Œuvrer à plusieurs : enjeux d'aujourd'hui
Espaces publics et processus de créations partagés par le documentaire
Résumé
Cet article vise à cerner les différents niveaux de créations qui peuvent être partagés, que ce soit en situation d’atelier de pratique artistique au cinéma ou dans le cadre de la réalisation d’un film documentaire, par les méthodes qu’ils offrent et les interactions qu’ils suscitent, afin de proposer de nouvelles représentations de l’espace public.
Abstract
This article aims at identifying the various levels of creations which can be shared, whether it is in situation of workshop of artistic practice in the cinema or within the framework of the realization of a documentary movie, by the methods which they offer and the interactions which they arouse, to propose new representations of the public place.
Plan
Texte intégral
La création d’un film naît d’un travail d’équipe (plus ou moins grande) orchestré par le réalisateur. C’est par le dialogue que le travail de conception s’opère. Le film est souvent associé à l’orientation que donne le réalisateur, encore plus depuis les revendications de François Truffaut et de certains cinéastes de la nouvelle vague ! Pourtant, dépassant cette approche de l’auteur très française finalement, les Américains en sont venus aujourd’hui à créer le poste de directeur artistique pour leurs grosses productions (Hyounet, 2017), témoignant ainsi de la nécessité de fédérer et d’accompagner au mieux toutes les personnes impliquées dans la création du film, principalement pour donner une cohérence globale à l’image. Il n’est pas question ici de faire un historique des formes participatives à la réalisation d’un film mais d’évoquer deux approches très différentes qui posent finalement toujours la question de(s) (l’)auteur(s) dans un protocole de création qui nécessite des collaborations artistiques. Revendiquées cette fois en tant que véritable œuvre, loin des grosses productions hollywoodiennes, les pratiques collaboratives au cinéma s’affirment de plus en plus en tant que telles. Le cinéma pose constamment cette question de la place de l’auteur et de l’investissement de son équipe ; il offre des situations émergentes de co-création.
Le documentaire en particulier, qui s’est toujours intéressé d’un point de vue historique à des territoires éloignés géographiquement ou à des formes sociales particulières (Cyrulnik, 2018 : 127 - 139), se situe au croisement de l’espace public et de nouvelles formes de sociabilités, tout en révélant toujours un peu son processus de création de manière intrinsèque. Il s’offre comme un objet d’étude qui propose des étapes situationnelles différentes (Paillé & Mucchielli, 2005) pour interagir : le réalisateur installe une relation avec le filmé au moment du tournage qui transparaîtra dans le film, le montage fait s’articuler les propos des filmés entre eux, la projection permet au spectateur d’acquérir une connaissance d’une situation précise que le réalisateur a captée (Niney, 2002), et le débat à l’issue de la projection qui a souvent lieu pour ce genre cinématographique fait interagir l’ensemble des spectateurs (souvent en présence du réalisateur) et fédère ainsi une nouvelle communauté (Cyrulnik, 2015). Ces situations d’interactions débutent dès les premiers échanges lors du tournage, au moment de la création, et se poursuivent ensuite.
