s’en inspirer pour la faire évoluer sur la scène contemporaine n’engendre pas inéluctablement une dissociation des éléments que constituent le mandala. Si la fonction de la danse n’est plus la même aujourd’hui en Inde, ce sont aussi les règles d’esthétique qui ont évolué. Les femmes comme les hommes tentent de retrouver « le centre », avec les codes de la modernité.

Dans Beautiful Thing 2, Padmini Chettur nous invite à la méditation, à  respirer avec elle dans les « lignes » de 1 à 9. Elle répète des mouvements en dessinant des lignes dans l’espace : lignes droites, diagonales ou cercles. Les mouvements sont lents et réguliers. Entre chaque lignes elle marche simplement et va se placer sur la scène. Au fond de la scène et de dos, elle change de costumes plusieurs fois, petites robes qui laissent voir le travail de tout le corps. Les tableaux se succèdent ; la notion de cercle apparaît dans les deux dernières lignes. La ligne 8 n’est pas une traversée mais une rotation de la danseuse autour de son propre centre, lentement, allongée sur le sol, face contre terre. Ses bras sont allongés devant elle, elle ouvre simultanément un bras et la jambe opposée, ce qui donne la forme d’une étoile, et referme avec la même lenteur cette étoile pour la rouvrir ensuite, provoquant un mouvement dans le sens des aiguilles d’une montre, au centre de la scène. Lorsqu’elle se relève de cette posture elle marche à nouveau, mais en cercle cette fois et vient se placer côté jardin pour débuter sa dernière ligne, debout cette fois. Elle se déplace en suivant le contour du cercle qu’elle vient de marquer par sa marche, et effectue un mouvement de moulins avec les bras, en effectuant une rotation sur elle-même. Cette rotation va changer de sens, mais son déplacement dans l’espace suit le sens des aiguilles d’une montre. Padmini Chettur a travaillé avec la chorégraphe Chandralekha pendant de nombreuses années ; Preethi Athreya nous confie que Padmini Chettur rejette les symboles, « et c’est un choix. Elle n’utilise pas les symboles indiens, rien de ce qui est historique ou symbolique, elle rejette la symbolisation, comme utiliser le corps comme une part du yoni ou du lingam.39 » En considérant que le mandala est un symbole, il est clair que nous pouvons le reconnaître dans son travail, même si les tableaux se succèdent ; et que les lignes, les cercles se succèdent, les dessins dans l’espace, le lien entre le mouvement, l’espace et le temps est très clair et perceptible pas le public.

Les ruptures, les décalages, et l’utilisation de nouvelles technologies

Estelle Guihard, metteur en scène française basée à Pondicherry depuis douze constate que le théâtre contemporain en Inde, selon elle, est assujetti aux mêmes questionnements que la danse contemporaine. Pour elle c’est « la science dans la parole et la technique, les effets de lumière et vidéo, qui apportent la dimension que l’acteur ou le danseur ne porte plus seul ou que l`environnement dans lequel il se produit ne lui offre pas naturellement. La science devient l’outil de justification de tous les sacrés.40 » Dans le théâtre comme dans la danse, une tendance est de juxtaposer des tableaux sur un mode linéaire, en perdant la notion de cercle.

