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Du rite au jeu
Rite, jeu et fête. Pierre Huyghe et Jeremy Deller
Résumé
Notre article se propose de montrer que depuis une vingtaine d’années, certains artistes font travailler de manière peu attendue les notions de rite et de jeu. Les artistes Pierre Huyghe (1962) et Jeremy Deller (1966), dont les œuvres font actuellement l’objet de nombreuses rétrospectives en France et à l’étranger, semblent être de ceux-là, qui n’hésitent pas à placer au cœur de certaines de leurs pièces célébrations et défilés. A travers l’étude comparative de deux événements complexes (Streamside Day, 2003, de Pierre Huyghe ; et Procession, Manchester International Festival, 2009, de Jeremy Deller)1, nous interrogerons l’intention affirmée de Huyghe, de « créer un rituel » et la mettrons en perspective avec les choix singuliers de Deller de se saisir d’une manière joueuse des cultures populaires britanniques.
Abstract
This article will show some original pratices working at the center of some contemporary pieces of art, such as rites, games or celebrations. It will study some works from the artists Pierre Huyghe (1962) and Jeremy Deller (1966) – Streamside Day, 2003, of Pierre Huyghe ; and Procession, Manchester International Festival, 2009, of Jeremy Deller2- , whose works are presently exhibited in great museums in France and abroad. Our purpose is to examine the intention of Pierre Huyghe to “create a ritual” ant to put this intention into perspective with some works of Jeremy Deller when he plays with folk British cultures.
Texte intégral
En 2003, l’artiste français Pierre Huyghe proposa aux Etats-Unis une manifestation singulière consistant à marquer par un événement la naissance d’une petite ville, Streamside Knolls, située dans l’Etat de New York, manifestation qui donna également lieu à la création d’un film, Streamside Day. Quelques mois plus tard, Pierre Huyghe relata ainsi les raisons qui le conduisirent à organiser cet événement, le 11 octobre 2003, qui se voulut le premier temps d’une sorte de rituel destiné à être repris chaque 11 octobre des années à venir :
Streamside est une petite ville au nord de New York. Elle était en cours de construction lorsque je l’ai découverte et j’ai créé – ou inventé – une tradition pour elle. J’étais intéressé par la notion de célébration, et ce que cela signifie de célébrer quelque chose. J’ai tenté de trouver une histoire liée au contexte local, j’ai recherché ce que les gens (choisissant d’y résider) y avaient en commun. J‘ai trouvé quelque chose de très simple : ils venaient tous d’ailleurs, et cherchaient un lien fort avec la nature. J’ai inventé une espère de partition, un programme écrit, une sorte de scénario, et j’ai filmé cela : tous ces gens se déplaçant vers ce qu’ils pensaient être un espace « sauvage », naturel. En fait, cet espace naturel est entièrement une construction, formée et reformée par les hommes depuis quatre cents ans. J’ai alors commencé mon film par une scène inspirée du début de Bambi, quand le faon quitte la nature pour aller dans la nouvelle ville. Ensuite, on voit ces deux petites filles qui partent de la ville pour aller dans la nature. C’est la base de la tradition que j’ai créée. Mais ce n’est pas ce qui m’a le plus intéressé. Ce qui m’a intéressé est de créer un rituel que les gens dans la ville pourraient réellement reprendre parce qu’il est basé sur ce qu’ils partagent.3
Dans le cadre de ce numéro de Déméter intitulé Du rite au jeu, nous allons nous interroger sur le fait qu’un artiste contemporain se propose ainsi de « créer un rituel ». Pierre Huyghe ne définit pas le mot de rituel mais à le lire, on peut supposer qu’il entend par là à la fois la journée elle-même dans la configuration particulière qu’il lui donne (une journée composée de plusieurs moments qu’on pourrait dire eux-mêmes ritualisés, défilé, discours, repas, concert, etc., parmi lesquels une parade tient une grande place) et le fait que cette journée soit répétée chaque année (la célébration de la naissance d’une ville devenant ainsi un rituel au sens d’un événement inscrit dans un calendrier). Dans la même décennie, les années 2000, un autre artiste, Jeremy Deller, contemporain de Pierre Huyghe, organisa lui aussi des manifestations d’un genre assez proche sous l’espèce de parades paraissant relever elles aussi du registre de la célébration. Par une comparaison entre les travaux de ces deux artistes, nous tenterons de saisir ce que leurs pratiques disent des notions de rite et de jeu qui nous occupent dans ce numéro de Déméter ainsi que les enjeux respectifs de leurs travaux.
