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La copie
La partition, le phonographe et l’échantillonneur : usages de la copie en musique.
Résumé
Nous proposons une cartographie – non exhaustive – de la copie en musique, à la fois dans le champ de la musique instrumentale (la copie des copistes, la citation, le plagiat, l’adaptation, la transcription, la répétition, la reprise, …), mais aussi dans celui de la musique électroacoustique (le clonage, le prélèvement, la citation généralisée, le collage, l’intermodulation…).
La médiologie musicale nous permet de comprendre comment, historiquement, on a cherché peu à peu à déléguer aux machines le soin de copier nos traces : la parfaite maîtrise technique ou artisanale de la copie n’est plus une nécessité impérieuse. Ainsi, aujourd’hui, la copie en musique est devenue une pratique hégémonique : la copie et l’original se confondent. La copie devient, au mieux, l’un des modes essentiels du travail de composition musicale – dans le cas des musiques électroacoustiques et leurs dérivés – ou, au pire, le mode de production musicale industrielle. Autrement dit, la copie, qui n’est plus une opération manuelle mais une opération automatisée via les machines, revient en force dans la pratique des compositeurs ou des « créateurs » par le biais de « l’écriture électroacoustique » ainsi que par l’appropriation et le détournement de vecteurs techniques.
Plan
Texte intégral
I) Trois remarques
Commençons par formuler trois remarques assez banales afin de rappeler combien la question de la copie en matière d’art, et plus spécifiquement dans le domaine de la musique, est toujours problématique.
On a coutume de dire que la copie est l’ennemi de l’art. Dans cette acception, on entend par copie la simulation de la réalité du monde, une réalité effective, absolue, concrète. Gardons-nous de croire pour autant que faire usage de la réalité ne relève pas d’une démarche créatrice et esthétique : le cinéma, l’art radiophonique, la musique acousmatique sont des exemples de démarches artistiques basées sur des « effets de réel ». Mais si l’art ne copie pas la réalité, il la réinvente, nous dit François Dagognet :
« Nous n’en finirions pas s’il fallait rappeler tous les exploits d’un art qui n’a pas cessé de réinventer la réalité ou plutôt de la dépasser : l’ennemi de l’art se nomme “la copie” ou le redoublement, le travail de celui qui entend restituer ce qu’il croit avoir observé, alors qu’il se doit de nous montrer ce que nul n’a encore retenu et surtout de créer ce qui finira par retentir sur le monde et le façonnera. Ce n’est pas l’art qui doit nous dire “le ce qui est”, puisque, au contraire, “le ce qui est” reflète ce que l’art aura auparavant instauré. »2
Pour François Dagognet, comme pour d’autres avant lui, c’est la copie comme simulacre qui est l’ennemi de l’art.
N’est-il pas dangereux de traiter de la question de la copie alors même que la notion d’original est si délicate à définir ? Qui pense copie pense « original ». Or, chacun sait que l’original est créé par la copie. Louise Merzeau nous rappelle (après Bruno Latour ou Antoine Hennion) que « le principe de multiplication est inhérent à toute technique, et ne saurait se réduire à la reproduction mécanique d’un original. […] L’originalité et l’authenticité sont elles-mêmes des sous-produits tardifs d’une constante activité de reproduction, par tous les moyens techniques. »3 On parle alors des technologies de la mémoire, soit, dans le cadre de la médiologie4, des médiums ou supports techniques de fixation et de stockage comme une partition, un enregistrement analogique ou numérique. Ces supports matériels sont bien ce que Louise Merzeau appelle des « dispositifs de duplication qui génèrent la nécessité de fixer les œuvres en une forme unique et stable, garantissant l’exactitude et la fiabilité des exemplaires mis en circulation »5. Bref, la partition d’une musique instrumentale, comme l’enregistrement d’une pièce électroacoustique, génère sa copie car c’est à travers sa copie que l’œuvre existe. La copie crée donc l’œuvre, qui n’est d’ailleurs en rien ici un original.
On pourrait avancer une troisième objection, synthèse des deux précédentes. C’est en réalité la copie de masse que l’on considère ennemie de l’art. Adorno, dans Le Caractère fétiche dans la musique6, analyse comment les moyens de reproduction mécanisée dégradent la musique en objet de consommation, et modifient nos réflexes d’écoute, voire les « structures internes » des œuvres. La copie de masse et le rapport d’immédiateté qu’elle induit suppriment le temps de maturation nécessaire à l’œuvre pour s’inscrire dans une écologie musicale cohérente. On sait que l’œuvre vit par les appropriations dont elle est l’objet – comme celle de l’écoute par exemple – mais dans la durée. Avec la rapidité d’appropriation de nos technologies contemporaines, l’œuvre n’est plus œuvre, mais produit. La notion d’œuvre est ainsi remise en cause. Aussi, à défaut de parler des œuvres qui n’existeraient plus, on en vient à parler du contexte, du cadre, des phénomènes de médiations culturelles. Par exemple, s’intéresser aux disques d’or qui mesurent le nombre de copies commercialisées d’une musique n’a d’autre intérêt que journalistique, à moins d’admettre l’audimat comme critère de pertinence esthétique. Le risque est donc de s’éloigner de la musicologie car, en l’espèce, on semble confondre les différents vecteurs en survalorisant l’étude des seuls vecteurs qui ont un impact de masse – les technologies de reproduction de masse, médiums de fixation et de diffusion des musiques commerciales – et ce au détriment de l’étude des médiums de création, c’est-à-dire des procédés généraux de symbolisation. Ce dernier point constitue un véritable enjeu musicologique, contrairement aux questions de l’audimat. Le travail de fond reste celui de l’étude croisée de l’ensemble des vecteurs, d’où, en médiologie, cette façon d’observer les médiums dans leur médiasphère d’élection. L’approche médiologique que nous voudrions développer ici postule que la musique existe à travers ses traces matérielles, ce qui est « figé » comme disent les juristes, autrement dit ce qui est copiable.