C’est le cas dans Sweet Sorrow de Pretthy Athreya, pièce dans laquelle différentes séquences sont distinctes, avec l’utilisation de la vidéo. Les Différents tableaux sont séparés par un « noir ». Dans le premier elle isole le travail des bras avec une vidéo qui représente son ombre sur un mur rouge, faisant les mêmes séquences qu’elle, ou avec certains décalages volontaires. Puis, en hommage à Pina Baush, sur la chanson The man I love, elle dissocie le travail des mudrā, mais en restant neutre avec le visage et en reculant de façon régulière vers le fond de la scène, en faisant toujours le même mouvement de pieds. Elle isole ensuite le travail des pieds avec les postures de base du Bharata-Natyam, l’enregistrement d’un métronome lui sert de support sonore. Puis elle s’assied sur scène et regarde la vidéo qu’elle a faite sur un lieu de répétition dans laquelle elle s’est filmée en train d’interpréter de façon originale un mallari, sur l’enregistrement sonore de son professeur de chant qui n’utilise que la voyelle « a » pour cette mélodie, traditionnellement chantée avec des syllabes mnémoniques spécifiques telles que « ta din gee na tom ». La vidéo est projetée sur le mur du fond de la scène ou sur un écran selon le lieu. Elle se lève et reproduit le début de cette chorégraphie, mais en dansant avec une chaise à qui elle fait suivre les mouvements de son corps, de ses hanches, ses déplacements, la musique est l’enregistrement d’une flûte. Elle dissocie dans un autre tableau chaque partie du buste et les hanches, crée des vagues montantes et descendantes, un balancement régulier partant du bassin, et « glisse » ainsi vers le fond de la scène en « s » par son déplacement. Elle termine cette séquence au sol sur lequel elle répète plusieurs mouvements lents, circulaires ou linéaires et finit en rampant sur le sol en ne se servant que de ses poignets pour avancer. Puis elle prend la parole en faisant les gestes qui correspondent à sa narration jusqu’à ce qu’il y ait un total décalage entre les mudrā et le texte, et une accélération dans le verbe et dans le geste. La dernière partie de cette pièce est sur un pata41, « payyada pai », enregistré par un orchestre de musique carnatique ; Preethi Athreya reste au centre de la scène, sans aucun déplacement. Le pataest une pièce narrative, sur laquelle la danseuse développe l’aspect théâtral du Bharata-Natyam, l’abhinaya. Là encore elle crée un décalage, puisquesi le texte raconte, elle ne fait que des tataavu, frappés de pieds réguliers sur chaque temps en alternant pied droit et pied gauche, en position aramendi, demi plié. Son visage reste neutre. Avec ses mains elle agrippe et soulève très légèrement son sari et va de temps en temps s’essuyer la bouche de façon lente et en appuyant le mouvement, ou tout le visage en prolongeant le mouvement jusqu’à pencher sa tête sur le côté. Dans cette pièce se succèdent des séquences qui ne sont pas liées les unes aux autres mais qui sont un parcours, la recherche corporelle et personnelle d’une jeune danseuse qui confronte la mémoire du corps à ses résistances. Tous les aspects du Bharata-Natyam apparaissent, mais en total décalage avec le contexte dans lequel il devrait être, et avec des transgressions.

 « Ce sont des choses, je pense, avec lesquelles il est drôle de jouer, complètement drôle. De quelle façon le langage des mudrā est similaire, comme il est similaire de définir son propre langage. (…) Oui, juste plein de petites expérimentations avec des choses qui existent, et la raison pour laquelle vous vous êtes intéressée à ces choses, à ce moment là, va doucement devenir claire. Mais cela peut seulement venir de la pratique. Cela ne peut pas venir d’un exercice intellectuel, jamais.42 »

Le fait d’introduire la vidéo, le texte, différents enregistrements audio, mais aussi de faire des postures et des mouvements sur le sol un sari de danse43 associé aujourd’hui à l’apprentissage du Bharata-Natyam questionne le public. Ce sari de coton qui n’est porté que pour la pratique quotidienne des danseurs laisse apparaître une personnalité, des mouvement volontairement disséqués, confrontés à des rythmes différents, mais aussi la volonté de danser « comme elle est », sans artifices. Elle ne se place pas comme celle qui raconte, mais construit tout un univers et nous invite à y entrer, par le biais du langage corporel qu’elle explore et nous fait voyager dans son imaginaire :

« Je crois que le corps porte en lui des impulsions émotionnelles, et c’est le moyen de communiquer, non pas par les mots, ni par des expressions tangibles, surtout quand cela vient d’expressions profondément ressenties.44 »

Dans une critique, une journaliste confie avoir été « emmenée dans la douleur de quelqu’un d’autre » et remercie l’artiste pour l’avoir « secouée » et mise face à des parties de sa vie qu’elle avait essayé d’oublier. La pièce a parlé à son inconscient.45

