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L'interprétation

Joëlle Caullier

La condition d'interprète

Résumé

La fonction de l'interprète se veut ici analysée sous un angle anthropologique, c'est-à-dire indépendamment des œuvres jouées et à partir d'une interrogation sur le rôle du musicien pour la communauté qui le fête. On propose de réserver l'usage du terme interprète à une certaine conception de l'art en vigueur aux xixe et xxe siècles, caractéristique de l'individualisme humaniste occidental. L'interprète incarne alors des valeurs collectives et se trouve notamment chargé de régler la distance symbolique de l'être humain à la mort. Avec l'époque contemporaine, les exigences qui conditionnaient la reconnaissance collective de l'interprète se modifient sous l'influence de la société de communication et des technologies nouvelles. L'interprète actuel est donc une nouvelle catégorie de musicien, qui ne remplit plus la même fonction qu'auparavant (celle-ci sans doute désormais dévolue à d'autres acteurs de la société – les sportifs notamment) et qui appellerait l'usage d'une terminologie renouvelée, plus adaptée aux réalités contemporaines. Le moment est donc peut-être venu où l'on peut commencer d'envisager une histoire de l'interprétation.

Texte intégral

Les écrits musicologiques se sont, dans l'ensemble, peu intéressés à l'acteur pourtant adulé par nos sociétés modernes qu'est l'interprète. Dans le vaste champ de l'interprétation, c'est plutôt la pratique herméneutique qui a retenu l'attention et les penseurs de la musique semblent avoir délibérément cédé aux critiques le soin de parler des interprètes, comme si ces derniers relevaient davantage de la compétence journalistique et de l'éphémère que de l'un des fondements de l'art.

Pourtant, la fonction de l'interprète mérite d'être pensée aussi soigneusement que celle du créateur ou celle de l'auditeur, précisément parce que son statut intermédiaire la situe autant sur le versant poïétique que sur le versant esthésique de l'activité artistique. Mais qu'est-ce au juste qu'un interprète ? Tout artiste – musicien, danseur, comédien – permettant la manifestation d'une œuvre, relève-t-il de cette catégorie ? Quelque chose distingue-t-il fondamentalement son acte de celui du compositeur ou de l'improvisateur ? De quelle nature est sa relation avec la collectivité humaine ?

Esquisse d'une histoire de l'interprétation

Pour aborder ce questionnement, il faut souligner que le concept d'interprète-musicien est, à l'échelle de l'humanité, tout récent. La fonction d'interprète a une histoire, et une définition est impossible sans la prise en compte de l'historicité du concept. Les noms qui nous sont parvenus depuis les temps les plus reculés, par le biais de la mythologie ou de l'Histoire, sont essentiellement des noms de créateurs (Orphée, Arion…), capables d'assurer eux-mêmes le rendu sonore de leurs inventions. Les temps anciens ne distinguaient pas différentes fonctions au sein de l'activité musicale et, jusqu'au Moyen-Age, la poésie même y était associée. L'écriture musicale, bientôt renforcée par l'imprimerie, éloigna peu à peu le théoricien du simple musicus dans un mouvement qui ne fera que s'accentuer au fil des siècles. Si les débats et querelles théoriques abondent au siècle de l'Encyclopédie, Le Dictionnaire de musique de Rousseau ne comporte pas encore de rubrique interprétation, mais seulement un article exécution. Les instrumentistes et chanteurs semblent surtout avoir pour fonction de mettre ensemble les parties agencées par le compositeur, « en respectant leur rapport exact ». Pourtant, ajoute Rousseau, « c'est peu de lire la musique exactement sur la note, il faut entrer dans toutes les idées du compositeur, sentir et rendre le feu de l'expression, avoir surtout l'oreille juste et toujours attentive pour écouter et suivre l'ensemble (…) L'exécution dépend surtout de deux choses : premièrement, d'une habitude parfaite de la touche et du doigté de son instrument ; en second lieu, d'une grande habitude de lire la musique et de la phraser en la regardant (…)»2.