II) Cartographie de la copie dans les musiques instrumentales
Elaborons une cartographie – non exhaustive – de la copie en musique.
Copier, au sens strict, c’est copier le support matériel de fixation et de stockage. Un copiste est celui qui recopie à l’identique une partition en vue d’une impression mécanisée. Il est également celui qui, dans le cas des partitions d’orchestre, transforme la partition en « parties séparées » pour les différents instrumentistes7. Si ce copiste est un compositeur, s’il recopie à l’identique une partition pour y apposer son nom, on parlera alors de plagiat, c'est-à-dire le pillage organisé. Il est au mieux une « copie parfaite », comme on parle d’un crime parfait. Le plagiat impose une certaine technicité : un bon plagiaire doit avancer masqué, surtout lorsqu’il prend le risque de plagier un auteur connu8. Peter Szendy rappelle la position de Friedrich Wilhelm Zacharias9 pour qui la pratique de la copie devrait s’accompagner de notes infrapaginales. Le plagiaire signe ainsi son crime, tout en faisant référence explicitement au principe de la citation, par mimétisme des pratiques dans le domaine littéraire.
Dans ces différents cas de figure, la copie de la partition désigne la copie de l’œuvre manuscrite appelée « original ». Il ne s’agit pas pour autant de la copie de la musique. En effet, la musique ne se réduit pas à la partition, puisque, comme au théâtre ou plus généralement comme dans les arts de la représentation sur scène, la musique passe par la médiation des interprètes. Ainsi, la recopie d’une partition est la copie d’une image, pour reprendre ici les développements exposés par Michel Melot10. Paradoxalement, cette idée se vérifie dans le cas de la copie des partitions interdites de copie : Peter Szendy11 rappelle comment, au mépris de la censure ecclésiastique, Mozart « copie de tête » le déjà célèbre Miserere d’Allegri, à défaut de pouvoir le copier sous la dictée sur une partition (mémoire technique).
« Tu as peut-être déjà entendu parler du célèbre Miserere de Rome, tellement estimé que les musiciens de la chapelle ont l’interdiction, sous peine d’excommunication, de sortir la moindre partie de ce morceau, de le copier ou de le communiquer à quiconque ? Et bien, nous l’avons déjà [souligné par Léopold]. Wolfgang l’a écrit de tête, et nous l’aurions envoyé à Salzbourg avec cette lettre si nous ne devions pas être présents pour son exécution : mais la manière dont on l’exécute fait plus que la composition elle-même, et par suite, nous l’apporterons nous-même à la maison. »
Ainsi Mozart ne copie pas la musique telle qu’on l’entend. L’acte de copier n’intègre pas la « manière », à savoir les coutumes d’interprétation qui excèdent la composition mais qui font partie intégrante de ce que l’on appelle « l’œuvre ». Cette analyse relativise donc largement le poids véritable de la partition censée être fidèle à la composition.
La pratique de la copie peut aussi s’observer dans une gradation allant de la copie légère, c'est-à-dire l’allusion, à la copie référentielle ou l’emprunt, en passant par la citation affirmée, énoncée en hommage à un compositeur ou au contraire par esprit de dérision. Stravinsky notamment s’est illustré dans cette pratique, ce dont on peut s’étonner – comme le souligne Peter Szendy12 – tant Stravinsky a souffert des plagiats et copies illicites de son œuvre. Dans ces procédés de copie, une stratégie d’écriture musicale comme forme de symbolisation semble se dessiner.
Par copie, l’on entend souvent réécriture dans la qualité de transcription ou d’adaptation. Dans ce cadre, on échappe résolument à la copie du support matériel, qu’il soit matière ou image, pour entrer dans le domaine symbolique, celui de la maîtrise de « l’artifice d’écriture ». Pour Peter Szendy, cette réécriture est le moyen d’« écrire ses écoutes », c’est-à-dire de « faire entendre son écoute »13. Dit autrement, la copie-transcription est une forme d’interprétation. On pense bien évidemment à Mahler, à Webern et ses arrangements de Schubert, ou encore à Berio pour le seul xxe siècle. La réécriture comme arrangement, transcription ou adaptation, est aussi, incidemment, le moyen de préserver ses droits d’auteur : les « auto-arrangements » de Stravinsky, avec notamment l’épisode des deux arrangements de l’Oiseau de Feu, en sont exemplaires.
Peter Szendy14 regroupe les trois activités copier/réécrire/écouter sous le nom générique « d’appropriation », et en appelle à un travail d’exploration musicologique. L’appropriation s’entend, à l’évidence, en opposition ou en marge de l’acte de création « pure », à savoir « écrire » et non « réécrire », donc « écrire » du neuf, du jamais écrit auparavant. Pour l’auditeur, cette écriture relève de l’inouï.
Enfin, cette question de l’arrangement est aussi traitée par Adorno15, qui dénonce notamment le pot-pourri, formes de copies impures proches des « dérangements », pour reprendre le mot de Berlioz.
La copie peut aussi s’apparenter au pastiche d’un style musical. Il est question alors de faussaire16, mais de faussaire de génie.
