Aller à la navigation | Aller au contenu

déméter
Description de votre site

Œuvrer à plusieurs : enjeux d'aujourd'hui

Jean-Christophe Gérard

Binômes et Rhizomes. Deleuze et Guattari : de l’invention d’une écriture impersonnelle et inassignable à la multiplication des usages.

Résumé

Deleuze et Guattari ont inauguré en philosophie une très étrange forme de partenariat : avec L’Anti-Œdipe, le texte annule la figure traditionnelle de l’auteur au profit d’une prolifération anonyme et rhizomatique inédite. Le succès remporté par les travaux cosignés Deleuze et Guattari auprès des créateurs (et les nombreux usages qu’ils ont inspirés, notamment dans le domaine artistique), doit être pensé en rapport direct avec cette conception du travail comme pragmatique de la rencontre.

Abstract

Deleuze and Guattari have introduced a rather strange partnership form in philosophy: in the Anti-Oedipe, the traditional image of the author has been cancelled for the benefit of an unseen anonymous and rhizomatic proliferation. The writings signed jointly by Deleuze and Guattari have achieved a great success, thanks to the creators (together with the numerous implementations they have inspired, particularly in the artistic domain). And this success has to be looked upon within a direct relationship with this conception of work as a meeting experience.

Texte intégral

Imaginons que l’on demande pour quels motifs L’Anti-Œdipe1, qui inaugure en 1972 la collaboration entre Gilles Deleuze et Félix Guattari2, mérite d’être considéré comme un livre extraordinaire. On pourrait évoquer la richesse stimulante des concepts (agencements, machines désirantes, rhizome…) qu’il propose (mais, dira-t-on, n’est-ce pas le cas de tout grand livre de philosophie ?). On soulignerait la puissante dimension polémique de cette « machine de guerre » qui s’en prend à la psychanalyse (discipline qui bénéficiait à l’époque d’une audience difficile à imaginer aujourd’hui). On insisterait sur son ton résolument iconoclaste, en rupture spectaculaire avec les conventions universitaires (son audacieux incipit en rebuta plus d’un). On soutiendrait également que ce livre a su capter un certain air du temps « révolutionnaire » dont il constitue l’écho philosophique (mai 1968). Probablement ne pourrait-on se priver d’évoquer la désormais incontournable prophétie (« Un jour peut-être le siècle sera deleuzien »3) de Michel Foucault, qui rédigea une préface pour la traduction américaine de cet ouvrage qu’il considérait comme « le premier livre d’éthique qu’on ait écrit en France depuis assez longtemps », et dont l’un des principaux enseignements serait : « ne tombez pas amoureux du pouvoir »4.

Tous ces motifs pourraient indiscutablement être avancés à bon droit. Mais ce serait toutefois négliger celui qui me paraît constituer l’un des traits les plus marquants de cet ouvrage et que je souhaite examiner ici : la double signature (« écriture binomiale »5) dont il est le fruit, et qui constitue en elle-même un événement qui mérite d’être attentivement examiné. Très loin d’être anecdotique, en effet, la collaboration Deleuze-Guattari introduit un bouleversement sans précédent6 dans la bibliographie philosophique occidentale. Ce qui se trouve ébranlé par cette complicité affirmative et indiscutablement jubilatoire, ce n’est ni plus ni moins que l’hégémonie de la mono-auctorialité : la destitution en acte de la figure homogène et souveraine de l’Auteur de Philosophie en tant qu’Unique Responsable de la pensée déployée dans son texte.

Je voudrais montrer comment cette pratique collaborative très particulière (écriture « à quatre mains ») se trouve directement à l’origine du succès considérable qu’a rencontré ce livre. En effet, ainsi que le constate Arnaud Bouaniche :

Peu de philosophies […] font l’objet d’usages, de reprises, et d’emprunts, aussi multiples et proliférants, explicitement revendiqués ou non, et ce, non seulement dans le milieu de la philosophie et des départements universitaires de lettres ou de cinéma, mais dans les domaines de la création concrète, chez les peintres, les musiciens, les dramaturges, les architectes, etc.7

J’avancerai que c’est très exactement par cette pratique concrète, expérimentale, de la rencontre, que la pensée de Deleuze et Guattari est parvenue à proliférer en s’aventurant au-delà du cercle des lecteurs habituels d’ouvrages de philosophie (et peut-être même ce livre de philosophie aura-t-il rencontré davantage d’audience auprès de « non-philosophes ») pour en rejoindre de nouveaux, et capter, stimuler, féconder l’intérêt de ceux qui sont concernés par les pratiques créatrices. Le travail à deux comme accomplissement de ce programme célèbre énoncé par Deleuze dans son Abécédaire : « sortir de la philosophie par la philosophie »8.