Aucune place notable ne semble être dévolue ni expressément reconnue à l'initiative de l'exécutant bien que la pratique vivante, marquée de la plus grande liberté, le démente ; c'est que l'improvisation, tout en étant pratique courante, demeure purement ornementale, qu'elle est considérée dans toute exécution comme une évidence et que, jusqu'à l'aube du xixe siècle, au moment où Rossini tente d'endiguer l'envahissante fantaisie imaginative des chanteurs par la notion nouvelle qu'est le respect du texte, elle n'est nullement considérée comme une atteinte à l'intégrité de l'œuvre.

Après la période romantique qui voit le développement tant de la facture que de la technique instrumentale, la conscience nouvelle de l'Histoire, sur fond d'idéologie bourgeoise, amène la valorisation du patrimoine et de son corollaire artistique, le répertoire. L'exécutant a quitté le service des princes et se fait le héraut des valeurs montantes. Par sa faculté à exploiter artistiquement les innovations techniques et à varier à l'infini l'éclairage porté sur une œuvre, il incarne désormais les capacités de transformation, d'évolution, d'innovation, mais aussi l'idée d'individualisme propre à la nouvelle Gesellschaft, en réaction contre l'ancienne et immobile Gemeinschaft, communauté intangible de l'Ancien Régime. Si, jusqu'au xixe siècle, l'instrumentiste n'était qu'un simple exécutant doté du savoir d'improviser, il conquiert peu à peu ses lettres de noblesse ; en effet, après l'engouement romantique, très saint-simonien, pour la virtuosité et l'ingéniosité individuelles des grands improvisateurs, la période wagnérienne et symboliste, en remplaçant la fantaisie improvisatrice par le respect du texte de génie, hisse l'exécutant au rang véritable d'interprète : l'instrumentiste virtuose, le chef d'orchestre, chantres de l'art supérieur par excellence qu'est la musique pour cette génération, deviennent désormais les intermédiaires indispensables à la révélation des vérités enfouies au sein de l'invisible. La toute récente presse musicale le montre : on se met à parler d'interprétation comme d'une manière d'entretenir la flamme sacrée d'un répertoire désormais joué et rejoué, au cours de la cérémonie quasi mystique du concert (c'est l'époque où le concert dominical s'institutionnalise). L'interprète devient le thuriféraire de ce nouveau rituel où les textes sacrés (Beethoven et Wagner pour l'essentiel) sont sans cesse revisités, contribuant à l'édification morale et spirituelle de la société nouvelle. Le xxe siècle poursuivra ce mouvement tout en élargissant le répertoire et renforçant toujours plus le critère d'originalité, rempart devant une éventuelle réification de l'œuvre. Chacun des grands artistes qui jalonnent cette histoire (les chefs d'orchestre wagnériens, Ysaye, Kreisler, Cortot, Backhaus, Horowitz, Richter, Oistrakh, Menuhin, Callas, Fischer-Diskau, Celibidache, Osawa…pour ne citer qu'eux) devient clairement identifiable par toutes sortes de signes particuliers : son jeu, sa sonorité, sa gestuelle, ses tempi, sa conception des textes… autant de signes qui soulignent l'unicité, particulièrement prisée en cette époque individualiste, d'une interprétation originale.

Néanmoins, c'est à partir de la seconde moitié du xxe siècle, que l'Histoire va infléchir le concept d'interprète vers de nouvelles directions, rendant progressivement indispensable la création d'une nouvelle terminologie, plus apte à rendre compte des transformations profondes de la réalité musicale et de ses enjeux contemporains. Cette nouvelle terminologie tardant à apparaître, l'usage abusif du vocable interprète provoque bien des confusions auxquelles il serait pourtant utile de remédier. De nouvelles pratiques se sont en effet imposées qui signalent sans aucun doute la mutation du concept et surtout une nouvelle signification de l'activité d'interprétation pour l'homme moderne.