En premier lieu, remarquons que dans le champ de l’art contemporain, d’autres critiques et artistes se sont récemment emparés des idées de célébration et de rituel. C’est le cas par exemple de Frank Lamy, conservateur du Musée d’art contemporain du Val de Marne, qui décrit son exposition Let’s dance programmée en 2010 comme « une déambulation dans les territoires de la célébration »4.Dans la préface au catalogue accompagnant l’exposition, Frank Lamy demande : « Qu’est-ce qu’un anniversaire ? Une fête ? Une commémoration ? Que se cache-t-il derrière les feux d’artifice, les fanions et autres paillettes ? Derrière ces moments de rassemblements collectifs, ces moments où le corps social s’affirme et se construit dans le même mouvement ? »5 Pour tenter d’apporter par des œuvres des réponses à ces questions, Frank Lamy réunit dans Let’s dance les travaux d’une trentaine d’artistes dont certains ont, tel Pierre Huyghe, imaginé des "célébrations" inédites dans lesquelles parades, défilés et carnavals ont également la part belle. Pour Lamy, célébration et rituel ne peuvent être que liés, comme le suggèrent ses propos selon lesquels la célébration est « une façon de ressouder la communauté [...] ; si l’être humain a tant besoin de tout célébrer, c’est que la célébration est un rituel social fédérateur »6. D’une certaine manière, c’est également ce qu’entend Pierre Huyghe lorsqu’il note de son entreprise à Streamside Knolls ce que nous avons déjà cité plus haut mais qu’il vaut la peine de reprendre : « Ce qui m’a intéressé est de créer un rituel que les gens dans la ville pourraient réellement reprendre parce qu’il est basé sur ce qu’ils partagent »7.
A lire Huyghe et Lamy, une question se pose : les artistes et critiques contemporains toucheraient-ils intuitivement à quelque chose de fondamental du rituel en l’associant ainsi à la célébration ? Sans doute certains rituels (pensons aux rituels catholiques par exemple, mariage, baptême, etc.) ont-ils effectivement partie liée avec la question de la célébration et associer ainsi les deux est loin d’être absurde. Mais Huyghe et Lamy disent davantage en donnant à la célébration une fonction assez précise en la présentant, pour Lamy, comme un « rituel social fédérateur », et pour Huyghe, comme ce qui devrait permettre de créer un rituel à venir. Dans les propos de Lamy comme dans ceux Huyghe, il y a beaucoup à discuter. Tout rituel par exemple est-il ainsi « fédérateur » d’un groupe social ? Faut-il, comme l’entend Huyghe, qu’il existe un fond commun partagé par ceux qui effectuent un rituel pour que ce dernier soit efficace ? Sur ce dernier point, les ethnologues, dont on sait l’attention qu’ils ont porté aux rites et aux rituels8, retiennent plutôt autre chose de leurs enquêtes : que rites et rituels ne se fondent pas sur du commun mais produisent du commun. La nuance est loin d’être anecdotique. Dans la notice Rites de l’Encyclopaedia universalis, Jean Cazeneuve, qui prend soin en ouverture de préciser que « Le mot "rite" peut avoir des sens différents selon les contextes dans lesquels il est utilisé », note que « tous les emplois de la notion se réfèrent plus ou moins à celui qui désigne un comportement social, collectif, dans lequel apparaît plus nettement le caractère répétitif du rite et, surtout, ce qui le distingue des conduites rationnellement adaptées à un but utilitaire. Le rite se présente alors comme une action conforme à un usage collectif dont l’efficacité est, au moins en partie, d’ordre extra-empirique »9. D’une certaine manière, la proposition de Pierre Huyghe n’est pas complètement éloignée de cet emploi minimal du terme rite lorsqu’il dit vouloir créer un rituel, définissable effectivement en termes de comportement social, collectif, répétitif et sans objectif directement utilitaire10. Pour autant, rien dans la réflexion de Jean Cazeneuve n’entraîne à penser que son effectuation ait systématiquement comme résultat une meilleure cohésion du groupe social qui le met en œuvre ou que l’efficace d’un rite ou d’un rituel dépende d’un substrat commun partagé par ceux qui le pratiquent ensemble.