Des costumes neutres, des mouvements épurés et lents. Les deux dernières pièces de Padmini Chettur nous invitent à ralentir, à respirer calmement et à regarder, sur scène dans un théâtre avec son solo Beautiful Thing 2, puis Wall dancing qu’elle chorégraphie pour  cinq danseurs dans une galerie d’art. Dans cette pièce, Padmini Chettur va plus loin dans l’idée de tableaux qui se succèdent et chorégraphie une pièce de trois heures pour cinq danseurs, Dancing Walls, et chorégraphiée pour une galerie et non pour la scène. Ni le début ni la fin ne sont marqués, même si la chorégraphie est minutée, parfois en silence, ou sur une musique composée par Maarten Visser. Le rendez-vous est donné à Focus Art Gallery, Chennai. Les murs sont blancs, il n’y a très peu de chaises et un canapé. Quand le public rentre, les danseurs sont assis par terre ou circulent, habillés simplement d’un pantalon de coton et un T-shirt de couleur. Padmini Chettur accueille le public au fur et à mesure, comme pour un vernissage et donne un programme sous la forme d’une liste de prix avec une gommette dorée collée à droite de l’une des scènes pour indiquer qu’elle est vendue. Ce clin d’œil fait sourire, elle pose la question : « Pourquoi riez-vous, vous ne voulez pas acheter de la danse ? » A côté de chaque tableau est indiqué le tarif variant de 3 000 à 25 000 roupies. Il y a vingt-cinq tableaux en tout qui se succèdent, appelés « Opening roll », « Arm Section », « Collective rolls + Trisha Bromn line » ou « Stepping away » pour n’en citer que quelques uns. Elle casse l’espace scénique, remet en question l’idée que l’on se fait d’un spectacle de danse. Le public est pris au centre des murs de la galerie et doit se déplacer en fonction des différents tableaux, pour les voir, et les observer selon des angles différents. En brisant le rapport frontal Padmini Chettur place toutes les personnes dans le même espace, et redonne à la représentation un aspect rituel. Le centre de la galerie est occupé par le spectateur qui peut se déplacer, ou simplement s’asseoir au centre et tourner sur lui-même pour voir les tableaux dansants se succéder sur les différents murs. Mais si l’on reste à la même place, on risque de rater des séquences, le spectateur est donc souvent en mouvement. Chaque espace de la galerie est exploité, les coins, la vitre d’une fenêtre suffisamment grande pour que trois danseurs tiennent sur le rebord. On voit le reflet du public dans la galerie, et les lumières de la ville à l’extérieur.

Il y a aura deux pauses pendant lesquelles les danseurs vont librement boire et manger un peu. La concentration du public est très intense. Personne ne parle. Comme les tableaux sont faits par des corps en mouvements, chacun apprécie de rester longuement sur l’un d’eux. Le public a aussi conscience de son propre corps, éclairé lui aussi par la lumière de la galerie, et qui peut gêner dans ses déplacements d’autres personnes. La dernière figure est effectuée par les danseurs au sol, au centre de la galerie, et les corps représentent des étoiles qui tournent autour de leur propre centre, celui des danseurs, en reprenant le mouvement de Padmini Chettur dans la pièce Biutiful Thing 2 et d écrit précédemment. Chaque danseur va rentrer dans ce mouvement tour à tour. Ce sont les applaudissements du public qui marquent la fin, alors les danseurs se relèvent et saluent, les murs de la galerie sont à nouveau à nus.

« Je pense que j’ai recherché l’essentiel – quoi que cela veuille dire. (…) On associe maintenant mon travail avec la ‘lenteur’ ! Pour moi l’action de ralentir le corps à plus à voir avec le fait de comprendre la vitesse intérieure et la façon dont cela active un espace.46 »