Réclamant des interprètes des attitudes et compétences renouvelées, la réflexion des avant-gardes musicales donne, dans les années 1950-60, les premiers coups de boutoir à la conception « idéaliste » de l'interprète, héritée du xixe siècle : la forme ouverte exige désormais le recours à l'improvisation oubliée, dans des formes et des langages nouveaux ou encore dépourvus de références communes ; l'interprète tend à devenir co-auteur de l'œuvre ; la démarche aléatoire exige une spontanéité absolue, une recherche de l'inconnu, inhabituelles dans le domaine réfléchi de l'interprétation ; le théâtre musical débride la gestuelle et les conventions instrumentales ; le dialogue des arts oblige les musiciens à sortir de leur strict domaine de compétence pour réagir à d'autres modes d'expression, voire en faire eux-mêmes l'expérience ; l'avènement des musiques acousmatiques modifie l'approche instrumentale, confrontant les musiciens à des sonorités inouïes dont ils ne sont plus les seuls maîtres ; les techniciens du son quittent leur statut subalterne de simples auxiliaires  des compositeurs pour conquérir celui de véritables interprètes des œuvres ; le développement des techniques d'enregistrement modifie du tout au tout le rapport des musiciens à l'exécution du fait de la manipulation désormais systématique et atomisée des productions sonores… Glenn Gould exprime l'un des premiers, de manière saisissante mais réaliste, la révolution qui s'opère dès les années 50 : « je suis un homme de communication qui joue du piano à ses moments perdus »3. Par cette formulation sans aucun doute provocatrice, Glenn Gould, qui demeure l'un des grands artistes du siècle, signale l'avènement d'un rapport nouveau à l'interprétation et l'entrée de cet art dans le monde de la communication, lui-même corollaire d'une société de masse qui, peu à peu, se substitue à l'ère individualiste. Les valeurs qui fondaient la reconnaissance des grands interprètes deviennent progressivement obsolètes. Si la virtuosité technique est toujours d'actualité, c'est cependant dans le cadre d'une uniformisation des modèles techniques et loin de toute recherche d'unicité sonore ou expressive (on en donnera pour exemples la diffusion généralisée de la technique de chant américaine en substitution de l'ancienne diversité des techniques – et donc des sonorités – vocales, ou encore les effets nivelants de la multiplication des concours internationaux). L'envahissement de la sphère culturelle par l'idéologie gestionnaire et communicationnelle tend sans cesse davantage à tirer l'art vers l'efficacité du message sur des publics clairement identifiés, dans une confusion perverse de l'art et de la consommation culturelle ; l'idéologie postmoderne dominante tend à occulter l'au-delà des apparences virtuoses ; la suprématie des nouvelles technologies exige des artistes une perfection formelle certes impressionnante, mais qui tend à confiner l'originalité dans le brio séducteur.

Si l'analyse des mutations du monde contemporain est périlleuse mais indispensable à la construction d'un avenir collectif, l'analyse des métamorphoses de la création artistique sous toutes ses formes ne l'est pas moins, et pour les mêmes raisons. C'est dans cette perspective que l'on amorce ici une réflexion sur la fonction symbolique de l'interprète musicien au sein de la société moderne. Le survol historique qui précède n'avait pas pour objectif d'enregistrer la fin d'un monde, mais de dessiner un cadre à la réflexion afin de permettre la mise à jour des enjeux de l'activité d'interprétation ainsi que les transformations de sens qu'elle déploie pour la collectivité humaine. C'est donc sous l'angle d'une anthropologie philosophique permettant de saisir la fonction de l'interprète au sein de la société occidentale moderne, que l'on abordera la réflexion suivante et il sera dès lors aisé de comprendre pourquoi il a été choisi de traiter ici la question de l'interprétation indépendamment des œuvres jouées. Non que l'on ne reconnaisse à l'œuvre particulière un rôle capital dans l'acte esthétique et à l'interprète celui de rendre perceptible une composition idéalement conçue par un compositeur, mais bien plutôt que l'on considère ici la fonction de l'interprète dans la société des hommes comme une expérience avant tout existentielle. C'est exclusivement cet aspect, en ce qu'il contribue à l'épaisseur sémantique de l'interprétation musicale, que l'on tâchera de dégager dans les pages qui suivent. Ce qui se joue d'unique dans le moment de l'interprétation, lui conférant le caractère d'exceptionnalité que recherche intensément l'amateur d'art, excède pour une bonne part l'œuvre interprétée, mais, à travers elle, invite à participer à une expérience humaine d'une rare intensité. C'est tout au moins ce que nous essaierons de démontrer ici. Qu'on ne se méprenne pas : la réflexion proposée là ne se situe pas dans la sphère de l'abstraction ; malgré son occultation volontaire des œuvres, elle est au contraire infiniment concrète, enracinée dans l'expérience humaine la plus avérée, à la fois celle des interprètes (à travers leurs écrits ou entretiens : Cziffra, Menuhin, Glenn Gould, Oistrakh, Fischer-Diskau, par exemple…), et celle des auditeurs (écrits, entretiens, témoignages…).

