Une physionomie à pleines voix : le procès du PÈRE ou l'enfance d'une performance
Résumé
En août 1832, le PÈRE des saint-simoniens, Prosper Enfantin, opposa au tribunal qui le jugeait pour immoralisme une défense inédite articulée par ses seuls regards, ses silences, ses gestes. Cette corpeaugraphie, exempte de toute subordination à l’écrit, visait notamment à incarner en creux, face au pouvoir institutionnel, la place de la femme affranchie jusqu’alors interdite de droit à la parole. Par cette performance sensible où son corps en vint à dépasser politiquement l’assignation au silence pour tenter d’ouvrir une voie tangible à l’émancipation, Enfantin offrit non seulement aux femmes l’espace d’une utopie dont elles s’emparèrent aussitôt par la fondation de La Femme libre, premier journal féministe, mais encore un espace ouvert à la réhabilitation de la chair comme à l’expression des désirs et pour l’émergence duquel devaient en premier lieu se mettre en mouvement les artistes, les hommes à imagination.