Les nouvelles technologies permettent d’exprimer le mandala dans le spectacle vivant. La vidéo, les effets de lumière, sont de plus en plus utilisés par les chorégraphes qui construisent un langage à partir d’une forme de danse classique indienne, qu’ils soient eux-mêmes danseurs d’origine indienne en Inde ou à l’étranger, ou même des chorégraphes d’une autre origine mais ayant étudié la danse classique indienne pendant de nombreuses années. Akram Khan, danseur anglais d’origine pakistanaise, utilise dans son spectacle Gnosis un effet de la lumière pour faire ressortit ou cacher certaines parties de son corps. Mais cela permet de délimiter l’espace scénique à un triangle dessiné par les projecteurs en trois dimensions, dans lequel danse Fang-Yi Sheu, artiste invitée à Chennai le 2 septembre 2012 pour la sixième édition de The Park New festival, festival conçu et financé par la fondation Prakriti. Les mouvements de cette séquence de Gnosis sont nés alors que Akram Khan regardait « Yoshie Sunahata, la joueuse de tambours japonais ‘taiko’ en tant que percussionniste. C’est en la voyant s’échauffer un matin avec des enchaînements de katas d’un art martial qu’il a l’idée de se placer derrière elle et de l’imiter.47 » Dans le spectacle, on voit clairement la danseuse Fang-Yi Sheu répéter les mouvements, d’abord lentement puis plus rapidement. Elle est dans le triangle dessiné par la lumière, ses jambes sont fixes, le haut de son corps et ses bras font des mouvements circulaires réguliers. Le danseur Akram Khan dessine un cercle sur scène autour de ce triangle avant de rentrer dedans. Gnosis est une pièce très symbolique car elle représente, au-delà d’une interprétation du Mahabarata à travers des scènes successives, une ‘transformation’. « J’étais intéressé de dépeindre les personnages du Mahabarata, et de voir comment on peut transformer le Kathak, pas seulement le vocabulaire du mouvement, mais aussi à travers la présentation d’ensemble de la pièce. Donc même si nous commençons la pièce dans une forme classique, au milieu du voyage je commence à déconstruire la présentation formelle et de la transformer en une situation informelle.48 »

Akram Khan décrit ce spectacle comme une « histoire de mouvements », toujours sous la forme de tableaux successifs précis, avec une évolution de la forme et de l’expression des symboles d’abord dans le récit d’un mythe dans une forme traditionnelle narrative, évoluant tout le long de la pièce de façon de plus en plus abstraite et symbolique, et des dessins dans l’espace toujours plus proches de l’essence, du centre, qui nous ramène au mandala, symbole primordial universel.

De façon plus générale, l’utilisation de la vidéo en temps réel permet au chorégraphe de projeter les dessins faits par le déplacement des danseurs dans l’espace, avec plusieurs corps.  Par exemple la compagnie Nritarutya qui, dans son spectacle Chittara49 filme la scène d’en haut et l’image est projetée en temps réel sur le mur de fond de scène ; Si l’on regarde sur la scène, on voit les corps bouger, se réunir et désunir en rythme. Mais le regard va automatiquement sur le mur de fond de scène sur lequel sont projetées des images : figures géométries symétriques qui se font et se défont grâce à la synchronisation des danseurs. Les mandalas apparaissent et se transforment sous les yeux des spectateurs. Sans la vidéo ces images n’apparaîtraient-elles pas ? La danseuse Swapnasundari a fait une démonstration dans l’un de ses spectacles à Chennai en 2010, d’un rituel qui était pratiqué dans les temples : elle pose le dessous de ses pieds dans une poudre colorée avec des pigments naturels, et, accompagnée de ses musiciens, va reproduire les rythmes avec des pas en se déplaçant dans l’espace, et laisser une trace sur le sol. Elle recouvre la scène de la salle de spectacle par une bâche blanche, qu’elle montre ensuite au public en la relevant : ce qui n’est à première vue qu’une trace au sol apparaît être un lion. Cette technique utilisée dans les temples associait les déplacements du corps de la danseuse à une forme dessinée au sol. Si ce procédé était répété avec une danse comme l’allaripu par exemple, dont les déplacements dans l’espace sont clairs et reviennent toujours au centre pour aller dans une autre direction, un mandala serait vraisemblablement dessiné sur le sol.