Lorsque le texte devient inassignable

Il convient tout d’abord de préciser ce qui constitue l’extrême singularité textuelle de L’Anti-Œdipe, considéré sous l’angle de la collaboration d’écriture. On connaît déjà, bien entendu, d’autres livres de philosophie faits à plusieurs : des correspondances, des entretiens, des ouvrages collectifs réalisés sous la direction d’un ou plusieurs responsables. Mais ce qui fait la particularité de L’Anti-Œdipe, c’est qu’il y devient impossible de déterminer qui a écrit quoi, que les cartes d’identité sont brouillées, effacées au profit d’un impersonnel surgi dans la rencontre. Le lecteur, habitué à s’appuyer sur la confiante certitude de savoir à qui il a affaire, découvre tout à coup qu’il lui est impossible de déterminer quelle main a tracé la phrase qu’il a sous les yeux9. Non sans humour ni provocation, Deleuze et Guattari s’ingénient à brouiller les pistes (« Nous avons écrit L’Anti-Œdipe à deux, et comme chacun de nous était plusieurs ça faisait pas mal de monde »10) et à entretenir un certain flou à propos des modalités précises de fabrication du livre : « […] on écrivait vraiment à deux, on n’avait pas de problème de ce côté-là. On a fait des versions successives ».11 On sent qu’ils s’amusent, espiègles, et qu’il est pour eux hors de question de révéler un secret de fabrication, du moins aussi longtemps qu’on continuera à leur adresser la question en termes d’identité(s), conformément à la « morale d’état-civil » que dénonce Foucault12. Mais qu’on ne s’y trompe pas : derrière cette désinvolture apparente se joue un point crucial. Et il suffit pour s’en convaincre d’examiner les réactions qu’a suscitées cette collaboration et de se mettre à l’écoute de leur caractère éminemment symptomatique. Hostile ou bienveillante, il n’est pas une lecture de L’Anti-Œdipe qui ne se pose à un moment donné, que ce soit de façon agressive ou amicale, la question du « qui a fait quoi ». Tout se passe comme s’il fallait, coûte que coûte, s’efforcer de restaurer les identités : dissoudre l’agencement-binôme et déterminer ce qui revient à l’un ou à l’autre. Faire la part des responsabilités, en quelque sorte. Comme s’il s’agissait d’annuler, ou en tout cas d’atténuer le trouble, l’inconfort, peut-être même ce scandale pour l’esprit que constitue cette écriture « à quatre mains ». En « faisant rhizome », en considérant leur travail comme « deux ruisseaux qui se rejoignent pour en former « "un" troisième qui aurait été nous »13, Deleuze et Guattari provoquent un séisme dans le domaine du livre de philosophie, où le nom propre de l’auteur intervenait jusqu’alors comme un label qui caractérisait et parvenait à envelopper un ensemble, même si celui-ci était plus ou moins homogène (on lisait « du Descartes », « du Hegel », « du Bergson »…).

Le processus schizophrénique : un modèle

Les objections et l’hostilité que suscite une entreprise peuvent-elles toujours être considérées comme des indicateurs suffisants et fiables de sa valeur ? Il semble en tout cas qu’elles méritent d’être examinées très attentivement. Dans l’accueil qui a été réservé à l’association Deleuze-Guattari, il est ainsi possible de repérer la persistance de deux scénarios qui l’ont longtemps accompagnée comme une rumeur sourde et malsaine. Analyser ces scénarios permet néanmoins d’apporter des éclairages intéressants à propos de certaines réactions déclenchées par cette « pratique collaborative ».

Le premier scénario (« Deleuze a tout fait ») consiste à minimiser l’importance du rôle joué par Félix Guattari en le réduisant au statut d’un faire-valoir qui aurait cosigné après coup des livres dont l’essentiel doit être attribué à Gilles Deleuze14. Sensible à ces interprétations réductrices et inélégantes, Deleuze s’est montré attentif à rétablir l’équilibre, soulignant fréquemment à quel point leur travail commun devait autant à l’un qu’à l’autre15. On ne s’attardera pas sur le caractère mesquin de ces positions réductrices16 ; elles relèvent de ce que Deleuze désigne, dans sa terminologie, de « l’interprétation la plus moche »17. Mais l’on prendra le temps de se demander dans quelle mesure elles ne doivent pas être considérées comme révélatrices d’une extrême difficulté (voire d’une impossibilité) à admettre, dans son principe même, le travail en commun, dès lors qu’il ne se donne plus comme simple juxtaposition d’efforts individuels (chacun son tour, chacun son chapitre, chacun à sa place) mais comme hétérogénèse : effacement du visage et des empreintes digitales du scripteur, « énonciation véritablement impersonnelle et inassignable »18.