Dans cette typologie partielle, on pourrait ajouter la reprise. Elle est davantage une forme de copie liée à l’écriture ou la réécriture musicale, plutôt que la copie du texte en tant que support physique. Pensons par exemple aux reprises formelles, à l’identique, d’une partie d’un mouvement. Pensons également à la répétition systématique sous forme humoristique, comme dans Vexations d’Erik Satie où l’on relève 840 répétitions du même thème, ou pensons encore à la reprise plus élaborée d’un même thème et de sa structure rythmique, comme dans le Boléro de Ravel. Plus élaborée ? Guère plus, selon les dires de Ravel lui-même : « je m’en vais essayer de redire [le thème] un bon nombre de fois sans aucun développement, en graduant de mon mieux l’orchestration ». Et pour éviter la méprise, Ravel précise que le Boléro est un « morceau de 17 minutes consistant uniquement en un tissu orchestral sans musique17 – un long et progressif crescendo »18. Cette « non-musique » est redevable du caractère répétitif, celui du rythme de boléro. Il est d’ailleurs fascinant de voir comment cette œuvre a atteint une aura planétaire grâce au disque noir puis au disque compact numérique, cette autre forme contemporaine de la copie qu’est l’enregistrement (cf. plus loin). Un processus assez voisin est décelable dans certaines musiques répétitives, comme celle par exemple de Steve Reich, avec ses procédés graduels de déphasage d’un motif original. Ce processus est issu, à l’évidence, des potentialités des appareils d’enregistrement du son, comme le montre, dès 1960, la pièce fixée sur support analogique It’s gonna rain : l’enregistrement d’un prêche est travaillé en boucle – ce qui constitue encore et toujours un modèle pour de nombreux compositeurs – puis déphasé progressivement.
Cet inventaire non exhaustif révèle, quoi qu’il en soit, les difficultés concernant la définition des droits d’auteurs : ces difficultés nous rappellent que la question du support physique à partir duquel s’opèrent ces copies est au centre de la problématique. Nous préconisons alors d’observer ces questions sous l’angle médiologique.
III) La copie en vidéosphère puis en numérosphère
La description des usages de la copie ci-dessus concerne le domaine de la musique dite « écrite », celle qui passe par le graphe, c’est-à-dire via un médium19, ici un support technique de fixation et de création que sont le papier et ses dérivés. Le médiologue parlera de « graphosphère », médiasphère dans laquelle les formes supérieures de symbolisation passent par l’abstraction et par la graphie en tant que support technique. Ce graphe génère un rapport intime entre « l’œil et l’oreille »20. Avec l’invention de l’enregistrement, les nouveaux supports matériels de fixation sont les disques, la bande magnétique, les mémoires numériques. Ce rapport œil/oreille change : le compositeur est censé travailler directement sur le « son », concrètement, sans le passage par l’abstraction de l’écriture, d’où l’appellation « musique concrète » donnée par Pierre Schaeffer dès 1948. On parlera alors de « vidéosphère » – nous devrions dire « audio-vidéosphère » – pour qualifier la sphère sous un régime indiciel21 de l’enregistrement du son et de l’image
En vidéosphère, la notion de copie revêt d’autres aspects. Recopier signifie, comme en graphosphère, dupliquer un support physique. Cloner un disque ou le pirater est l’équivalent terme à terme de la recopie de la partition, puisqu’il ne s’agit que de dupliquer le support matériel de fixation de l’œuvre. La différence essentielle tient aux compétences techniques : le travail est délégué à la machine. Copier un enregistrement est ainsi une opération accessible à tous – pour autant que l’on dispose du matériel adéquat – contrairement à la copie d’une partition, qui est affaire de spécialistes. Mais l’enregistrement est alors une copie réécoutable indéfiniment : il permet la relecture de la musique, en tant qu’il s’ajoute à une exécution publique jugée insuffisante selon certains22. L’enregistrement et le concert se complètent.
Recopier veut aussi dire emprunter, prélever. Nous retrouvons ici le rôle du microphone dans l’ensemble du processus d’enregistrement. Le micro a pour fonction de capter le réel, d’emprunter au réel sonore. À nouveau est mis en avant le rôle de l’appareil photographique si redouté dans certaines cultures dites primitives pour qui l’appareil, en captant le réel, se saisit un peu de la personne photographiée. Pour revenir au « son », il devient alors une unité de base, un objet séparé de son contexte. C’est précisément ce que Schaeffer nomme l’« objet sonore », qui induira de nombreux concepts dont celui dit de l’« écoute réduite ». Cette dimension indicielle de l’emprunt est au cœur de la problématique du paradigme technologique qu’est le son23.
La copie peut aussi se réduire à une simple citation. Les autocitations sont également à prendre en considération, comme celles de Jean-Claude Risset, avec notamment les paradoxes musicaux, mais aussi les volutes harmoniques, les faux oiseaux (simulacres réalisés avec le logiciel MUSIC V), la harpe dans Avel (1997)24, sans doute la pièce où Risset se cite le plus. Ces citations fonctionnent chacune comme autant de signatures sonores. Au-delà du simple emprunt d’un son ou de séquences musicales, le procédé citationnel peut engendrer un processus généralisé dans lequel l’œuvre citée sera gauchie, altérée, transformée. Les citations deviennent alors des « copies impures ». Ce processus semble parfois faire « vaciller » l’œuvre d’art quand ce processus ne devient pas l’« outil principal d’une possible re-définition de l’art »25. C’est parce que l’œuvre existe qu’on peut la citer. Mais en généralisant le processus de citation, on peut aller jusqu’à dissoudre la notion même d’œuvre. Il existe donc bien un paradoxe post-moderne puisque que l’on s’appuie sur l’œuvre pour mieux la dissoudre.