À la recherche de critères

Au terme d'un rapide parcours historique qui nous a permis de proposer des bornes chronologiques à l'intérieur desquelles l'existence d'interprètes nous paraissait justifiée (soit, de l'époque wagnérienne aux dernières décennies du xxe siècle), il est indispensable d'affiner la définition du terme. Pour ce faire, peut-être pouvons-nous tenter de préciser ce qu'est, et ce que n'est pas, un interprète.

Comme nous l'avons vu, l'interprète se présente comme un intermédiaire entre un créateur et une collectivité humaine4. Il se situe entre le compositeur, dont le rapproche la faculté de créer, non pas une œuvre, mais un moment unique et essentiel, et un auditeur, auquel le lie la faculté spécifiquement humaine de conférer un sens particulier, intime à un objet extérieur à lui-même – l'œuvre – à la fois trouvé et créé. Sa fonction médiatrice illustre l'opération psychique, essentielle à toute vie humaine, d'investissement affectif d'un objet transitionnel. Comme l'enfant que décrit Winnicott dans Jeu et Réalité5, comme le décrit également Groddeck6 par le principe d'opération, l'interprète va s'approprier un objet qui lui est a priori étranger pour le charger de sa faculté d'invention et de transmutation de la réalité partagée. C'est par ce processus de fusion entre réalité intérieure et réalité commune, d'entrelacs du dedans et du dehors, que la vie va pouvoir se déployer. L'interprète se situe ainsi au point nodal de la musique, là où celle-ci, jusque là virtuelle et cryptée, prend sens pour autrui à travers l'effectuation même, donnée à entendre, du processus transitionnel dans l'acte d'interprétation. Le musicien-interprète exerce donc une fonction symbolique essentielle et unique, qu'il ne partage ni avec le compositeur ni avec l'improvisateur.

Par ailleurs, les spécificités de la musique, comme celles de la danse, font qu'elle n'est pas directement accessible : il y faut des connaissances techniques et les maîtriser supérieurement. Est-ce à dire que ces conditions, souvent invoquées pour justifier la médiation de l'interprète, soient suffisantes ? Sans doute non, et en aucun cas la qualité d'interprète ne peut être confondue avec la simple capacité à exécuter, fût-ce parfaitement. Il est en art un reste, indéfinissable, indicible, qui excède le bagage technique, indispensable mais insuffisant, et c'est ce reste mystérieux que nous allons tenter d'approcher dans l'activité de l'interprète. Celui-ci satisfait à des exigences supérieures dont il nous appartient de préciser la nature, exigences qui distinguent fondamentalement l'art du divertissement.

La première de ces conditions est, pour emprunter un concept cher à Michael Fried7, l'expérience de l'absorbement. Le critique d'art américain emploie ce terme pour distinguer la peinture de Vermeer, Chardin, Courbet… des esthétiques de la représentation, qui lui sont contemporaines. Si, dans la peinture historique, le tableau se donne à voir à un spectateur désigné et tenu à distance – comme intimidé – par l'autorité du modèle imposé, la peinture intimiste s'ingénie à gommer toute distance entre le tableau, le sujet du tableau et le spectateur. Celui-ci, amené à regarder une scène qui n'était pas destinée à être vue, cherche à oublier l'indélicatesse de son regard. Pénétrant discrètement dans le tableau (le peintre lui a réservé une place), il participe, comme par sympathie, à la vie en train de s'éprouver, faisant ainsi l'expérience pleine de l'être. Ainsi l'absorbement du personnage du tableau en un instant de vie amène le spectateur à modifier sa propre posture : d'observateur détaché, il devient contemplatif et participe à une expérience spirituelle intense.