C’est ce que nous avons pu expérimenter et analyser, durant une quinzaine d’années dans les rues de La cité Berthe à La Seyne-sur-mer, une de ces cités qui faisaient peur dès 1997 parce qu’elle faisait l’ouverture du JT d’Antenne 2 ; elle regroupe maintenant 15 000 personnes dans un grand ensemble qui représente un tiers de la ville. Une vingtaine de documentaires ont été réalisés avec ses habitants depuis 1999. Durant les dix premières années un lien s’est établi dans le cadre d’ateliers cinématographiques avec la population d’un quartier que l’on stigmatise souvent sous les noms de « cité », « ghetto » ou « zone-de-non-droit » (Avenel, 2005). Sous prétexte de découverte ou d’apprentissage d’une expérience cinématographique, les habitants ont pu s’emparer de la caméra pour créer des films dans le cadre d’une sensibilisation à la pratique artistique au cinéma dans un travail qui s’effectuait principalement dans la rue pour une plus grande liberté1. Puis le dispositif (Agamben, 2007) qu’offre le documentaire a évolué, notamment à travers la série « Habiter le territoire » (regroupant, à travers neuf documentaires au total, les cités des villes de La Seyne-sur-mer, Brignoles, La Ciotat, Marseille2). Les habitants ont vite compris et apprécié le fait que le film serait pris en charge par la réalisatrice qui intervenait dans le cadre d’ateliers auparavant : elle ne leur propose plus alors la caméra pour qu’ils filment ce qu’ils avaient envie de raconter, mais elle favorise un cadre et la captation d’un son de meilleure qualité technique avec un vrai parti-pris de mise en scène. Cela aide ainsi à mieux faire entendre leur parole par la plus grande diffusion que ces films documentaires proposent alors3. L’évolution urbaine et humaine est questionnée à travers ces films, rendant sensible ces expériences artistiques (Dewey, 1915) dès le tournage jusque dans la salle de projection. L’espace public interpellé s’ancre donc dans un travail de rue sous la forme de films d’ateliers dans un premier temps, et de films documentaires par la suite4, tout en étant questionné aussi en tant que sujet du film. Il va finalement jusque dans les salles de cinéma.
De l’atelier de pratique cinématographique à la prise de parole des habitants face à la caméra pour un documentaire, ou lors du débat qui suit la projection du film, différentes étapes d’échanges et de créations sont partagées. Les méthodes pour la mise en œuvre de ces films permettent d’affirmer les enjeux de tels dispositifs à la fois urbains, humains, cinématographiques, sociaux et politiques.
Les méthodes
La création à plusieurs s’opère dans le cadre d’ateliers de pratique artistique au cinéma pour l’expérimenter et toucher du doigt ce que peut être le cinéma, comme dans le cadre de la réalisation d’un film documentaire de création. Dans les deux cas, le documentaire s’offre comme un moyen de témoigner de la vie au quotidien dans les cités, afin d’y projeter d’autres formes d’aménagements ou de vie commune. Ce genre cinématographique expérimenté propose des protocoles de création différents, mais les enjeux collaboratifs d’un film d’atelier résonnent avec ceux du documentaire de création. D’ailleurs, l’étymologie du mot « documentum » interpelle à la fois « exemple, modèle, leçon, enseignement, démonstration », liant ainsi la pédagogie à toute pratique documentaire puisque celui-ci permettra d’acquérir une connaissance d’une situation particulière (Niney, 2009 et 2002). Les méthodes pour les réalisations de ces films dans les cités (Cyrulnik, 2008), qui doivent nécessairement être collaboratifs puisqu’ils impliquent et concernent les habitants dans la mesure où il s’agit de leur vie au quotidien, sont analysées pour en mesurer les enjeux par la suite.
A partir d’une approche compréhensive (Paillé & Mucchielli, 2005), et dans le cadre d’une observation participante (Winkin, 2001), l’implication des habitants se met donc en place dès le premier contact, favorisant ainsi l’articulation d’une pensée et la composition d’un récit (Paillé & Mucchielli, 2005) pour construire le documentaire au sujet de la vie au quotidien dans la cité filmée. La pratique artistique en atelier où les participants se filment chacun leur tour selon le rôle qu’ils s’assignent, ou la prise de parole d’un habitants pour témoigner face à la caméra dans le cadre d’un documentaire, s’appuient sur cette base commune collaborative pour la création d’un film dans les deux cas, chacun à leur manière.