Il est difficile de décrire de quelle façon le mandala est consciemment représenté en danse  contemporaine indienne, car toute la culture indienne, les arts classiques, l’architecture, mais aussi la psyché indienne sont intrinsèquement liés avec le concept du mandala, comme symbole primordial. Que ce soit consciemment utilisé dans l’art contemporain comme l’a fait Chandralekha, ou inconsciemment dans le cas de Padmini Chettur qui ne souhaite pas représenter de symboles, le mandala est toujours associé avec ce qui est indien puisque l’architecture et l’art en Inde, indissociables du quotidien, se sont construits sur ce symbole et ce qu’il représente. Aucun chorégraphe de danse contemporaine indienne ne rejettent ses racines, mais les revendiquent différemment, avec les codes de leur quotidien, dans des salles de spectacles ou dans des lieux comme une salle d’exposition par exemple, avec l’utilisation des lumières et de la vidéo comme support. Pour amplifier leur message, des enregistrements audio qui font progressivement disparaître les musiciens de la scène contemporaine en Inde. Mais si ce message est uniquement esthétique comme celui de Padmini Chettur dans Beautiful Thing 2 par exemple, nul ne saurait ignorer l’impact de la pratique des arts martiaux ou des arts classiques indiens, ne serait-ce que dans les corps ; la façon de bouger ou de respirer de l’artiste ramène le spectateur à quelque chose d’universel, qui nous bouleverse tous ou nous irrite par sa lenteur, mais ne laisse pas indifférent. Padmini Chettur parle dans ses créations de « la complexité de ce que signifie être "indien’ dans notre soit disant monde progressiste, globalisé.50 » Au delà de ce que la danse classique indienne et plus particulièrement le Bharata-Natyam véhicule aujourd’hui, c’est leur propre identité que les danseurs indiens ou d’origine indienne à l’étranger veulent révéler, avec leurs racines profondes liées à un art et une culture où les symboles primordiaux sont omniprésents, jusque dans leur façon de se mouvoir, et avec les outils de la modernité.

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Notes

1 « Bharatanatyam : An ‘Invention’ of  Tradition ? » in BARUCHA Rustom, Chandralekha, Woman, Dance, Resistance, New Delhi, HarperCollins, 1995, p. 39.

2 « Who was I? Why was I so upset that my moment of privacy was taken away? And why should I have to become this somebody else in order to say this story? », communication personnelle de Preethi Athreya non publiée, 4 août 2011, Chennai.

3 mudrā : Mot sanskrit. On appelle dans le langage théâtral mudrā les différentes positions des mains. Ils n’ont pas de signification dans l’aspect ntta (danse pure, non narrative) en Bharata-Natyam.

4 « Je me suis figée », communication personnelle d’Anusha Laal non publiée, 30 mars 2012, New Delhi.

5 varṇam (sanskrit) : Veut dire couleur. C’est la pièce maîtresse d’un concert de musique carnatique et lorsqu’il est dansé d’un récital de Bharata-Natyam. Elle alterne narration et danse pure.

6 « That experience really made me reconsider what was my relationship with this form meant to me », communication personnelle d’Anusha Laal non publiée, 30 mars 2012, New Delhi.

7 « To think about the body in an other way », ibid.

8 Premier spectacle en public durant lequel l’élève est sacrée danseuse par son maître.

9 « Suddenly, right in the middle of the performance, I froze to a stop  with the realisation that I was dancing and depicting all this profusion of water in the context of a drought. I remembered photographs in the news papers of cracked earth, of long, winding queues of people waiting for water with little tins in hand. Guru Ellapa was singing ‘Mathura Nagarilo.’ Art and life seemed to be in conflict. The paradox was stunning. For that split second I was divided, fragmented into two people. », in CHANDRALEKHA, « Contemporary Relevance in Classical Dance », NCPA Quarterly Journal, Bombay, juin 1984.

10 CHATTERJEA Ananya, « Chandralekha: Negotiating the Female Body and Movement in Cultural/Political Signification », Dance Research Journal, Vol. 30, No. 1, Printemps, 1998, p. 25-33.

11 CHANDRALEKHA, « Militant Origins of Indian Dance », Social Scientist, Vol. 9, No. 2/3, Septembre - Octobre 1980, p. 80-85.

12 « An open air theatre called Mandala » in BARUCHA Rustom, Chandralekha, Woman, Dance, Resistance, New Delhi, HarperCollins, 1995, p. 139.