Il faut pourtant revenir à ce fonds commun partagé selon Piere Huyghe par les habitants de Streamside Knolls et tenter de le définir. Dans l’entretien cité plus haut, Huyghe met en avant, on l’a déjà remarqué, la volonté des habitants de se confronter à une nature pensée comme sauvage, un désir exploité très clairement par l’investisseur du programme immobilier de Streamside Knolls lorsqu’il diffuse la publicité suivante : « Sortez de votre maison et prenez une grande inspiration. Respirez l’air pur et vif. Sentez les feuilles craquantes et les brindilles sous vos pieds. C’est la vie dans la nature portée à ce qu’elle a de meilleur »11. Hors de ce contexte promotionnel, cet idéalisme pastoral arrêta d’autant plus l’attention de Huyghe que le lotissement (« je préfère y penser comme à un village, dit-il, mais en réalité il s’agit d’un lotissement. »12) se situe dans la vallée de l’Hudson, une région qui, comme l’enquête qu’il mena le lui apprit alors, fut choisie au début du XIXe siècle par des peintres de paysage, les peintres de la Hudson School River of Painters, pour y constituer une sorte de « communauté » utopique. Pour Pierre Huyghe, Streamside Knoll, le site, a bien à voir avec trois questions qu’il combine dans ses propos et dans son œuvre : celle d’un lien commun des habitants à la "nature" ; celle de la "communauté" que ce lien fonde selon lui ; et celle de l’utopie. Les trois brins de cette tresse sont également présent dans la réponse qu’il donne à la question de savoir quels sont « les élément culturels » qui sous-tendent sa pièce : « Vous pouvez penser, répond-il, à Epcot Center ou à la communauté expérimentale de Celebration sur laquelle Disney travailla en Californie. Vous pouvez aussi penser aux premières communautés utopiques des Etats-Unis. Et vous pouvez penser à des films comme E.T. ou Twin Peaks. »13 On peut être étonné, à juste titre, de cette réponse qui relie des univers généralement dissociés et qui place sous l’égide de la « communauté utopique » des expérimentations américaines de nature sans doute profondément différente voire parfois contradictoire dans leurs enjeux. Mais dans le cadre de notre réflexion, il nous importe d’insister sur ce qui unit pour Pierre Huyghe ces différentes « communautés » : un déplacement de leurs membres vers la « nature ». Serait-ce ce désir de retrouver un lien fort avec la « nature » qui formerait ce substrat commun que nous tentons de préciser ? C’est ce que semblent affirmer les communiqués de presse et les textes informatifs de catalogues qui présentent le film Streamside Day lors des expositions de Huyghe14, tel celui-ci :
L’artiste − qui avait fondé en 1995 l’Association des temps libérés ayant pour objet "le développement des temps improductifs, pour une réflexion sur les temps libres et l’élaboration d’une société sans travail" − questionne le rapport au temps, à la mémoire collective et réinvente même de nouveaux modes de célébration. Fêtes et rituels sont importants pour toute vie communautaire. Ainsi, pour Streamside Day, 2003, Pierre Huyghe invente une coutume pour célébrer la naissance d’une communauté à Streamside Knolls, bourgade à la frontière de la ville et de la nature, au nord de New York. Constituée de membres qui, au départ, ne se connaissent pas, cette communauté va se souder autour de deux idées, le retour à une nature préservée, témoin d'un passé, et le désir d’être à l'origine d'une société nouvelle.
La cérémonie a lieu le 11 octobre. Le rituel se déroule autour de ce lien privilégié avec la nature et la construction du lotissement. Une parade est organisée, conduite par un joueur de flûte qui précède un cortège des représentants locaux, poste, pompiers, bus scolaire… et qui se clôt par le marchand de glaces. Des discours inaugurent le repas et le spectacle. Les enfants sont déguisés en animaux et fabriquent des maisons en carton, symboles de cette ville pionnière proche de la nature ; un rite prend forme, quasi fantastique. En passe de devenir une commémoration inscrite dans le calendrier de la ville, cette fête fait écho à la proposition intitulée One Year Celebration, 2003-2006, pour laquelle Pierre Huyghe a invité des artistes à concevoir des fêtes pour toutes les dates sans événement, comme la fête des gauchers ou l'anniversaire de l'art… 15
Texte sans auteur, comme tant de textes repris inlassablement dans les cartels des œuvres ou dans les communiqués de presse, texte d’autant autoritaire (l’absence d’auteur empêchant toute possibilité de discussion), cette présentation non datée et écrite au présent, valable à tout jamais sans doute, se donne quant à elle comme une explication définitive du projet de Pierre Huyghe et du propos du film. Elle semble affirmer que oui, Huyghe a bien créé un rite (c’est effectivement le mot rite ici qui est utilisé, non celui de rituel), un rite décrit comme « quasi fantastique », formule qui l’ancre dans une sorte de dimension magique ; Huyghe a créé une coutume commémorative « en passe » de devenir « inscrite dans le calendrier de la ville ». Plus intéressante encore est la tranquille affirmation de l’efficace de la manifestation inventée par Huyghe : « Constituée de membres qui, au départ, ne se connaissent pas, cette communauté va se souder autour de deux idées, le retour à une nature préservée, témoin d'un passé, et le désir d’être à l'origine d'une société nouvelle. » Si jamais nous en doutions, nous avons bien affaire à une « communauté », dont le substrat commun, sur lequel nous nous interrogions plus haut, est à la fois le désir de vivre dans une « nature » présentée comme quasi vierge et la très haute ambition de créer un groupe social inédit dans son fonctionnement et ses objectifs. Le texte cité affirmant sans ambages que « Fêtes et rituels sont importants pour toute vie communautaire », c’est donc bien dans ce cadre théorique relatif à la notion de « communauté » qu’il faut comprendre l’invention revendiquée par Huyghe d’un « rite » ou d’un « rituel ».