La co-création en situation d’atelier d’expérience artistique au cinéma
Les ateliers de pratique artistique au cinéma (Cyrulnik, 2016a) permettent d’expérimenter le cinéma. La co-création y est favorisée en veillant à ce que ce soit les participants qui interagissent le plus possible entre eux pour inventer leur film. Dans le cadre des dix premières années d’ateliers à la cité Berthe de La Seyne-sur-mer, la réalisatrice a accompagné cet acte de création en le stimulant constamment, tout en se mettant en retrait en tant qu’artiste, afin que les participants en deviennent les auteurs à part entière. Le film s’écrit au tournage, tous ensemble, et en se positionnant individuellement et collectivement en même temps. De la pratique intuitive à l’analyse comprise, le film prend corps dès le tournage en anticipant sur le montage dans la mesure où l’on pense déjà à la construction du film (Paillé & Mucchielli, 2005). Ainsi, après une après-midi à déambuler dans les rues de la cité Berthe pour trouver l’inspiration d’un nouveau film, les grandes sœurs se sont emparées du matériel audiovisuel dès qu’elles ont vu un petit garçon d’origine sénégalaise offrir un bouquet de fleurs des champs qu’il venait de cueillir à l’occasion de cette promenade à une jolie algérienne. A partir de cette scène, il a donc été décidé collectivement que le film qui serait réalisé cette année se passerait exclusivement dans ce grand champ abandonné en l’investissant comme un espace à part où l’on ne devrait « que bien se parler, ne pas dire de gros mots, et ne se dire que des choses intimes et sincères ». « Une prairie dans la cité » (2002, 44’) était en train de naître. A travers cette scène qui devenait fictionnalisée (mais dont le principal intérêt était documentaire puisque les personnages inventés permettaient de leur faire dire beaucoup de choses du quotidien5), une réflexion urbaine et humaine émergeait en lien avec la cité en pleine mutation. Le principe est donc que chaque participant apporte sa petite pierre à la création du film parce qu’il est obligé de se positionner devant ou derrière la caméra, s’affirmant ainsi d’une manière ou d’une autre à la fois individuellement et collectivement. En choisissant le sujet à aborder dans le décor fort qu’offre la cité, le participant témoigne de ce qui lui tient à cœur de raconter au sujet de ce territoire. Le processus participatif dans le cadre d’un atelier est le fondement de la construction du film.
La collaboration dans la réalisation d’un documentaire
Ces interactions transparaissent aussi dans le cadre de la réalisation d’un documentaire de création dans la mesure où c’est finalement la relation qui s’est tissée entre le filmeur et le filmé qui donne naissance au témoignage que le spectateur pourra voir sur l’écran au final. Ces situations d’échanges permettent de co-construire une représentation urbaine (le territoire apparaît aussi à travers ce que les participants en racontent), filmique (le documentaire), sociale (l’approche compréhensive permet de sortir des stigmates sur les cités), et de soi (le filmé catalyse son comportement et se tient un peu plus droit, articule un peu plus, fait tout pour rendre ses propos le plus intéressants possibles, articule une pensée, etc…) en même temps (Cyrulnik, 2016b). Tous ces niveaux de représentations attestent des différents apports du documentaire. Par ce jeu de représentations, le filmé, en collaborant par son témoignage, participe finalement aussi à la création du film : il la nourrit, il la pense aussi en témoignant de son quotidien, il raconte sa cité en faisant transparaitre toute sa part de subjectivité et la part de romance qui va avec, il s’auto-met en scène face à la caméra, etc. Quand un jeune s’avance vers la caméra en se cachant derrière une capuche et en roulant les mécaniques, il reproduit les clichés dans lesquels il se sent lui-même enfermé, reproduisant les codes télévisuels de la « racaille qu’il faudrait nettoyer au karcher »6. Mais, au bout de quelques minutes d’échanges, il finit par baisser sa capuche et se met à raconter sa vie et ses (res-)sentiments7 dans un registre plus intime. Une part de création émane de lui à travers sa manière d’être face à la caméra. C’est la valorisation8 de celle-ci qui rendra le film d’autant plus intéressant et touchera le spectateur, l’incitant ainsi à se sentir concerné à son tour. L’approche intuitive au début, devient de plus en plus analysée et comprise (Paillé & Mucchielli, 2005) pour le filmeur, pour le filmé, et pour le spectateur au final qui réceptionnera tout cela. L’émergence des propos accompagnée par cette auto-mise en scène du filmé, le récit qui se compose en direct face à la caméra, la résonance des propos récoltés les uns avec les autres, et celle que va en avoir le spectateur au final, proposent des étapes de collaborations qui naissent des interactions possibles entres les différents protagonistes du film (filmeur, filmé, spectateur).