« Peut-être, dès lors, est-ce cette fortune [les pratiques citationnelles dans l’art], plus que son efficacité supposée, qu’il faut interroger, et comprendre au prix de quelle(s) définition(s) de la citation ce glissement s’opère, qui, de l’esthétique au social, organise une contestation réversible (de la première par le second, et vice-versa) dans laquelle le prisme citationnel, non content de faire vaciller la notion d’œuvre, devient l’outil principal d’une possible re-définition de l’art. »26
La citation est une manière de faire de l’art à part entière […] D’où une seconde correction de perspective, qui prolonge la première : la citation ne déplace pas la notion d’œuvre, c’est au contraire le régime esthétique de l’œuvre qui la permet […]. »27
Ainsi semblent procéder les remix contemporains des musiciens populaires (des D.J.) qui s’auto-arrangent, se recopient eux-mêmes, éventuellement pour faire valoir de nouveaux droits d’auteurs. Sans doute Pierre Henry, lui-même, procède-t-il par jeu ou par humour, lorsqu’en père incontesté de la musique techno (ou revendiqué comme tel par les musiciens techno), il réédite toutes ses œuvres concrètes et électroacoustiques en remix chez l’éditeur phonographique Philips sous le titre Mix Pierre Henri 3.01. Ce clin d’œil branché peut aller jusqu’au remix des remix de ses œuvres, comme avec Messe pour le temps présent (1967), remixé pour donner Métamorphose/messe pour le temps présent (1997). Les exemples abondent tant la pratique de la citation devient un trait d’écriture des musiques issues de l’enregistrement.
On entrerait alors dans une ère du copier/coller généralisé, ce qui conduit Franck Mallet et Jean-Max Colard à dire que « pomme C /pomme V28 est un automatisme logotypé de la création contemporaine, un geste emblématique des formes actuelles de la reprise »29. Cela relève-t-il de l’écriture musicale ou de la simple manipulation technique, d’un savoir-faire technique ? La notion « d’écriture électroacoustique » pose en effet les questions suivantes : qu’est-ce que composer le son ? La musique électroacoustique est-elle en mesure de créer des formes supérieures de symbolisation ? Ne nous écartons cependant pas de notre sujet.
Dans le champ de la musique électronique dite « savante », le copier-coller s’appelle le collage. En l’espèce, Karlheinz Stockhausen refuse l’usage du terme de collage pour qualifier des œuvres telles que Telemusik ou Hymnen : il préconise le terme « d’intermodulation », dans la mesure où le collage est dépassé. De fait, la technique de montage et de mixage analogique et a fortiori numérique rendent le collage manuel en tant que tel technologiquement dépassé. Le montage et le mixage deviennent des techniques de composition à part entière – que l’on retrouve d’ailleurs dans l’art radiophonique30. Le travail de montage (qui consiste à disposer des extraits temporellement, en succession ou en synchronisme, verticalement ou horizontalement) et de mixage (qui consiste à équilibrer les différentes voix enregistrées simultanément) permettent de créer des situations esthétiques nouvelles, notamment par une connaissance des enjeux liés au son décontextualisé, c'est-à-dire le son copié, sorti du contexte du moment de l’enregistrement. La question que nous venons d’écarter revient alors en force.
Enfin, copier est aussi pasticher le « son », catégorie qui ne fait plus seulement référence au support matériel mais qui devient un procédé général de symbolisation. De nombreuses musiques issues de l’enregistrement telles les musiques concrètes, électroacoustiques, voire les musiques électroniques commerciales, traitent le son en tant que concept esthétique. Il devient alors possible de le pasticher. Cette pratique constitue même un jeu, balançant entre l’hommage, le piratage, l’allusion ou la distanciation critique. Dans tous ces cas, on constate que la notion d’arrangement disparaît. De fait, le phonographe marque le déclin de l’arrangement31, même si le cas de Stokowski et de ses arrangements pour Hollywood en est un contre-exemple.
Ainsi, remarque-t-on que l’on parle de « son » et non plus de symboles musicaux (le solfège), ce qui confirme bien l’inscription de ces musiques dans la vidéosphère, tant les nouvelles formes artistiques passent prioritairement par l’image et le son, et non plus par le symbole. Ainsi semble-t-on passer d’un régime symbolique en graphosphère à un régime indiciel en vidéosphère. C’est la raison pour laquelle le passage d’une copie symbolique à une copie indicielle marque peut-être le déclin de la notion d’œuvre, si ce n’est le déclin des œuvres elles-mêmes.