Certes, ce texte n’est pas signé de Pierre Huyghe. Mais ce dernier n’empêche pas sa publication et sa circulation, bien au contraire. Or, et c’est en cela qu’il pose problème à nos yeux, il replie sans précaution aucune l’idée de rituel sur celles de substrat commun et de "communauté" ; il replie aussi l’idée de "communauté" sur une dimension à la fois rétrospective (puisqu’elle serait fondée sur un désir de nature sauvage, archaïque, originelle) et prospective (sur le désir commun de créer une « société nouvelle »). Depuis les travaux de Maurice Blanchot et de Jean-Luc Nancy, on sait combien cette notion de "communauté" est complexe et que l’employer ainsi sans plus de précisions est délicat – d’autant lorsque les termes de « communauté » et de « nature » sont comme ici associés, faisant de cette dernière le lieu partagé de la "communauté", ouvrant ainsi la porte, sans que Pierre Huyghe ne le revendique aucunement, à une conception de la communauté fondée sur une dimension fusionnelle, celle qui dissout « les éléments qui la composent en une unité surélevée »16 (fascismes, groupes militaires, etc.) là où l’artiste, sans nul doute, serait bien embarrassé par les références historiques et théoriques que ses propos convoquent.
Cela dit, à bien regarder le film lui-même, ce dernier dit tout autre chose que ce que le discours de l’artiste ou les textes sans auteurs que nous avons cités suggèrent. Impossible d’y déceler les signes de la constitution d’un rite ou d’une célébration. Difficile d’y voir ce qui correspondrait à cette « communauté » tant mise en avant par les discours et à son rapport étroit avec la « nature ». En revanche, s’y affirme avant tout une série de séquences faisant preuve d’un sens fictionnel aigu : fiction de l’entrée hésitante du faon – un animal dressé pour les besoins du film – dans les maisons en construction du lotissement ; fiction évidente du ballon énorme jouant le rôle de la lune qui clôt le film. Lentement, paraissant beaucoup plus long que les 26 minutes qu’il compte, le film se déploie sur une temporalité distendue, chaque séquence (parade dans le lointain, discours peu suivi, repas peu fréquenté, concert par un chanteur « country » des plus méditatifs) semblant s’étirer étrangement hors du temps, hors du monde – dans l’espace en fait de la fiction (et pas n’importe quelle fiction, comme en atteste ici les références aux productions de Walt Disney et à leur conception spécifique de la « nature ») alors même que les habitants et le lotissement lui-même jouent leur propre rôle.
C’est ici que nous devons nous interroger sur les différents types de jeu que Pierre Huyghe, précisément, met en place dans cette journée et dans ce film. Même s’il n’est jamais évoqué ou commenté par l’artiste, le jeu est en effet présent de plusieurs manières : jeu des acteurs-animaux, en un curieux ballet entre nature et fiction ; jeu des enfants déguisés sous de très lourds masques en peluche ; contre-jeu de la parade, composée effectivement, comme le dit le communiqué cité plus haut, des véhicules publics du lotissement (voiture de pompiers, voiture de la poste, bus scolaire, etc.). D’une certaine manière, si l’on reprend la classification des jeux proposés par Roger Caillois en 1958, nous sommes ici dans le registre de la Mimicry, dans lequel le jeu, dit Caillois, peut consister « à devenir soi-même un personnage illusoire et à se conduire en conséquence »17. Dans le cas de ce qu’imagine Pierre Huyghe, on conviendra d’un paradoxe : d’une part la manifestation pensée par l’artiste, qui fait jouer aux habitants leur propre rôle, s’inscrit dans les caractéristiques reconnues classiquement du jeu au sens où elle suspend toute activité quotidienne dans un espace circonscrit et temporaire qui tend à abolir le monde habituel ; d’autre part, elle rompt avec l’un des grands principes du jeu en ce que les actions qu’elle propose ne sont pas ces actions libres et non commandées qui le caractérisent généralement mais des actions visant un objectif (souder une « communauté ») - ayant donc cette utilité que le jeu, en principe, ne revendique pas18.