C'est sans doute ce qui se passe avec l'interprète, musicien ou danseur. Celui-ci doit se libérer de la conscience d'être regardé afin d'amener l'auditeur-spectateur à partager son expérience spirituelle. Son absorbement est bien une concentration extrême qui permet de faire abstraction du monde, mais elle n'est pas d'ordre purement intellectuel : elle inclut une conscience extrême du corps, dans son endroit (l'activité musculaire) comme dans son envers (le corps intérieur, animé des mouvements invisibles de la vie profonde, biologique autant qu'affective), rejoignant alors l'expérience spirituelle d'unité du mental et du physique décrite par les grands mystiques comme Jean de la Croix, Thérèse d'Avila ou les sages bouddhistes. Ce moment d'absorbement de l'artiste conduit l'auditeur à partager l'instant bouleversant et rare de l'unité parfaite entre intérieur et extérieur, « moi-peau » et « Soi »8, surface du corps et corps profond, esprit et matière… Ce n'est plus de la jonction de l'Etre avec le monde qu'il s'agit, mais de la jonction de l'Etre avec l'infini, de l'expérience de l'éternité. L'absorbement de l'interprète (certes partagé avec l'improvisateur) amène ainsi l'auditeur à faire l'expérience du hors-temps de la contemplation. On comprend dès lors aisément l'abîme insondable qui sépare l'activité de l'interprète, au sens plein du terme, des formes d'activité musicales ou chorégraphiques destinées au monde de la communication. L'artiste-interprète ne s'adresse pas ; chez lui, aucun désir de transmettre un message, mais une invitation à participer à une expérience d'essence spirituelle.

La deuxième condition est la conscience du caractère aporétique de l'activité interprétative. L'artiste mesure constamment la distance irréductible qui sépare la représentation mentale de la réalisation concrète. Il imagine l'interprétation idéale de l'œuvre dont il fait jaillir un sens (« la teneur en vérité », dirait Adorno), mais ce sens est lui-même souvent si complexe, tragique dans l'expression de ses tensions irréductibles, qu'il se heurte fréquemment à l'impossibilité, ou tout au moins à l'incertitude, d'une réalisation. C'est d'ailleurs sans doute la volonté de vaincre cette aporie cruelle qui conduit Glenn Gould à refuser le jeu en direct et à enregistrer les œuvres, bribe par bribe, voix par voix, et à transformer électroniquement les paramètres qui, dans la réalité vivante, risqueraient de ne pas correspondre à sa représentation idéale. Il partage alors le sort du compositeur qui, expérimentant lui aussi la terrifiante tension entre forme idéelle et forme sensible, abandonne à l'interprète le soin d'assumer le face à face avec la contingence pour se consacrer à l'idéal.

Un exemple d'aporie pourrait aussi se découvrir dans la bouleversante analyse du Concerto à la mémoire d'un ange de Berg par Adorno9. L'auteur y décèle, dès les premières mesures de l'Allegretto, une tension irréductible entre l'être du thème (ses caractéristiques affirmées) et le non-être de ce même thème (l'absence de centre par évitement du fa dièse sur le temps fort). Comment l'interprète pourrait-il trouver le moyen de faire percevoir concrètement, par son jeu, la simultanéité de l'être et du non-être, s'interroge Adorno ? Et de répondre que seule une conscience aiguë du sens tragique de l'œuvre – une pulsion mortifère alliée à une terreur du néant – lui permettra de trouver la disposition intérieure capable d'exprimer musicalement l'aporie.

L'exemple d'Adorno n'est pas unique et nombreuses sont les grandes œuvres qui plongent leur interprète dans un tel dilemme (ce destin aporétique de l'interprète est d'ailleurs l'un des thèmes de prédilection de Brian Ferneyhough qui en nourrit à maintes reprises sa recherche compositionnelle). L’abîme entre la perfection de l'imagination artistique et l'instabilité de la réalisation sonore condamne l'interprète à la crucifixion, traversé qu'il est par deux traits aussi absolus l'un que l'autre : la verticalité de l'idéal et l'horizontalité de la condition humaine ou, pour évoquer la parabole de Michel Tournier dans Eleazar ou La Source et le Buisson10, la verticalité brûlante du Buisson ardent où se consument toute matière ainsi que l'Homme en son désir d'absolu, et l'horizontalité de la Source qui saura féconder la terre des hommes et les conduire physiquement vers la Terre promise.