Revenons aux médiasphères : il faudrait distinguer la vidéosphère de la numérosphère. En effet, avec l’émergence des technologies numériques, l’ensemble des représentations passe par un encodage numérique, à savoir la langue technique des ordinateurs. Au sens propre, le processus analogique (la copie stricte par un procédé mécanique ou électrique) disparaît. Avec la norme technique du « son numérique » – que Curtis Roads appelle l’« Audionumérique »32 – l’ordinateur capte l’amplitude instantanée du signal sonore à très grande vitesse : généralement, à 44,1 kHz, c’est-à-dire 44 100 fois par seconde33. Pourquoi 44,1 kHz au minimum ? Selon le théorème de l’échantillonnage, un son ne peut être copié qu’avec une fréquence de captation au moins égale au double de la fréquence des hauteurs audibles. Ces dernières se définissent comme le résultat de l’ambitus compris entre les limites d’audibilité moyennes, en terme de fréquences, pour un individu. Cet ambitus de fréquence est estimé à 20 000 Hz car équivalent à un ambitus allant grossièrement de 20 Hz pour les sons les plus graves, à 20 000 Hz pour les plus aigus. Ensuite, chaque échantillon obtenu est représenté par un nombre de 16 bits34 – ou plus selon les capacités de la machine35. L’ordinateur va donc ainsi traiter des nombres, mais dans le langage de la machine, c’est-à-dire le langage binaire, 0 et 1. Autrement dit, le « son numérique » est une liste de nombres : la copie d’un son numérique est la copie de nombres. On quitte donc bien le son analogique, celui qui imprime sur une surface les déplacements de l’air produits par les mouvements des vibrations sonores captées par un cône (cf. le phonographe et sa gravure mécanique), ou celui qui convertit via le microphone une onde acoustique en onde électrique pour la fixer ensuite sous forme magnétique, toujours par analogie d’une forme à une autre.
Aussi, ces changements de médiasphère, de la graphosphère à la numérosphère en passant par la vidéosphère, indiquent-ils une mutation progressive de l’ensemble de l’écosystème musical. Lorsque le vecteur technique de fixation et de création est la partition (en graphosphère), le régime est symbolique : la recherche du mieux passe par l’abstraction. A contrario, lorsque le support technique de fixation est l’enregistrement analogique ou numérique (vidéosphère et numérosphère), le régime est indiciel : le mieux est la « copie conforme ». Déjà, à l’ère du phonographe, prélude à la copie à l’identique, les publicités des disques Victor flirtaient avec le mensonge : « le disque Victor de la voix de Caruso est Caruso de manière aussi authentique que Caruso lui-même »36. Ainsi, avec la copie numérisée, la notion d’original perd sa pertinence : la copie d’un « fichier son » conduit à un second « fichier son » en tout point identique au premier, à tel point que l’on peut les confondre. Il n’y a aucune différence entre un fichier original et ses multiples copies virtuelles. Seul la date de création des fichiers diffèrent. La question de l’auteur de « l’original » – à défaut d’un autre terme pour le définir – se pose alors également. En numérosphère, la dématérialisation des supports induit une quasi dépersonnalisation des auteurs37. L’histoire est cyclique tant cette situation rappelle celle de la logosphère.
Si le mieux est la « copie conforme », on distinguera cependant les technologies de la vidéosphère de celles de la numérosphère : en vidéosphère, le mieux n’est jamais réellement la copie conforme. En effet, la technologie analogique présente des défauts majeurs : la dégradation du signal (chaque copie provoque une perte du signal), l’apparition d’un bruit de fond, la présence d’un bruit de surface, la perte de dynamique, la distorsion, l’usure, les craquements de surface. Avec la technologie numérique, la copie est une copie de nombres. Les machines le font sans erreur.
Avec l’enregistrement (qu’il soit analogique ou numérique), on entre donc dans l’ère du « toujours mieux ». Mais en théorie, nous venons de l’observer, une copie numérique est plus performante qu’une copie analogique. Le numérique supplante alors l’analogique, sans possibilité de retour – ce que le médiologue appelle « l’effet cliquet »38. Pourtant, les adeptes de certaines musiques house, techno, etc. utilisent avec malice le disque noir comme une matière manipulable. Un parfait exemple « d’effet jogging »39 commenterait le médiologue.
Le numérique est donc plus fiable, quasi inaltérable, plus ductile grâce aux manipulations via les logiciels visuels. La copie du son devient alors une technique musicale en soi ; c’est ici qu’apparaît la notion d’échantillonnage, qui passe donc d’une technique de reproduction à un modèle opératoire sur le son, comme en témoignent les samples des musiques techno ou autres objets de consommation courante, mais aussi nombre de premières musiques électroniques avec échantillonneurs du répertoire dit « savant », comme les musiques d’Horacio Vaggione40. Pour comprendre ce cheminement, il convient de retracer le parcours historique qui a conduit à cet usage généralisé de l’échantillonnage dans le domaine de la musique.
IV) L’échantillon – ou l’objet sonore – comme copie généralisée
A) Les musiques mécaniques
Faire l’histoire de l’échantillon, c’est aussi faire l’histoire partielle de l’enregistrement. Mentionnons pour débuter les premières machines de musique mécanique : l’orgue de Barbarie, les « boîtes à musique », le piano mécanique et/ou pneumatique – l’enregistrement sur rouleau qui était utilisé pour pérenniser les interprétations41. Avec ces mécaniques musicales, on introduit l’idée de la répétition en boucle d’un ruban, d’un cylindre hérissé de petits pitons. Ainsi naissent, au grand dam des éditeurs de musique « sérieuse », la rengaine aussi bien que la contrefaçon d’un thème original. S’ensuit d’ailleurs une série de procès symboliques ou bien réels dont celui de Titus Ricordi – l’éditeur de Verdi – contre les musiciens ambulants42 : « criminologie de l’écoute » résume Peter Szendy. À l’évidence, les instruments mécaniques préfigurent les échantillonneurs d’aujourd’hui.