Dans le cadre de la réalisation d’un film documentaire et non plus en situation d’atelier, le réalisateur reste le chef d’orchestre de tout cela : ce sont les relations qu’il sait établir qui témoigneront le mieux de la vie au quotidien dans les cités. Sans se positionner donc tous en tant qu’auteurs comme c’était plus le cas dans le cadre d’ateliers, ce jeu d’interactions favorise la construction de plusieurs niveaux de représentations et l’engagement dans une collaboration dont le film documentaire se veut être à la fois le but et le relai pour une meilleure compréhension de ces territoires particuliers que sont les cités.
Les enjeux
Que ce soit au niveau de la création ou des différentes perceptions de l’espace public, ces pratiques collaboratives pour construire un film et proposer une nouvelle représentation des cités permettent d’expérimenter ces territoires autrement, et d’en acquérir de nouvelles connaissances (Niney, 2002).
Collaboration et co-création
Entre collaboration et co-création, la réalisation implique tellement l’ensemble des participants que la frontière est difficile à tracer de manière définitive. La part de création de l’auteure-réalisatrice fluctue du statut d’accompagnante d’un film d’atelier à celui d’auteure à part entière d’un film documentaire. Cette part de création s’accompagne elle-même de celle que les participants ou les filmés mettent en avant à leur tour en construisant leur film ou en se positionnant face à la caméra pour faire entendre leur voix.
En plus des situations d’atelier et de celles de réalisation de documentaire à part entière, une autre forme de création artistique collaborative au cinéma est ce que l’on appelle la « création partagée ». Celle-ci correspond plus à la place du réalisateur qui dirige au même titre que les autres ; mais elle soulève un souci d’équité, et d’égalité qui est fragile à respecter, la réalisatrice étant d’emblée perçue comme une professionnelle qui a plus d’expérience. Ce souci d’« égalité des intelligences » de prône Jacques Rancière (2008) est déjà présent dans les intentions d’un atelier de sensibilisation artistique au cinéma (Cyrulnik, 2016a). La « création partagée » n’a pas été expérimentée dans ce cadre là parce qu’en tant qu’accompagnante d’un atelier, la réalisatrice s’est déjà positionnée comme étant la garante pour que le film prenne corps (Cyrulnik, 2016a) : elle est présente tout en faisant le choix de se mettre en retrait pour que la part de création soit le plus favorisée du coté des participants. La place de l’auteur est ainsi relativisée ; la part de création n’est pas forcément très visible, mais elle n’en est pas moins expérimentée à plusieurs niveaux et pour l’ensemble des participants dans le cadre d’un atelier. Nous sommes bien dans un processus de collaboration et de co-création.
Le fait d’expérimenter un processus de création pour la construction des différents niveaux de représentations déjà évoqués va transformer un peu le participant. C’est ce qui est revendiqué comme étant une priorité dans le cadre d’ateliers de pratiques artistiques au cinéma ; et c’est ce qui se joue lors d’un témoignage dans le cadre d’un film documentaire. Finalement la part de subjectivité (voire de fiction ou de romance à travers ces formes d’auto-mises en scène) qui se révèle dans le film s’inscrit dans un processus de création qui nait de la collaboration. Toutes ces interactions possibles engagent donc l’ensemble des protagonistes dans un processus de création forcément participatif. Des protocoles de création nous en venons au processus de transformation de la personne qui s’implique. Cette expérimentation par l’art (Dewey, 1915) oblige à s’affirmer et à trouver une place au sein de cette communauté créative (filmeur et filmé), de la société (en pensant au futur spectateur qui prendra la parole à son tour), d’ « être-au-monde » (Schaeffer, 1999). L’engagement artistique dans ces réalisations devient politique et existentiel.