La vocation tragique de l'interprète se lit également dans la nécessaire mais douloureuse alliance entre rationalité musicale (tout interprète pratique l'analyse minutieuse des œuvres pour clarifier ses intentions musicales) et intuition. Malgré le nécessaire contrôle rationnel (techniquement et musicalement) de l'interprétation, un pan considérable lui échappe car il est le déploiement même de la vie, en ce qu'elle est par nature expérience. Celle-ci conditionne le jeu des muscles sur l'instrument, l'activité sensorielle, la gestualité et par conséquent le rapport au sonore (attaques, intensités, qualité du son, modes de respiration, tempi…), autant de caractères forgés par le vécu, qui échappent à la maîtrise rationnelle de l'humain. Là encore, l'aporie est féconde et, lorsqu'elle est pleinement assumée, forge d'immenses artistes, capables d'abolir leur moi psychologique en une réalité supérieure, d'ordre spirituel.

Ainsi, par la conjonction du processus transitionnel fondateur, de l'absorbement dans l'éternité de l'instant, de l'aporie de la condition humaine, l'artiste-interprète aborde les régions les plus profondes de la méditation existentielle. La complexité de sa fonction justifie qu'on ne puisse banaliser l'usage de son titre, ni confondre son activité avec celle des brillants techniciens, des virtuoses ou des vedettes médiatiques issues du monde de la communication.

Il est vrai que c'est toute une vision du monde qui se dessine en filigrane à travers l'histoire et l'analyse de la fonction d'interprète. Sans doute celui-ci est-il indissolublement lié à l'ère de l'individualisme humaniste européen, en un moment de la civilisation occidentale qui affirme la confiance dans l'individu, dans sa quête du sens et d'une relation satisfaisante à autrui. Elle implique évidemment la critique de la société du divertissement, de la société de masse, de la société du spectacle et du mercantilisme généralisé. En ce sens, l'interprète est, aux côtés du compositeur et de l'improvisateur, mais complémentairement à eux, un acteur de la résistance et participe à la formation en tout homme de l'humain. C'est peut-être d'ailleurs la méfiance proclamée de notre temps envers l'humanisme qui explique le retrait progressif de la fonction d'interprète à propos de laquelle nous allons maintenant dessiner quelques hypothèses.

La fonction symbolique de l'interprète

Dans son remarquable ouvrage Condition de l'homme moderne11, Hannah Arendt s'interroge sur les spécificités de la condition humaine. S'appuyant sur les deux aspects relevés par les Anciens de vita contemplativa et de vita activa ainsi que, au sein de cette dernière, sur les catégories du travail, de l'action et de l'œuvre, elle étudie les variations du système hiérarchique dans lequel les hommes les ordonnèrent au cours de l'histoire de l'Occident. Pourquoi recourir à une telle anthropologie philosophique pour éclairer la fonction du musicien interprète ? C'est que celle-ci semble plonger sa nécessité au cœur de l'expérience humaine considérée en ces fondements, offrant ainsi aux auditeurs l'image concentrée de la condition d'homme.

Les trois catégories de la vita activa règlent avant toute chose le rapport de l'homme à la mort – de la confrontation directe à son dépassement, l'immortalité – alors que la vita contemplativa permet d'outrepasser les limites terrestres et de faire l'expérience de l'éternité.

En effet, le travail – foncièrement lié aux nécessités de la subsistance – constitue le premier et étroit rempart contre la mort. En même temps qu'il assure la vie du corps, il marque ce dernier de ses effets pervers, justifiant chez les Anciens, la création du statut d'esclave. La perte du travail laisse d'ailleurs l'homme, et ce, jusqu'à l'époque contemporaine, à découvert devant l'angoisse de mort. Tout en dégageant les caractères constants du travail, Hannah Arendt s'attache à montrer les fluctuations de sa place dans la hiérarchie des valeurs. Ainsi, de l'Antiquité aux débuts de l'ère moderne, il sera plutôt considéré ignominieusement, forçant l'homme à reconnaître son asservissement aux nécessités biologiques, alors qu'avec la Révolution industrielle, le travail sera propulsé au faîte de la hiérarchie, parce qu'il confère à l'individu les moyens de sa libération (Marx) ainsi qu'aux sociétés les moyens de leur évolution (idéologie libérale).