Le second scénario (« Guattari, mauvaise influence ») suggère que Gilles Deleuze, qui était jusqu’alors un universitaire « sérieux », connu pour les études qu’il avait consacrées à des auteurs importants (Spinoza, Hume, Kant, Nietzsche, Bergson, Proust), s’est fourvoyé dans les brumes de mai 1968 (gauchisme, révolution, militantisme, etc.) en s’associant avec Guattari (qui n’avait rien publié à cette date) et a gâché son talent en produisant des élucubrations. Outre que pareille interprétation trahit une négligence vis-à-vis de projets clairement formulés par Deleuze (la recherche d’une « nouvelle image de la pensée » de Différence et répétition, les « séries » de Logique du sens)19, elle témoigne là aussi d’un profond embarras qui tient au moins autant si ce n’est davantage au principe même de l’association des deux auteurs qu’à ce qu’ils ont écrit.

Paradoxe : ce livre, qui est une charge contre la psychanalyse, aura donc suscité des réactions qu’il est pourtant très tentant de « psychanalyser » et d’interpréter comme autant d’actes manqués, de résistances, de dénégations. Autant de gestes de refus ou d’embarras qui font symptôme des difficultés considérables soulevées par cette écriture en collaboration. Ce trouble est très profond, puisque ce que perturbe le binôme Deleuze-Guattari, nous l’avons vu, c’est l’image du texte philosophique attribuable à un auteur unique, assignable à une seule intelligence, un seul sujet d’énonciation, source exclusive d’émission du sens et (pour le meilleur et pour le pire) entièrement responsable des modalités de son exposition.

Cette destitution de la souveraineté du sujet-auteur en philosophie est d’autant plus efficace qu’elle coïncide pleinement avec ce qui constitue le propos du livre en son point le plus crucial. Ce qui se trouve contesté en acte par ce livre est l’un des socles de la pensée occidentale : le principe d’identité. Le discours raisonnable repose en effet sur l’affirmation qu’une chose est strictement égale à elle-même et ne peut par conséquent être autre chose qu’elle-même (Le fameux « un chat est un chat », inébranlable tautologie du bon sens commun). Ce qui nous garantit l’intelligibilité du monde et nous permet de penser, c’est le fait qu’on puisse définir, c’est-à-dire affirmer ce qu’est une chose de façon permanente. Or, ce que nos auteurs introduisent avec ce livre peut être envisagé comme un formidable sacrilège vis-à-vis de la rationalité : dès la toute première page, ils proclament en effet leur intention d’envisager la schizophrénie comme un « meilleur modèle ». Qu’on mesure l’ampleur du scandale : c’est ni plus ni moins que la folie qui se trouve convoquée dans un livre de philosophie, au motif qu’elle proposerait une image adéquate de l’être des choses. (Précisons qu’il n’a jamais été question pour Deleuze et Guattari de faire l’apologie de la maladie mentale, mais de s’intéresser à la schizophrénie en tant que processus). La production désirante a, écrivent-ils, une « forme connective »20. À contre-courant d’une longue tradition qui envisage le désir comme manque (Platon, Le Banquet), L’Anti-Œdipe oppose une conception du désir envisagé comme pure positivité. Le désir branche, connecte et se déploie dans toutes les directions, sur le modèle botanique du rhizome. Au fond, on pourrait dire que la formule fondamentale de L’Anti-Œdipe consiste à affirmer la supériorité de la conjonction de coordination « et » sur le « est » du verbe être (identité)21. La pensée se déploie alors en tant que théorie des multiplicités et des devenirs. « Chacun de nous était plusieurs » : voilà que le crâne de l’auteur traditionnel, censé jusqu’alors abriter tant bien que mal son identité, se voit, conformément à l’étymologie de « schizophrénie », fendu, morcelé. Nietzsche et Freud avaient pourtant lancé leurs avertissements : le premier en déclarant « Nous en sommes à la phase où le conscient devient modeste » ; le second en annonçant « le moi n’est plus maître en sa demeure ». Mais c’est du côté de la littérature, plus à l’aise avec la polyphonie, les multiplicités, les devenirs, que les échos de semblables annonces semblent s’être d’abord fait entendre. Rimbaud affirmait que « Je est un autre » dès 1871. Ulysse de Joyce paraît en 1922, Mrs Dalloway de Virginia Wolf en 1925, Le Bruit et la Fureur de Faulkner en 1929. L’écriture philosophique semble quant à elle marquer un temps de retard avant d’enregistrer cette dislocation du sujet cartésien, pôle d’identité et de maîtrise22. Si la phénoménologie affirme avec Husserl que le flux de conscience se fonde dans une succession de « je pense » hétérogènes, elle le dit toutefois encore dans une syntaxe classique. Il faudra attendre 1972 pour voir paraître L’Anti-Œdipe, et deux ans encore pour les montages audacieux de Derrida dans Glas23.