L(es)’espace(s) public(s)
Dans ces formes d’implications politiques qui se précisent, la place de l’urbanisme dans le sujet des films construit la représentation d’un territoire, situant ces films au croisement de l’architecture et du cinéma. Les documentaires réalisés dans le cadre de la série « habiter le territoire » participent ainsi d’un processus qui rappelle celui de la concertation en architecture, qui doit donner la parole à tous à armes égales en proposant différents dispositifs. Le film s’inscrit dans cette logique dans la mesure où il offre des espaces d’échanges au moment du tournage et lors du débat après la projection.
L’espace public est aussi questionné à travers le documentaire, dans le sujet abordé et dans sa forme. Ce genre cinématographique transforme un peu les représentations sociales (Moscovici, 1984) que le public avait de ces « espaces publics » (Paquot, 2009) que sont les cités. Il change aussi « l’espace public » que décrit Jürgen Habermas (1978), dans la mesure où cette forme médiatique qui s’éloigne des reportages télévisuels souvent caricaturaux sur les cités, offre une meilleure compréhension et connaissance (Niney, 2000 et 2002) de la vie dans les cités. C’est ce que souhaite faire cette série documentaire. Passant du territoire à la manière de le représenter par le documentaire (Cyrulnik, 2018), l’espace public est appréhendé de manière sensible : par les habitants qui en témoignent dans le film, comme par les spectateurs qui reformulent ce qu’ils ont perçu du film lors du débat. Ces deux moments d’échanges permettent de nous éloigner des clichés sur les cités pour en avoir une appréhension plus nuancée. Ils aident à « mieux vivre-ensemble ». La co-conception, associée à une forme de co-responsabilisation dûe au fait de prendre la parole en public, permet de mieux faire entendre ces propos au sujet de la vie au quotidien dans les cités. A cela s’associe une forme de reconnaissance pour les habitants qui correspond justement à ce qu’ils revendiquent avant tout, afin que l’on porte un regard moins caricatural sur eux. Est-ce un « parcours » (Ricoeur, 2005) ou une « lutte pour la reconnaissance » (Honneth, 2010) ? En tout cas, le genre documentaire s’inscrit dans un processus de collaboration qui favorise cela.
En conclusion, les interactions comme processus de création
Au croisement entre le social, l’urbanisme et le cinéma, ces différentes expériences par l’art (Dewey, 1915) ont offert des situations de concertations, d’échanges, d’écoutes, et de co-construction de films et d’espaces publics en même temps.
Ainsi de nouvelles formes de sociabilités sont inventées à l’occasion de ces situations cinématographiques puisque l’acte de création s’inscrit dans la relation qui se tisse entre les participants : une forme d’ « esthétique relationnelle » (Bouriaud, 2001) se développe. La question de l’esthétique se déplace dans la mesure où c’est ce qui se joue entre les différents protagonistes qui importe. Pierre Lemarquis parle de la force de « L’empathie esthétique » (2015). L’approche compréhensive est mise en œuvre en tant que méthode pour ces documentaires qui sont forcément collaboratifs dans la mesure où ils ne naissent que de ce qu’en font ou disent les habitants des cités (Ricoeur, 1986). Elle suggère dès les premiers contacts un type de relation qui va se développer tout au long de la vie du documentaire ; jusqu’à cette femme qui est venue offrir le couscous à sa voisine, alors qu’elles ne se parlaient plus depuis des mois, au lendemain de la première projection aux habitants d’ « Air Bel, une ville dans la ville » (2015, 59’), pour prolonger à leur manière le débat après la projection dans un registre plus intime, toutes les deux, ensemble. Ces interactions font partie intégrante du processus de création dans la mesure où c’est la participation, l’implication, l’engagement des protagonistes du film qui va les transformer tous un peu, nuançant ainsi par la même occasion les représentations sociales sur ces espaces publics si stigmatisés. L’enjeu est finalement plus rhétorique (Soulez, 2011) que seulement esthétique, puisque le contexte tout entier est intégré dans le sujet du film comme dans sa création quand la collaboration s’en mêle à ce point-là.