Une comparaison de ce film avec le travail de l’artiste britannique Jeremy Deller peut nous éclairer sur ce rapport singulier entre rite et jeu institué par la pièce de Pierre Huyghe. En 2009, Jeremy Deller accepte d’organiser à Manchester une parade ouvrant la grande manifestation du Manchester International Festival19. Les analogies ne manquent en effet pas entre le travail de Pierre Huyghe et celui de Jeremy Deller puisque la manifestation conçue par Deller comprend elle aussi un défilé et que l’artiste tourne également à cette occasion un film qui l’enregistre et qui est présenté par la suite dans des institutions artistiques20. Mais si les analogies ne manquent pas, les différences non plus : Manchester, ville industrielle, n’est pas Streamside Knolls, lotissement entre ville et campagne ; la parade de Deller, avec ses milliers d’habitants le long des rues, ses centaines d’acteurs et de chars n’est pas celle de Huyghe et son très faible nombre de protagonistes. Mais ces différences d’échelle ne sont pas les principales. Comparer les deux films fait apparaître une différence de nature entre la fiction de Huyghe plongeant le lotissement encore en construction dans une sorte de rêve éveillé et le documentaire de Deller donnant à voir les chars, masques, costumes et fanfares de la parade de Manchester. En fait, tout dans ces deux films se rencontre pour s’opposer : à la langueur de celui de Huyghe semble répondre la nervosité extrême et joyeuse de celui de Deller. À la spatialité étirée de celui de Huyghe, tout en espaces plus vides les uns que les autres (rues désertées, tables chanteur esseulé) correspond la spatialité ramassée de celui de Deller, ses rues bondées, sa densité tant musicale que spatiale. À la mélancolie suscitée par le film de Huyghe, à ses demi-teintes effacées et ses moments presque silencieux, répondent la gaîté distillée par celui de Deller et ses plans ensoleillés. Aux vraies voitures municipales de Streamside Knolls, qui dans le film de Huyghe sont paradoxalement devenues comme des jouets d’enfants, répondent les voitures et les chars en carton à échelle un dessinés par Deller - usine sur roulettes, bar ambulant, coiffures en cornet de frites – qui rejouent avec humour une culture populaire des temps industriels reprise sous des formes burlesques mais aussi inattendues par les habitants de Manchester.
C’est que Jeremy Deller, à Manchester, œuvre dans une pratique bien vivante, celle de la fête, une de ces fêtes auxquelles souvent participent bien volontiers les habitants des villes dans les grandes traditions des parades et des carnavals. En cela, il se glisse consciemment ou non dans les traditions des « Joyeuses Entrées » ou des « Fêtes princières » mais en les retournant puisqu’il les ancre dans une tradition ouvrière et industrielle. La parade organisée par Deller repose sur une conception classique de la fête en tant que lieu par définition du rassemblement et moment de rupture avec le quotidien – se distinguant ainsi de toute célébration. Rappelons que pour l’un des grands théoriciens de la fête, Émile Durkheim, la vie des sociétés se partage entre moments profanes dévolus à la vie économique et productive et moments festifs sacrés où s’élève une exaltation hors du commun. Au cours du temps profane, écrit Durkheim, « l’activité économique est prépondérante, et elle est généralement d’une très médiocre intensité [...]. L’état de dispersion où se trouve la société achève de rendre la vie uniforme, languissante et terne. Mais qu’un corrobori ait lieu et tout change [...]. Le seul fait de l’agglomération agit comme un excitant exceptionnellement puissant. Une fois les individus assemblés, il se dégage de leur rapprochement une sorte d’électricité qui les transporte vite à un degré extraordinaire d’exaltation [...] »21. Si on accepte de délier les moments festifs décrits par Durkheim de leur caractère sacré et d’en retenir l’exaltation et l’excitation dues au rassemblement des individus, on remarquera deux points nous permettant d’affiner notre mise en perspective des travaux de Jeremy Deller et Pierre Huyghe. En premier lieu, il est remarquable que cette « agglomération » dont Durkheim fait l’un des traits de la fête n’existe pas chez Huyghe (aucun rapprochement des individus n’est suggéré dans le film qui se définit, on l’a dit, par une impression d’isolement et d’espaces étirés) alors qu’elle caractérise la parade de Manchester. En second lieu, le rythme singulier et ralenti du film de Huyghe jamais ne donne à voir cette « sorte d’électricité », qui selon Durkheim transporte les individus assemblés lors d’un corrobori, une « électricité » qui semble au cœur du film de Deller grâce au rythme nerveux des pièces d’acid house que l’artiste fait rejouer tout au long du défilé par des fanfares, l’ensemble produisant une rencontre improbable entre deux types de musiques peu accoutumées à coexister, les premières, électroniques, nées dans les années 1980 et les secondes apparues quant à elles au XIXe siècle dans les milieux industriels.