B) L’objet sonore
Le véritable « bond en avant » s’opère avec la notion d’objet sonore telle que la définit Schaeffer dans les années quarante. À ce stade, il convient de rappeler l’épisode du disque rayé, ou plus exactement du sillon fermé. Cet épisode correspond à l’écoute accidentelle par Schaeffer des dernières secondes du sillon se refermant sur lui-même. Pour enregistrer l’intégralité des émissions ou des concerts, la R.T.F. (Radio-Télévision Française) de l’époque enregistrait un disque jusqu’au terme du sillon alors qu’un second disque prenait le relais.Schaeffer, en focalisant son écoute sur le sillon fermé, s’est ainsi passionné pour ce qui apparaissait à son entourage comme un simple problème technique : on est donc ici dans une sorte de malentendu (si l’on peut dire !). Avec le sillon fermé est posé le principe de l’objet sonore , « principe de la répétabilité du son qui nous permet d’en faire un objet et de l’étudier »43. Cet objet très court – 0,77 seconde pour un disque 78 tours – répété inlassablement, conduit à la décontextualisation du son d’origine. L’attention portée sur un fragment sonore ainsi isolé de son environnement – à savoir de ce que l’on vient d’entendre et de ce que l’on suppose entendre après – introduit le concept « d’écoute réduite » qui posera, par ricochet, les bases du concept « d’objet sonore », pour aboutir à l’ensemble du Traité des Objets Musicaux44, mais également à une nouvelle pratique de composition. Ainsi, cet objet sonore, qui est éventuellement une copie du réel sonore, devient un échantillon, à la fois en tant que processus, mais aussi, plus tard, en tant que technique numérique. L’échantillon est donc issu du principe d’objet sonore schaefférien. Rappelons que la copie de l’échantillon n’est possible techniquement qu’après cet épisode schaefférien, c'est-à-dire avec l’apparition de l’enregistrement magnétique. L’objet sonore devient alors un objet sonore véritablement copiable – ce que ne permettait pas véritablement le disque noir – et donc ainsi manipulable et transformable de multiples façons. L’échantillon et sa copie deviennent un moyen d’écriture dans la musique électroacoustique, même si d’aucuns se refusent à accorder ce statut d’écriture à la musique électroacoustique.
C) Une écriture de la copie
Peut-on parler d’écriture de la copie ? Oui, disent les tribunaux en 184645, qui condamnent symboliquement Debain, facteur d’instruments, inventeur de l’antiphonel puis du pianista Debain, mais qui reconnaissent que « la reproduction mécanique est une forme d’écriture »46 tendant à concurrencer l’édition papier. Les « notages » des cylindres des boites à musique et des rubans cartonnés des pianos-mécaniques et/ou pneumatiques sont considérés comme des formes d’écriture scripturaire ou pour le moins à « caractère scriptural ». Ce notage n’est pas une notation mais une écriture idiomatique, constituée en langage-machine47. Viennent ensuite d’autres formes d’écriture « illisibles » (pour reprendre le terme d’Adorno) comme le disque, puis la bande magnétique etc., qui feront dire aux juges en 1895, lors du procès des instruments mécaniques à Paris48, que, dans la mesure où ces écritures illisibles ne sont pas audibles sans leurs appareils de lecture, elles ne sont pas une écriture. Ainsi, les enregistrements ne peuvent pas être assimilés à des copies de contrefaçon car ces enregistrements n’ont aucune existence sans leurs lecteurs. Mais en 1905, les juges reconnaissent au phonographe le statut d’édition, en raison de la « notation graphique des paroles prononcées » et du caractère de duplication et de reproduction en milliers d’exemplaires49.
Indépendamment de la justesse ou non de ces conclusions judiciaires, l’émergence de ces instruments de musique mécanisés ainsi que des enregistrements de musique modifient en profondeur l’ensemble des institutions musicales – ce que la médiologie appelle les Organisations Matérialisées. Peut-on parler de désorganisation et de déclin ?
Tout semble se jouer sur les techniques de montage et de mixage. L’art radiophonique, la musique concrète, électroacoustique et acousmatique – les musiques de la manipulation de son plutôt que de la synthèse sonore – n’ont eu de cesse de travailler le son comme des objets manipulables, que l’on découpe, copie, recolle, déplace, etc. Bref, la manipulation devient un mode opératoire complexe au même titre que l’élaboration d’une matrice générationnelle ou d’une écriture par contrainte.
« La pratique instrumentale des reproductibilités apparaît ici en fin de compte premièrement comme art du réagencement, de l’enchaînement par montage de citations, de re-visions, ré-auditions, ré-énonciations et récitations de tous ordres : en ce sens, les supports tels que le CD-ROM et toutes les manipulations (analytiques et synthétiques) envisageables sur leurs contenus (échantillonnages sonores, visuels et textuels) sont une promesse de la programmatique en jeu. »50
V) Conclusion
Reprenons le chemin des médiasphères médiologiques, pour lesquelles le découpage n’est pas nécessairement diachronique, mais aussi synchronique.
En logosphère, la copie est une copie de sauvegarde. Les copistes ne sont pas nécessairement des musiciens, mais le procédé manuel nécessite une technicité, voire une haute technicité : Catherine Kintzler51 rappelait que le copiste doit connaître ce qu’il copie. Il peut même déceler les fautes, sans les corriger. Cependant, ces copistes laissent parfois des « coquilles », matériau de travail de grand intérêt pour les musicologues !