Filmographie
« Une prairie dans la cité » (2002, 44’), accompagné par Natacha Cyrulnik
« La revendication d’un regard » (2008, 39’), réalisé par Natacha Cyrulnik
« Ceux qui pensent le projet urbain, ceux qui le vivent » (2011, 80’), réalisé par Natacha Cyrulnik
« Air Bel, une ville dans la ville » (2015, 59’), réalisé par Natacha Cyrulnik
Bibliographie
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Cyrulnik N., « Qu’est-ce que l’éducation artistique au cinéma ? », Montpellier, Ed. Entretemps, Coll. Horizons de cinéma, 2016a.
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Notes
1 Principalement dans le cadre du dispositif « Passeurs d’images » engagé par le CNC, qui s’appelait auparavant « un été au ciné » et qui affichait la volonté de proposer à de « jeunes réalisateurs d’aller dans les quartiers chauds » pour offrir une sensibilisation au cinéma. Ces ateliers se sont donc organisés principalement comme un travail de rue, laissant ainsi la possibilité aux participants (entre dix et vingt en moyenne) de venir quand il en avait envie et de s’en aller aussi facilement… ce qui faisait qu’ils restaient et s’investissaient pleinement dans la création des films d’ateliers la plupart du temps ! Voir à ce sujet http://www.lacompagniedesembruns.com/index.php/sensibilisation-2/cineberthe
2 Plus d’informations sur http://www.lacompagniedesembruns.com/index.php/docu-realisations/habiter-le-territoire
3 Les films d’ateliers ont peu d’occasion d’être projetés publiquement, alors que les films documentaires à part entière peuvent être plus facilement projetés dans des salles de cinéma ou des festivals, souvent avec un débat à l’issue de la projection avec la réalisatrice…
4 Le passage du film d’atelier au film documentaire a tout de suite été accepté par les habitants parce qu’ainsi leur parole serait peut-être mieux entendue, les films d’ateliers étant difficilement diffusables…
5 Il n’est pas question d’opposer fiction et documentaire mais au contraire de signifier à quel point l’un se construit en rapport avec l’autre (Guynn, 2001). Ceci dit, au fils des ans, les participants à ces ateliers d’expériences artistiques au cinéma (Cyrulnik, 2016a) en sont venus à réaliser de véritables documentaires parce qu’ils souhaitaient se montrer plus.
6 Expression née des propos de Nicolas Sarkozy que les jeunes se sont finalement appropriés et ont détourné à leur manière et se faisant maintenant appeler les « Kaïras » (verlan de « racaille »).
7 Séquence visible notamment, puisque c’est une pratique relativement courante qui témoigne de l’importance des « médiacultures » (Maigret & Macé, 2005), dans « La revendication d’un regard » (2008, 39’) et dans « Ceux qui pensent le projet urbain, ceux qui le vivent » (2011, 80’).
8 Le filmeur, derrière la caméra, signifie directement par ses gestes et mimiques pendant la prise, que ce que raconte le filmé est intéressant, afin de l’inciter à développer son idée. Une relation se tisse ; elle valorise le filmé. C’est en tout cas ce qu’il se passe la plupart du temps pour les prises qui seront retenues au montage…