Jeremy Deller, on l’a compris, répond à une commande, celle d’organiser une manifestation à Manchester, ville au passé industriel et au présent difficile que l’artiste connaît bien et dont il utilise nombre de traits avec humour dans le défilé lui-même. Il n’y a en fait chez lui aucune ambition de créer un quelconque rituel mais la volonté de s’inscrire dans une histoire précise dont il cherche à montrer certaines caractéristiques plutôt que d’autres. Pierre Huyghe, quant à lui, déclare tenter d’inventer un rituel, une célébration pouvant chaque année revenir pour marquer la naissance de ce que ses documents de presse désignent comme une « communauté ». Il est temps de s’interroger plus avant sur cette intention. Est-il seulement envisageable qu’un individu puisse « créer un rituel » à l’échelle d’une « société », fût-elle ainsi réduite, en instituant une manifestation ponctuelle telle celle que nous avons décrite ? L’institution d’un rite, ou d’un rituel, peut-elle résulter d’une décision qu’un individu, fût-il artiste, imposerait à un groupe ? Si oui, quelle conception de l’artiste, de sa place et de son pouvoir dans et sur une société donnée permet ainsi d’accepter qu’un artiste puisse être l’auteur d’un rite ? Et quelle conception du rite et du rituel réside dans cette idée qu’un individu isolé aurait ainsi cette puissance sur le collectif ? Ces questions méritent d’être posées, même si leur apporter des réponses excède l’ambition de notre article. Peut-être faut-il retourner aux circonstances qui permirent la création de Streamside Day pour mieux les envisager. L’historienne de l’art nord-américaine Amelia Barikin relate que Pierre Huyghe découvrit le lotissement alors qu’il se rendait à la Foundation Dia : Beacon près de New York pour y effectuer une résidence. C’est dans le cadre de cette résidence offerte à l’artiste par la célèbre fondation que la journée du 11 octobre 2003 et le film Streamside Day furent conçus, réalisés et financés. Il est intéressant de voir que ces circonstances sont généralement omises des présentations autorisées qui circulent de cet événement et du film dans les catalogues d’exposition de l’artiste. Cette absence de contextualisation du projet dans son ensemble n’est pas sans conséquence. Elle conduit le spectateur du film, qui bien souvent a lu l’un des documents de présentation de l’œuvre cités plus haut et l’a pris comme une sorte de « mode d’emploi », au moins comme une voie d’accès à l’œuvre, à s’interroger. Comment en comprendre la création de cet événement du 11 octobre 2003 ? S’agit d’une commande passée à l’artiste par les résidents du lotissement, ce qui tendrait à confirmer cette très haute conception de l’artiste qui nous a laissé perplexe ? Rien ne le laisse supposer. La pièce témoignerait-elle dès lors d’une sorte de rencontre magique entre Pierre Huyghe et un groupe d’individus à la recherche d’un événement marquant le début d’une aventure commune ? Cette dernière hypothèse s’appuie elle aussi de manière implicite sur une conception singulière de l’artiste jugé capable de créer un événement de l’ordre du rituel. Disposer de l’information selon laquelle Pierre Huyghe travaillait alors en résidence près de ce lotissement permet au spectateur d’envisager autrement ce projet, qui résulte de cette résidence. Il faut savoir qu’une invitation « en résidence », comme il se dit communément, s’accompagne la plupart du temps d’une demande parfois implicite de réaliser une œuvre en relation avec le site et le milieu entendus au sens large (géographique, historique et humain) où est invité l’artiste. D’une certaine manière, c’est bien ce qu’effectue Pierre Huyghe à Streamside Knolls. Il propose un travail qui forme une sorte de commentaire du contexte nord-américain précis dans lequel il œuvre et est invité - voir l’insistance sur la « nature », les références à l’histoire du lieu, etc.. On conviendra que dire ceci (interpréter l’œuvre comme une œuvre en relation forte au lieu et faire de l’artiste, assez classiquement, celui qui en commente ou révèle certains des traits) est assez éloigné des considérations qui précèdent et qui font de l’artiste un maillon essentiel de la constitution d’une nouvelle « communauté ». C’est que l’interrogation que suscite la connaissance des circonstances précises de la conception et de la réalisation de l’œuvre est sans doute moins : « en quoi l’artiste est-il apte à créer du rituel ? » que, dans une tout autre perspective : « en quoi consiste cette œuvre ? »22.
En quoi, donc, consiste l’œuvre dont nous traitons ? La question bien sûr est délicate comme elle l’est pour bon nombre d’œuvres d’art contemporaines. Nous pouvons tout de même nous risquer à proposer d’en donner la réponse suivante, qui relance à nos yeux le débat : cette œuvre, non épuisée par le film Streamside Day, se présente comme un dispositif complexe qui se compose, au moins, de l’événement du 11 octobre 2003, du film lui-même (une fiction créée à partir de cet événement et destiné à prendre ensuite place dans les expositions à venir de l’artiste) et des textes sans auteur accompagnant systématiquement le film qui en orientent l’interprétation23. Dès lors, quel est l’enjeu profond de ce dispositif ?