Une écriture à deux qui suscite et encourage les rencontres

Nous sommes désormais en mesure de préciser en quoi l’écriture à quatre mains de Deleuze et Guattari a contribué à la réception riche et à son tour fécondante de leur travail auprès des créateurs. Les raisons de ce succès à travers des rencontres en dehors de la philosophie sont plurielles. Elles forment elles aussi un rhizome et procèdent toutes de cette conviction décisive, qu’on trouvera ainsi formulée dans Mille Plateaux :

Il n’y a pas de différence entre ce dont un livre parle et la manière dont il est fait24.

Énumérons les principales :

1) Performativité. Pour Deleuze et Guattari, le rhizome est un concept qui leur sert « à décrire autant l’être des choses que leur mode d’écriture »25. Leur travail est « performatif » : en lui s’associent au point de se confondre la dimension théorique et la dimension expérimentale. Il est la mise en acte, la démonstration concrète de ce qu’il avance. La machine fonctionne, ça marche : « continuité entre l’œuvre et ses usages »26.

2) Générosité. L’affirmation de la puissance de l’impersonnel par Deleuze et Guattari, rendue possible à travers l’annulation de la suprématie de la figure de l’Auteur, a indiscutablement eu pour conséquence de produire une image moins intimidante de la philosophie, en privilégiant de façon généreuse les usages, les expérimentations, les captures ; et en autorisant des lectures décomplexées, affranchies de l’orthodoxie et de la terreur du contresens (« C’est la bonne manière de lire : tous les contresens sont bons, à condition toutefois […] qu’ils concernent l’usage du livre, qu’ils en multiplient l’usage, qu’ils fassent encore une langue à l’intérieur de sa langue »27).

3) Créativité : il s’agit d’une pensée de la création, disposée à encourager une compréhension non philosophique de la philosophie, et convaincue que :

Les concepts sont inséparables des affects, c’est-à-dire des effets puissants qu’ils ont sur notre vie, et des percepts, c’est-à-dire de nouvelles manières de voir ou de percevoir qu’ils nous inspirent28.

Les rencontres n’ont lieu que dans la clandestinité du travail au noir

Il serait triste que le retentissement du travail accompli par le binôme Deleuze-Guattari conduise à négliger un autre binôme, celui formé par Deleuze avec Claire Parnet. Connue surtout pour avoir produit le célèbre Abécédaire29, cette paire était déjà à l’origine, dès 1977, d’un beau livre intitulé Dialogues30. Le prière d’insérer de l’édition originale le présentait comme « un appel, devant être très modeste, aux musiciens, aux peintres, aux écrivains, aux cinéastes, aux politiques, à des militants, qui y trouveraient la possibilité d’un problème ou d’une politique commune »31. Ces pages très riches proposent ce qui peut être considéré à la fois comme un formidable condensé et une excellente entrée dans les travaux de Deleuze et Guattari. Quiconque s’interroge à propos de ce qu’est une rencontre ne manquera pas de méditer ces lignes :

[…] ce n’est pas un terme qui devient l’autre, mais chacun rencontre l’autre, un seul devenir qui n’est pas commun aux deux, puisqu’ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre, mais qui est entre les deux, qui a sa propre direction, un bloc de devenir, une évolution a-parallèle. C’est cela, la double capture, la guêpe ET l’orchidée : même pas quelque chose qui serait dans l’un, ou quelque chose qui serait dans l’autre, même si ça devait s’échanger, se mélanger, mais quelque chose qui est entre les deux, hors des deux, et qui coule dans une autre direction32.