13 « Selon l'hindouisme un graha est une influence cosmique sur les êtres humains. Les Navagraha ne sont que des planètes : Mars, Jupiter, Mercure, Saturne et Venus (5 planètes), le soleil, la lune, Rahu (l'éclipse) et Ketu (souvent connu sous le nom de « planète ombre » ). Selon la mythologie hindoue le Rahu est la tête décapitée d'un asura (démon) et le Ketu est le corps de cet asura. Dans les temples hindous, le Navagraha a  une place spéciale car ces neuf corps célestes sont censés influencer la destinée et/ou la vie des êtres humains. La disposition des Navagraha dans un temple est sous forme d'une grille avec le soleil au centre et les autres corps célestes autour ; aucun des corps n'est face a l'autre. On peut voir le Navagraha dans n'importe quel temple de Shiva. », Communication personnelle de Manisha Iyer non publiée, mail reçu le 25 janvier 2013.

14 « The very environment of Chandralekha’s work contribuates to her creativity. She lives near the sea on the corner of Eliot Beach, where the days and nights seem to flow into one another, and you can forget the passing of time. » in BARUCHA Rustom, Theatre and the world: Performance and the politics of Culture, Routledge, 1993, p. 133.

15 « It was hard to reconcile banality and middle class materialism with Chandra’s theatre space – so intimate, yet open to the forces of nature. The very proportions of the theatre – modelled on mandala concepts, with it’s simple regular stage. » ibid., p. 133.

16 « One of the ironies of the revival of the classical Indian dance is generally attributed to the interest shown in our ‘traditional culture’ by foreign artists. » in BARUCHA Rustom, Chandralekha, Woman, Dance, Resistance, New Delhi, HarperCollins, 1995, p. 128.

17 « met the famous ballet dancer Anna Pavlova who accepted her as a bal-let student. After some time, Pavlova suggested that Rukmini Devi return to India to study "her own" dance form. », O’ SHEA Janet, « "Traditional" Indian Dance and the Making of Interpretive Communities », Asian Theatre Journal, Vol. 15, No. 1 University of Hawai'i Press, (Spring, 1998), p. 46.

18 « Rukmini Devi in effect ‘classicalized’ and de-eroticized the dance practiced by the devadasis, renamed Bharata-natyam, and effectively cast it as the primary classical dance of an Indian recovering from the shame and debilitation of years of colonisation », CHATTERJEA Ananya in MITRA Royona, « Living a Body Myth, Performing a Body Reality: Reclaiming the Corporeality and Sexuality of the Female Dancer », Post Colonial Theatres – Feminist Revue, Volume 84, Issue I, 2006, p. 14.

19 Communication personnelle non publiée de Kalaimamani Kuttalam M. Selvam, Chennai, 2010.

20 « For a lot of people being this glamorous divine presence on stage, this absolute gorgeous, unparallel beauty on stage is very important to say the stories. Me personally I don’t think what you do on stage requires it. », communication personnelle de Preethi Athreya non publiée, 4 août 2011, Chennai.

21 rāga (sanskrit) ou rāgam (tamoul) : Le rāga est composé d’une série de svara, le plus souvent comprise entre cinq et sept. Le rāga ordonne les notes en définissant leur intervalle dans la gamme. Certaines notes sont utilisées ou pas selon le rāga. Le rāga se définit par une ascendante (arohan) et une descendante (avarohan) à l’intérieur desquelles les intervalles ne sont pas toujours les mêmes. Ce sont les intervalles qui provoquent l’émotion du rāga.

22 JUNG Carl Gustav, Commentaire sur le mystère de la fleur d’or, Paris, Albin Michel, 1994, p.40.

23 « Each architectural construction in classical India is founded on classical laws and represents a new victory over the possibility of the cosmic order » in STODDAD Heater, « Dynamic Structures in Buddhist Maṇḍalas: Apradakṣina and Mystic Heat in the Mother TantraSection of the Anuttarayoga Tantras », Artibus Asiae, Volume. 58, Numéro. 3/4, 1999, p. 174.

24 V.S. Muthuswamy Pillai descend d’une famille qui a travaillé au service des temples depuis cinq générations. Il meurt en 1992, peu de temps après s’être vu octroyer le titre de Chevalier des Arts et des Lettres lors de sa venue en France à Montpellier.