Tout ici est jeu, disions-nous plus haut, dans cette manifestation instituée par Pierre Huyghe, qui a distribué les rôles et construit les décors. Sans doute est-ce en cela que le travail de Pierre Huyghe se distingue en profondeur de celui de Jeremy Deller. Tout y est jeu, ou plutôt tout y est fiction. En 2004, dans un entretien qu’il donne au critique d’art George Baker pour la revue new yorkaise October, Huyghe commentait ainsi Streamside Day : « Ce qui m’intéressait était de découvrir comment une fiction... pouvait en fait produire quelque chose comme une réalité »24. Il y a bien un objectif aux différents éléments du dispositif conçu et réalisé par Huyghe pendant sa résidence à la Dia Foundation (la journée elle-même, son scénario, le film) mais ce n’est pas celui évoqué plus haut de « souder une communauté ». Son enjeu, difficile, complexe, stimulant, est de mener une sorte d’expérience, et non des moindres : étudier la manière dont la fiction peut agir sur la réalité, la produire, dit l’artiste. C’est ainsi que l’on peut mieux comprendre le rythme presque languissant du film, son montage qui verse les différentes séquences hors d’un temps quotidien : il s’agit de tenter de transformer la réalité familière et prosaïque d’un lotissement en cours de construction en un espace-temps quelque peu étrange et inquiétant et, plus encore, l’ouvrir à des possibles, à d’autres possibles, à des virtualités susceptibles de devenir, comme le dit l’artiste, des réalités. En cela, le film est une réussite, qui conduit le spectateur dans une sorte de songe éveillé par les images en demi-teintes et la circulation presque au ralenti d’un film dont le caractère documentaire s’efface dès les premières minutes lors de l’arrivée chancelante du jeune faon dans les rues endormies ou désertes... Le film est une réussite, à la condition d’accepter l’idée d’un art qui, finalement, ferait ployer devant lui le monde et prendrait ses habitants pour des sortes de marionnettes dont l’artiste tirerait les ficelles. Le film, au fond, peine à sortir de l’esthétisation et de la déréalisation qui le fondent. Quant à déterminer si l’ensemble du projet a pu produire par la fiction « quelque chose comme une réalité », il est difficile de l’apprécier ; comment pourrions-nous en juger ?
Ce ne sont pas ces possibles incidences entre fiction et réalité qui retiennent l’attention de Jeremy Deller mais la manière dont des groupes ou des individus sont capables d’une créativité généralement tenue pour improbables : « J’adore les steel bands, explique par exemple Deller, mais j’aime particulièrement les reprises, car, si vous avez de la chance, une bonne reprise vous dira quelque chose de nouveau sur une chanson. Une bonne reprise n’est pas seulement une adaptation musicale, c’est aussi une adaptation sociale. »25Le travail de Deller se distingue de celui de Huyghe par la part qu’il donne à ceux avec lesquels il travaille, musiciens de fanfare ou d’harmonie, créateurs en tout genre, de bannières, de chars, d’assiettes, etc., par le fait qu’il permet que s’entende leur voix, qu’il leur donne, d’une certaine manière, la parole. Défilés et parades mettent en oeuvre via l’artiste une créativité populaire qui semble l’intéresser au plus haut point, et les résultats de cette rencontre entre Deller et ceux qu’il regarde, écoute ou avec lesquels il joue (je pense en particulier aux fanfares) sont souvent surprenants. D’une certaine manière, il y a du Richard Hoggart dans Jeremy Deller, qui rendit d’ailleurs hommage à ce dernier, écrivain et critique littéraire inventeur des Cultural Studies, en intitulant une de ses premières expositions The Uses of Literacy26, reprenant ainsi le titre de l’ouvrage d’Hoggart paru en 1957 sur la manière dont les actualisations des œuvres et pratiques culturelles littéraires par certains ouvriers ou ouvrières conduisaient à des propositions esthétiques inattendues27. Les livres de Richard Hoggart fourmillent d’exemples en la matière et c’est tout le rapport des cultures populaires à la haute culture qui commence avec lui à être posé avec attention et finesse ; à leur manière, les expositions et manifestations proposées par Deller s’inscrivent dans la continuité des travaux du critique littéraire – voir par exemple sa Folk Archive, une collection d’objets dans laquelle culottes brodées de lutte et bannières de défilés voisinent avec des voitures customisées et de très singuliers services à thé. Loin de tracer, comme l’induisent les propos et travaux de Huyghe, des figures contradictoires de l’artiste (l’artiste commentateur ; l’artiste inventeur d’un rituel ; l’artiste démiurge), les propositions de Deller, qui exposent des objets improbables dans le contexte des musées et des centres d’art, dessinent en creux d’autres figures de l’artiste, celles de l’amateur, du collecteur et du collectionneur de pratiques souvent modestes, ou encore celle de l’observateur étonné de ces manières d’œuvrer auxquelles l’artiste a donné une place, faisant par-là entendre la voix de leurs auteurs. Ce qui, on en conviendra, n’est pas rien.
Véronique Goudinoux
Université Lille – Centre d’étude des arts contemporains
juin 2015
Notes
1 Pierre Huyghe, Streamside Day, 2003 : Événement, célébration, 11 octobre 2003, Streamside Knolls, État de New York, États-Unis - Film super 16mm et vidéo transféré sur Beta numérique, couleur, son, 26 min.
2 Pierre Huyghe, Streamside Day, 2003 : Event, celebration, 11 october 2003, Streamside Knolls, State of New York, United States - Film super 16mm and video on Beta numeric, color, sound, 26 min.