Passage décisif en cela qu’il permet de dissiper un important malentendu : le thème de la rencontre ne se confond en aucune manière, chez Deleuze-Guattari, avec une quelconque forme de convivialité. Il s’agit, par le travail, de rencontrer le travail d’autres créateurs, pas des personnes. Deleuze est catégorique :

Quand on travaille, on est forcément dans une solitude absolue. On ne peut pas faire école, ni faire partie d’une école. Il n’y a de travail que noir, et clandestin […]. C’est du fond de cette solitude que l’on peut faire n’importe quelle rencontre33.

Et Félix Guattari, de son côté, précise :

Gilles et moi […] depuis plus de vingt ans, nous nous vouvoyons. Il y a entre nous une véritable politique dissensuelle, non pas un culte mais une culture de l’hétérogénéité, qui nous fait à chacun reconnaître et accepter la singularité de l’autre […] Gilles est mon ami, non mon copain34.

Les seuls amis véritables sont ceux qu’on rencontre dans la « solitude extrêmement peuplée du travail »35. L’Anti-Œdipe est bien un livre d’éthique.

Notes

1 Deleuze, Gilles, et Guattari, Félix, L’Anti-Œdipe, Paris, Minuit, 1972

2 L’Anti-Œdipe sera suivi de Kafka – pour une littérature mineure (1975) ; de Mille plateaux (1980) ; et de Qu’est-ce que la philosophie ? (1991), tous parus aux éditions de Minuit.

3 Foucault, Michel, « Theatrum philosophicum », in Critique, n°282, novembre 1970, p 885-908. Repris dans Dits et écrits, Tome II, texte n°80, Paris, Gallimard, 1994, p. 75-99.

4 Foucault, Michel, Dits et Écrits, Tome III, texte n°189, 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001 (1ère édition 1994), p. 133-136

5 Rosanvallon, Jérôme et Preteseille, Benoît, Deleuze & Guattari à vitesse infinie, vol. 1 / 2, Paris, Ollendorff & Desseins, 2009, p. 22 ("Le sens figuré").

6 Sur la paire Marx-Engels comme anticipation possible de la paire Deleuze-Guattari, voir : Ibid., p. 18.

7 Bouaniche, Arnaud, Gilles Deleuze, une introduction, Paris, Pocket, 2007 (Agora 240). Ces lignes sont extraites du chapitre intitulé « Usages – Pour un usage pragmatique des concepts – Deleuze et la « pop’ philosophie », p. 294-310, qui est absolument capital au regard du problème qui nous intéresse ici. Les lignes citées ici concernent la philosophie de Deleuze, mais elles s’appliquent parfaitement au travail commun avec Guattari.

8 Boutang,  Pierre-André, L’Abécédaire de Gilles Deleuze, Arte, 1995.

9 On objectera qu’il existe des textes anonymes, ou dont l’authenticité n’est pas établie (apocryphes). Mais en pareils cas, que l’identification de la source prête à discussion ou qu’elle soit impossible est un autre problème : le principe même de la source n’est pas remis en question. S’agissant de Deleuze et Guattari, l’écriture pousse et passe entre, et efface les visages: « Le rêve, ce serait que tu sois le masque de Félix et Félix le tien. Alors, il y aurait vraiment un chemin entre les deux (…) ». Deleuze, Gilles et Parnet, Claire, Dialogues, Paris, Flammarion, 1977, p. 38.

10 Deleuze, Gilles et Guattari, Félix, Mille Plateaux (Capitalisme et schizophrénie II), Paris, Minuit, 1980, p. 9.

11 Deleuze, Gilles, Pourparlers, Paris, Minuit, 1990, p. 25.

12 Foucault, Michel, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 28.

13 Ibid., p. 187.

14 Pour des précisions sur l’importance du rôle joué par Félix Guattari auprès de Gilles Deleuze, on se reportera à l’importante biographie de François Dosse, Gilles Deleuze, Félix Guattari – Biographie croisée, Paris, La Découverte, 2007 ; à Félix Guattari, Écrits pour l’Anti-Œdipe, Textes agencés par Stéphane Nadaud, Paris, Nouvelles Éditions Lignes, 2012 ; et aux lettres de Deleuze à Guattari contenues dans Deleuze, Gilles, Lettres et autres textes, édition préparée par David Lapoujade, Paris, Minuit, 2015.