25 JUNG Carl Gustave in EVANS Richard, Entretiens avec Carl Gustav Jung, Paris, éd. Payot et Rivages, 2002, 1ère éd. 1964, p. 65.

26 aavu (tamoul) : Les aavu sont les exercices rythmiques de danse pure (ntta), où lesmains, les pieds, la tête, les yeux et les autres parties du corps bougent de façoncoordonnée sur un rythme précis. Ils sont classés par famille dont la codificationdépend de la lignée de la transmission orale, et sont appris dans un ordre défini.Lorsqu’ils sont combinés entre eux, les aavu forment un korvai, qui, dans un formatrythmique déterminé, est appelé jati.

27 Exercices de respiration du yoga.

28 « There is a very organic, social function, cultural function that it performs. It has its meditative quality. You know, that very good music, very good dance, that completely calms you, centers you.(…) It is like doing you pranayama in the morning, it is just to bring your attention to the moment. And that’s what something like Bharata-Natyam allows. », Communication personnelle d’Anusha Laal non publiée, 30 mars 2012, New-Delhi.

29 Natyarambe : Posture de base des bras en Bharata-Natyam, ouverts sur le côté à hauteur des épaules, coudes légèrement pliés, paumes des mains vers le sol et doigts étirés vers le haut.

30 « And I only took very little small facets of small points of departure from Bharata-Natyam to create work. So now I've made three works which have referencing the form and a lot is to do with memory of what it is to physically remember Bharata-Natyam what it is to arrive at that place that I call home. (…) And what does it feel to arrive home, where did you go away, what is that for the rest of your body, suddenly part of you, suddenly goes immediately to natyarambe, and then can the rest of your body be somewhere else?  And do you still do Bharata-Nayam or not? That was the questions I was dealing with. »Communication personnelle d’Anusha Laal non publiée, 30 mars 2012, New-Delhi.

31 JUNG Carl Gustave in EVANS Richard, Entretiens avec Carl Gustav Jung, Paris, éd. Payot et Rivages, 2002, 1ère éd. 1964, p. 64 et 65.

32 « a sophisticated materialist philosophy of individual and collective wellbeing with focus on the human body itself. » in CHANDRALEKHA, « Militant Origins of Indian Dance », Social Scientist, Vol. 9, No. 2/3, Septembre - Octobre 1980, p. 82.

33 ibid., p. 82.

34 « For example, the “Aramendi”, a kind of half squatting which is the basic stance in Bharatanatyam, Odissi, Kathakali and Kutchipudi, is also the basic stance in wrestling (Indian and Japanese), Kalari Payattu, Silambam, Karate, Thai Chi Chuan and Thai boxing. It is abstracted as the mandala in classical dance, a continuous making and breaking of squares, circles and triangles to harmonize with the circular stage symbolizing the earth/cosmos. », ibid, p. 82.

35 « Hailed by at least some of its supporters as ‘the national art by excellence. » in BARUCHA Rustom, Chandralekha, Woman, Dance, Resistance, New Delhi, HarperCollins, 1995, p. 44.

36 « The image of the abstinent and pure Mother India and Indian womanhood constructed by Hindu nationalists », MITRA Royona, « Living in a body Myth – performing a Body Reality », Post Colonial Theatres - Feminist Review, Vol. 84, Issue I, 2006, p. 75.

37 « Hindu nationalism was marking out its territory and sowing its seed within the Hindu psyche through the implementation of the Hindutva ideology», ibid., p. 70.

38 « The nationalist project thus appropriated the ancient and erotic tradition of Sadir purely at its aesthetic level and removed it completely from its ritualistic context to transform it into Bharatanatyam, the classical dance of the newly emerging ‘respectable’ middle class and symbolic of India’s ‘uncontaminated’ Hindu heritage. », ibid., p. 75.

39 « And it is a choice. She doesn’t use Indian symbols; anything which is historical or symbolic, she rejects the symbolization, like using the body as part of a Yoni or a Lingam: she rejects this kind of symbology from Chandralekha’s work. She didn’t want to take that into her own work. », communication personnelle de Preethi Athreya non publiée, 27 août 2011, Chennai.