3 « Pierre Huyghe, entretien », in ART21, revue en ligne consultée le 12 juin 2014 (ma traduction). http://www.art21.org/texts/pierre-huyghe/interview-pierre-huyghe-streamside-day
4 Frank Lamy, « Ashes to ashes », in Let’s dance, Musée d’art contemporain du Val de Marne,Vitry-sur-Seine, 2010, p. 7. Merci à Bruno Swist d’avoir attiré mon attention sur cette exposition et son catalogue.
5 Id.
6 Ibid. p. 14.
7 « Pierre Huyghe, entretien », in ART21, op. cit.
8 Il n’est pas toujours facile de distinguer entre rite et rituel. Nombre d’auteurs, en particulier dans le champ de l’ethnographie, ont tenté de caractériser et de distinguer ces deux notions pour aboutir à la conclusion que l’entreprise est des plus délicates ; là n’est pas, quant à nous, notre objet et nous ne nous y risquerons pas.
9 Jean Cazeneuve, « Rites », notice de l’Encyclopaedia Universalis consultée en ligne le 6 mars 2014. http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/rites/
10 On laissera de côté ici l’aspect « extra-empirique » mentionné par Jean Cazeneuve, qui renvoie à une dimension sacrée du rite qui n’existe pas chez Pierre Huyghe.
11 Amelia Barikin, Parallel Presents : The Art of Pierre Huyghe, MIT Press, 2012, p. 75.
12 Pierre Huyghe cité par Amelia Barikin, Ibid., p. 76.
13 Ibid., p. 78.
14 Streamside Day (2003) : Événement, célébration, 11 octobre 2003, Streamside Knolls, État de New York, États-Unis - Film super 16mm et vidéo transféré sur Beta numérique, couleur, son, 26 min. La relative indécision de la légende, qui décrit à la fois la journée et le film, est intéressante à elle seule.
15 Texte extrait du document de médiation de l’exposition Pierre Huyghe, Centre Georges Pompidou, 25 septembre 2013 – 6 janvier 2014. Consulté en ligne le 18 mai 2014. http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-huyghe/
16 Maurice Blanchot, La Communauté inavouable, Paris, Minuit ; 1983, p. 19. Voir également Jean-Luc Nancy, La Communauté affrontée, Paris, Galilée, 2001, p. 51.
17 Roger Caillois, Les Jeux et les hommes. Le masque et le vertige (1958), Paris, Folio/Gallimard, 1991, p. 61.
18 Voir également sur la question du jeu Johan Huizingua, Homo ludens, essai sur la fonction sociale du jeu (1938, traduction française 1951), Paris, Tel/Gallimard, 1988.
19 Jeremy Deller propose également dans la ville de Manchester, durant l’été, une exposition, Procession : An Exhibition, qui retrace l’histoire de cette parade, de cette « procession », en la documentant par divers objets (plans et maquettes des chars, documents historiques sur la ville et l’histoire de Manchester, etc.).
20 Mais pas seulement. Il est très facile de voir le film de Jeremy Deller sur de nombreux sites web, ce qui indique que l’artiste ne le protège pas et favorise sa diffusion. Ce n’est pas le cas du film de Pierre Huyghe, dont il est impossible de prendre connaissance par la voie du Web.
21 Emile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse (1912), Paris, Presses Universitaires de France, 1960, p. 307-310. Le terme de corrobori est emprunté aux Aborigènes australiens (chez lesquels il désigne une danse) mais Durkheim lui donne le sens plus large de rite tout en l’utilisant également pour parler de moments festifs hors de toute dimension sacrée.
22 Sur cette question, voir l’ouvrage de Gérard Genette, L’Oeuvre de l’art, Paris, Seuil, 1994.
23 Sur cette notion de récit autorisé, voir l’ouvrage de Jean-Marc Poinsot, L’Art exposé et ses récits autorisés (1999), Genève, MAMCO, 2008. Intégrer ces textes dans l’œuvre elle-même permet lors de l’analyse de démythifier l’œuvre en question - mais tout artiste est en droit, bien sûr, de tenter de construire un mythe autour de l’une de ses pièces, comme tout critique de le déconstruire.
24 Pierre Huyghe, « Entretien avec Georges Baker », in October, automne 2004, n° 110, p. 84.
25 Jeremy Deller, « Entretien avec Florence Cheval », in Jeremy Deller, Party/Protest/ (Part 3). Consulté en ligne le 2 septembre 2014. http://chevalflorence.wordpress.com/2012/11/09/jeremy-deller-party-protest-part-3/)
26 Jeremy Deller, The Uses of Literacy, UK, 1997.
27 Richard Hoggart, The Uses of Literacy, Aspects of Working-Class Life, Penguin, 1957 (traduit sous le titre La Culture du pauvre, Paris, Minuit, 1970).