Nous assistons en graphosphère au passage progressif de la copie manuelle à la copie mécanique, en suivant les progrès de la reproduction typographique. La copie a une fonction de duplication des partitions, partitions entendues éventuellement comme matérialité de l’oeuvre, mais non comme « la musique »52. En graphosphère, la notion d’auteur émerge, et ainsi, la question des droits d’auteurs devient cruciale. Par ailleurs, rappelons que tout n’est pas notable sur partition : dans le registre de l’interprétation notamment, la manière de jouer les œuvres relève du domaine des usages liés à une époque donnée. Aussi ne copie-t-on que ce qui est fixé sur le support matériel, à savoir précisément les données symboliques. En ne copiant que la part symbolique des œuvres, l’écriture étant hégémonique, une copie contemporaine d’une Cantate de Bach ou une copie ancienne (avec des formes de notes différentes) nous permettront de garder l’essence de la Cantate. C’est l’une des forces de l’écriture graphique, à la fois médium de fixation, de stockage mais aussi siège de l’activité symbolique.
En vidéosphère, la copie procède par analogie, avec des moyens techniques de plus en plus performants. On entre dans le règne du « toujours mieux », celui du régime indiciel – ce qui ne veut pas dire que le symbolique est totalement absent. La copie « copie-conforme » devient le mode de duplication généralisé, mais la copie devient aussi un mode de création, une technique d’écriture, une des conséquences de la deuxième révolution technologique de l’enregistrement, après l’imprimerie.
En numérosphère, le mieux technologique laisse supposer une généralisation de la copie au point que l’acte de copier s’identifie à l’acte d’appropriation de la culture. La copie de masse via le commerce mondialisé tend à tuer les formes supérieures de symbolisation. On est en mesure, par exemple, de reproduire les œuvres, devenues « produits culturels », non plus à l’identique, mais en fonction de critères identitaires. Un DVD, reproduction d’une œuvre filmographique, sera alors calibré pour répondre à des publics ou des lieux de diffusion spécifiques : âge, sexe, religion, catégorie socioprofessionnelle.
Historiquement, on a cherché à déléguer à la machine le soin de copier nos traces: la parfaite maîtrise technique ou artisanale de la copie a cessé d’être une nécessité impérieuse. Pourquoi ? Parce que les technologies de l’enregistrement exigent de la part de leurs utilisateurs une moindre maîtrise que les technologies de la copie en logosphère n’en nécessitaient. Aujourd’hui, la copie en musique devient un mode hégémonique : la copie et l’original se confondent. En numérosphère, et par effet retour, la copie devient, au mieux, l’un des modes essentiels du travail de composition musicale – dans le cas des musiques électroacoustiques et de leurs dérivés – ou, au pire, le mode de production musicale industrielle – comme certains genres musicaux dits « techno » ou « électro » à tendance commerciale. Autrement dit, la copie, qui n’est plus une opération manuelle mais une opération automatisée via les machines, revient en force dans la pratique des compositeurs ou des « créateurs » par le biais de « l’écriture électroacoustique », et par l’appropriation et le détournement de ces vecteurs techniques.
Bibliographie
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Notes
2 Dagognet François, Changement de perspective, Paris, La Table ronde, 2002, p. 159.
3 Merzeau Louise, « La photographie, une technologie de la mémoire », Séminaire de l’Ecole Nationale du Patrimoine, Paris, 1996, texte disponible via http://www.merzeau.net/txt/photo/technologie.html [consulté le 18 nov. 2003]. Cf. également Antoine Hennion et Bruno Latour, « L’Art, l’aura et la technique selon Benjamin », Les Cahiers de médiologie, n°1, Paris, Gallimard, 1er semestre 1996.
4 Cf. Régis Debray, Introduction à la médiologie, Paris, Puf, 2000. Pour les enjeux de la médiologie musicale, cf. Vincent Tiffon, « Pour une médiologie musicale », MEI n°17, Paris, L’Harmattan, 2003 ; « L’interprétation des enregistrements et l’enregistrement des interprétations : approche médiologique », Revue DEMéter, décembre 2002, Université de Lille-3, disponible via www.univ-lille3.fr/revues/demeter/interpretation/tiffon.pdf [consulté le 18 nov. 2003].
5 Louise Merzeau, « La photographie, une technologie de la mémoire », op. cit..
6 Theodor Adorno, Le caractère fétiche dans la musique et la régression de l’écoute, Paris, Editions Allia, 2001, trad., Christophe David. Ce texte est également disponible dans une traduction antérieure : « Du fétichisme en musique et de la régression de l'audition », InHarmoniques n°3, Paris, Ch. Bourgois/IRCAM, mars 1988, p. 138-167, trad., Marc Jimenez.
7 Il est à noter que cette tâche fastidieuse et source d’erreurs est largement simplifiée par la copie numérisée de la partition.
8 Sur ces questions de plagiaires, cf. Peter Szendy, Ecoute, op. cit..
9 Littérateur et compositeur amateur du milieu du xviiie siècle.
10 Cf. « L’auteur, le modèle et le propriétaire, essai de comparaison du droit d’auteur pour le texte et pour l’image », disponible dans ce même numéro via www.univ-lille3.fr/revues/demeter/copie/melot.pdf [consulté le 15 janvier 2004].
11 Lettre du 14 avril 1770, citée dans Peter Szendy, Ecoute. Une histoire de nos oreilles, Paris, Les Editions de Minuit, 2001, p. 26.
12 Ibid., p. 108-109-110.
13 Ibid., p. 53.
14 Id.
15 Theodor Adorno, Le Caractère fétiche dans la musique et la régression de l’écoute, op. cit., à partir de la p. 37.
16 Sur cette question, cf. l’article de Catherine Kintzler dans ce même numéro.
17 C’est nous qui soulignons.
18 Cf. l’avertissement donné au publicau moment de sa création.
19 Par médium, le médiologue entend les vecteurs techniques et/ou institutionnels d’une forme supérieure de symbolisation. La méthode médiologique est précisément l’étude raisonnée des interactions entre ces vecteurs et les activités symboliques d’un groupe humain.