40 Communication personnelle d’Estelle Guihard non publiée, Pondicherry, mail reçu le 21 décembre 2012.

41 Poème qui contient des histoires et des idées qui sont adoptées en Bharata-Natyam.

42 «These are thing I guess are fun to play with, completely fun to play with. How similar is the language of the mudras, how similar is it to define its own language. (…) Yes, just a lot of little experiments with things that are existing and as you go along the reason why you are interested in those things at this point of that time will slowly become clear. But it can only come from the practice. It cannot come from an intellectual exercise, ever.», communication personnelle non publiée de Preethi Athreya, 27 août 2011, Chennai.

43 Un sari de coton est porté pour la pratique de la danse, moins large, ce qui le rend plus court et permet de donner plus d’aisance dans les mouvements. Dessous, les danseuses portent un pantalon, et une blouse de coton.

44 « I believe the body holds within it one's emotional impulses and it is the way to communicate, not through words, not through tangible expressions, especially when it comes to deeply felt expressions. », Preethi Athreya in The Hindu, le 11 février 2011. Entretien realise par P. ANIMA.

45 « A figure, perhaps her figure, dances in silhouette on a large screen asynchronously, like feelings disjointed by loss. An empty stage, black like her thoughts, and, yes, a single chair, something to hold on to, to anchor her as grief mounts. Sounds escape like uncontrollable complexes surfacing from the unconscious. Private grief, demanding no audience, careless of any watcher, lost in itself, on the edge. I am not sure whether I was relieved when the staging was over, but I know I was shaken, in touch with parts of my life I had tried to push away. Thank you, Preethi Athreya. », Vithal Rajan, The Hindu, 20 novembre 2010.

46 « I think I've been looking for the 'essential' - whatever this means. (…) People now associate my work with 'slowness'! For me though the very action of slowing down the body has a lot more with understanding internal speed and the way this activates space. », Entretien de Padmini Chettur avec Deepa Punjani, Mumbai Theatre Guide.com, 2011, www.mumbaitheatreguide.com/dramas/interviews/26-padmini-chettur-interview.asp, consulté le 18 février 2013.

47 LEGERET Katia, La performance des gestes savants entre la danse contemporaine et le théâtre indien : résistance, rupture, mutation, colloque Savoirs et performance spectaculaire, organisé par le professeur André Helbo à l'Université Libre de Bruxelles, éd. Revue Degré n° 15, 2010, 16 p.

48 « I was interested in portraying characters from the Mahabarata, and to see how one can transform the form of Kathak, not only through the vocabulary of movement, but also through the overall presentation of the piece. So, even though we begin the show in a classical set up, by the middle of the journey I begin to deconstruct the formal presentation and to transform it into an informal situation. », KHAN Akram, The Park’s New Festival, Edition VI, 2012.

49 Nritarutya est une organisation professionnelle pour le développement de la danse contemporaine en Inde, située à Bangalore, et soutenue par le ministère de la culture (Indian Council of Cultural Relations). Un extrait du spectacle est visible en suivant ce lien : « http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&list=PL100D19B28E945BC9&v=fReYd5-BxEI »

50 « Most of all it has been about the complexity of what it means to be 'Indian' in our so-called progressive, globalised world. », Entretien avec Padmini Chettur par Deepa Punjani, Mumbai Theatre Guide.com, 2011, www.mumbaitheatreguide.com/dramas/interviews/26-padmini-chettur-interview.asp, consulté le 18 février 2013.

Pour citer ce document

Nancy Boissel-Cormier, «La danse contemporaine indienne à Chennai : exprimer l’essence du mandala avec les codes de la modernité.», déméter [En ligne], Textes, Actes, Journées d'étude, Le Mandala et ses figures dans la modernité artistique, mis à jour le : 22/01/2015, URL : http://demeter.revue.univ-lille3.fr/lodel9/index.php?id=270.

Quelques mots à propos de :  Nancy Boissel-Cormier

Doctorante à l'université Paris 8, Ecole Doctorale Esthétiques, Scienes et Technologies des Arts, LaboratoireEA 1573 : Scènes et Savoirs.