15 Ainsi par exemple, dans une lettre à Arnaud Villani : «  Il faudrait corriger la manière dont, dans les premières pages, vous faites abstraction de Félix. Votre point de vue reste juste, et l’on peut parler de moi sans Félix. Reste que L’Anti-Œdipe et Mille Plateaux sont entièrement de lui, comme entièrement de moi, suivant deux points de vue possibles. D’où la nécessité, si vous voulez bien, de marquer que, si vous vous en tenez à moi, c’est en vertu de votre entreprise même, et non du tout d’un caractère secondaire ou « occasionnel » de Félix. C’est très important, et vous saurez le dire mieux que moi… ». Villani, Arnaud, La guêpe et l’orchidée - essai sur Gilles Deleuze, Paris, Belin, 1999, p. 125126 ("L’extrême contemporain").

16 Ce scénario a pu conduire, dans une extrémité paroxystique, jusqu’à l’oblitération pure et simple du nom de Félix Guattari : ainsi que le rappelle Stéphane Nadaud, une étude intitulée Le Pendule du Docteur Deleuze, qui se donne comme « Une introduction à l’Anti-Œdipe », attribue ainsi l’ouvrage au seul Gilles Deleuze. (Cf. Guattari, Félix, Écrits pour l’Anti-Oedipe - Textes agencés par Stéphane Nadaud, Paris, Nouvelles Éditions Lignes, 2012, p. 21., note 21).

17 Deleuze, Gilles, Pourparlers, p. 14.

18 Rosanvallon, Jérôme et Preteseille, Benoît, Deleuze & Guattari à vitesse infinie, p. 20.

19 « Le temps approche où il ne sera plus possible d’écrire un livre de philosophie comme on en fait depuis si longtemps : « Ah ! le vieux style… ». La recherche de nouveaux moyens d’expression philosophiques fut inaugurée par Nietzsche, et doit être poursuivie en rapport avec le renouvellement de certains autres arts, par exemple le théâtre ou le cinéma » (Gilles Deleuze, Différence et répétition, Paris, PUF, 1968, p. 4).

20 Deleuze, Gilles et Guattari, Félix, L’Anti-Oedipe (Capitalisme et schizophrénie I), Paris, Minuit, 1972, p. 11.

21 Alliez, Eric, Deleuze, philosophie virtuelle, Synthélabo, 1996, p. 18 (Les Empêcheurs de tourner en rond).

22 « Les Anglais et les Américains (…) n’ont guère de philosophie comme institution spécialisée, et n’en ont pas besoin, parce qu’ils ont su dans leurs romans faire de l’écriture un acte de pensée, et de la vie une puissance non personnelle, herbe et chemin l’un dans l’autre (…). Deleuze, Gilles et Parnet, Claire, Dialogues, p. 38.

23 Derrida, Jacques, Glas, Paris, Galilée, 1974.

24 Deleuze, Gilles et Guattari, Félix, Mille Plateaux (Capitalisme et schizophrénie II), p. 10.

25 Rosanvallon, Jérôme et Preteseille, Benoît, Deleuze & Guattari à vitesse infinie, p. 27.

26 Bouaniche, Arnaud, Gilles Deleuze, une introduction, p. 297.

27 Deleuze, Gilles et Parnet, Claire, Dialogues, p. 11.

28 Deleuze, Gilles, « Lettre à Uno : comment nous avons travaillé à deux », in Deux régimes de fous, Textes et entretiens 1975-1995, Paris, Minuit, 2003, p. 219.

29 Boutang, Pierre-André, « L’Abécédaire de Gilles Deleuze ».

30 Deleuze, Gilles et Parnet, Claire, Dialogues. Le livre a depuis été publié dans la collection « Champs », Flammarion », augmenté d’un texte inédit : « L’Actuel et le Virtuel ».

31 Ibid.

32 Ibid., p. 13.

33 Ibid.

34 Guattari, Félix, Écrits pour l’Anti-Oedipe - Textes agencés par Stéphane Nadaud, p. 17.

35 Deleuze, Gilles et Parnet, Claire, Dialogues, p. 13.

Pour citer ce document

Jean-Christophe Gérard, «Binômes et Rhizomes. Deleuze et Guattari : de l’invention d’une écriture impersonnelle et inassignable à la multiplication des usages.», déméter [En ligne], Œuvrer à plusieurs : enjeux d'aujourd'hui, Textes, Articles, Thématiques, mis à jour le : 03/04/2018, URL : http://demeter.revue.univ-lille3.fr/lodel9/index.php?id=1093.

Quelques mots à propos de :  Jean-Christophe Gérard

Philosophe, enseigne à l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille. Membre du Laboratoire « Savoirs, Textes, Langage » (UMR 8163 — Université de Lille – SHS ) et du Lacht (Ensapl).