20 Cf. Hugues Dufourt, ou Paul Klee avant lui, en 1929.
21 Par « indiciel », nous entendons la capacité à reproduire avec fidélité un son ou une image.
22 Szendy rappelle la position du violoniste Rudolf Kolisch. Cf. Peter Szendy, « Pour commencer, suivi de : (Re)lire Bartók (déjà, encore) » Les Cahiers de l'IRCAM, recherche et musique n°7, Paris, IRCAM/Centre Georges Pompidou, 1995, p. 10-11.
23 Cf. François Delalande, Le son des musiques ; entre technologie et esthétique, Paris, INA – Buchet/Chastel – Pierre Zech, 2001, problématique reprise dans « Le paradigme électroacoustique », Musiques, une encyclopédie pour le xxie siècle, 1. Musiques du xxe siècle, Jean-Jacques Nattiez éd., Arles, Actes Sud, 2003, p. 533-557.
24 CD INA C 1019, 275 852 (2001).
25 Christophe Kihm, « Entre l’esthétique et le social, la citation à l’œuvre », Sonic Process. Une nouvelle géographie des sons, Paris, Editions du Centre Pompidou, 2002, p. 139.
26 Id.
27 Ibid., p. 142.
28 Certains préféreront peut-être Ctrl C / Ctrl V…
29 Jean-Max Colard, Franck Mallet, « Petit dictionnaire de la reprise », Sonic Process, op. cit., p. 149.
30 Cf. la parution prochaine de Vincent Tiffon, « Regard médiologique sur l’art radiophonique de Yann Paranthoën », Acoustic Arts & Artifacts, 2004.
31 Selon le New-Grove, deux facteurs expliquent le déclin de l’arrangement : les droits d’auteur et le phonographe.
32 Curtis Roads, L’audionumérique, Paris, Dunod, 1998, Jean de Reydellet, trad..
33 En réalité, pour un disque compact du commerce, en stéréo, la vitesse sera de 88200 Hz.
34 Bit = Binary digit – chiffre binaire, c’est-à-dire le langage machine de l’ordinateur, 0 et 1.
35 Pour les détails et les nuances à apporter sur ces questions du codage numérique, cf. Jean-Claude Risset, « Calculer le son musical : un nouveau champ de contraintes ? », La Musique depuis 1945, matériau, esthétique et perception, Hugues Dufourt, Joël-Marie Fauquet, éds., Paris, Mardaga, 1996, p. 269-270.
36 Peter Szendy, Ecoute, op. cit., p. 101-102, trad. de Peter Szendy.
37 Autre incidence notable : la copie des différentes étapes de gestation de l’œuvre, qu’elle soit simplement audionumérique (comme pour les musiques électroacoustiques) ou sous forme de partitions musicales (les musiques instrumentales) fait évoluer le travail musicologique sur la génétique des œuvres. Cf. Jean-Baptiste Barrière, « Ecritures musicales et ordinateur », Genesis n°4, Paris, Jean-Michel Place, 1993, p. 11-22.
38 Dans l’usage des technologies, on ne revient pas en arrière sur une technologie jugée périmée (en l’occurrence ici, l’enregistrement analogique).
39 Le médiologue qualifie d’effet jogging le principe de « l’effet rétrograde du progrès matériel » : la pratique de la course à pied apparaît peu après l’invention de l’automobile pour compenser une perte d’activité physique.
40 Cf. les « Cultures électroniques 3 », Le Chant du Monde/CIME/UNESCO/GMEB, LDC 278046/47, 1988 ; Chrysopée Electronique, LDC 278 1102, 1995.
41 Cf. Jean-Claude Risset, « Evolution des outils de création musicale », Interfaces homme-machine et création musicale, Hugues Vinet et François Delalande éds., Paris, Hermes Science Publications, 1999, p. 19.
42 Cf. Peter Szendy, Ecoute, op. cit., p. 93-94.
43 Michel Chion, Le Son, Paris, Nathan, 1998, p. 201.
44 Pierre Schaeffer, Traité des objets musicaux, Paris, Seuil, 1966.
45 Toujours selon Szendy, les tribunaux vont plus loin en 1866 en stipulant que « la fabrication et la vente des instruments servant à reproduire mécaniquement des airs de musique, qui sont du domaine privé, ne constituent pas le fait d’une contrefaçon musicale, prévu et puni par la loi du 19 juillet 1793… ». Cf. Peter Szendy, Ecoute, op. cit., p. 98.
46 Ibid., p. 96-97.
47 Sur l’ensemble de ces questions, cf. Peter Szendy, Ecoute, op. cit., p. 97-98.
48 Ibid., p. 100.
49 Ibid., p. 102-103.
50 Bernard Stiegler, « Programmes de l'improbable, courts-circuits de l'inouï », InHarmoniques n°1, Paris, Ch. Bourgois/IRCAM, 1986, p. 157-158.
51 Cf. l’article de Catherine Kintzler dans ce même numéro, « La copie et l’original », disponible via www.univ-lille3.fr/revues/demeter/copie/kintzler.pdf [consulté le 15 janvier 2004].
52 Cf. la plainte de Johann Christian Bach contre l’éditeur James Longman et Charles Lukey pour dénoncer la copie-papier de ses œuvres. Sa plainte a bien été reçue par un jugement anglais en 1770 : on autorise de copier les œuvres pour les jouer, mais non de les copier pour en faire un commerce. Peter Szendy, Ecoute, op. cit., p. 41.