L'œuvre constitue le premier dépassement du travail. Si ce dernier est conditionné par les limites de l'existence humaine, l'œuvre, elle, permet à l'homme de se prolonger, par des objets concrets, au-delà de sa propre disparition physique. Ses œuvres lui survivront, lui faisant symboliquement toucher du doigt l'immortalité. C'est précisément sous l'influence des idéologies du progrès, à l'époque où le monde occidental entre dans une phase de transformations continuelles, que l'œuvre – l'œuvre d'art notamment – assurera, avec une force d'affirmation particulière, la filiation avec les générations précédentes, protégeant des contingences historiques le fil ténu qui relie les nouveaux aventuriers du temps (la bourgeoisie libérale) à l'immortalité de l'espèce.

Enfin, l'action, pour Hannah Arendt, met les hommes en relation sans l'intermédiaire des objets et offre aux individus la possibilité de se distinguer les uns des autres. L'action met en lumière un héros qui, devenant modèle pour la communauté et pénétrant ainsi dans la mémoire collective, conquiert lui aussi l'immortalité, c'est-à-dire la faculté de transcender la mort et de se survivre à lui-même.

Or, s'il est vrai que les artistes règlent tous, eux aussi, et chacun à sa façon, la distance symbolique des hommes à la mort (le peintre tente de capter et de retenir un instant évanescent, le musicien se bat contre le temps des horloges, l'écrivain oppose la lenteur et le silence de la lecture ou de la profération à la fugacité des images ou des actions…), le musicien interprète a une manière propre de le faire qui, en un moment précis de l'histoire européenne, a répondu à une nécessité collective, différente de celle à laquelle pouvaient répondre le compositeur et l'improvisateur. Ce moment précis est celui qui, après la mise en doute de l'Ancien Régime, vit la transformation radicale des mentalités et le retrait de Dieu. L'homme se retrouva seul en lice, orphelin de ses anciennes certitudes et livré à l'accélération inexorable du temps jusque là contenu par l'immuabilité des structures mentales et sociales.

Dans ce contexte inédit, l'interprète va incarner l'homme nouveau, à la fois grisé d'une liberté inconnue et contraint de vivre hic et nunc, sans aucun secours divin. Au service de l'art du temps, il va incarner l'équilibre à trouver entre les différentes facettes de la vita activa d'une part, et d'autre part entre une vita activa destinée à combattre la finitude humaine et une vita contemplativa vouée à sauver l'homme des griffes de la temporalité. Et cet équilibre périlleux – joué à chaque concert – entre une condition humaine assumée fièrement et une aspiration à l'éternité, constituera la mission ritualisée de l'interprète pendant deux siècles.

En ce qui concerne la vita activa, l'interprète donne en premier lieu l'image non plus servile mais glorieuse du travail. Dispensateur de la technique, ce dernier ne confesse plus les limitations humaines mais constitue le moyen de les surmonter, de les contourner, voire d'en faire fi. La difficulté des œuvres devient tellement manifeste que le travail est désormais la condition sine qua non à l'exercice de la musique et confère de la valeur à une exécution. Il est à cet égard intéressant de noter que c'est peu de temps avant que les instrumentistes soient reconnus comme interprètes, au début du xixe siècle, que le travail prend forme musicale sous le nom d'exercices et d'études. Tout d'abord, c'est le labeur ingrat de l'exécutant-esclave, avec les purs exercices digitaux  proposés par Clementi ou Czerny, puis, les Etudes se chargent, avec Chopin, de beauté tout comme le travail de noblesse ; avec Liszt et Paganini, elles se dotent d'omnipotence et d'optimisme dans les capacités apparemment illimitées de l'individu, puis, avec Debussy, d'originalité et de subversion par rapport aux conventions de jeu, de forme et de sonorité instrumentales, et enfin, avec Ohana et Kurtag, elles révèlent le génie exploratoire, jusqu'à frôler – à notre époque en crise ouverte avec l'idée de travail – la quasi désaffection des études et exercices. C'est ainsi que le travail instrumental, isolé de la pratique des œuvres, se montre capable de véhiculer, par la voix de l'interprète, l'idéologie de chaque société.

En ce qui concerne l'œuvre, la déférence envers les inventions du passé permet à l'interprète d'endiguer la fuite du temps. Par l'interprétation originale d'une œuvre, par sa propre capacité à innover, le musicien assume la temporalité humaine au sein de la pérennité de l'espèce et par là même, fait œuvre. C'est en quelque sorte, une manière pour l'individu de construire l'immortalité en renforçant le fil qui le relie aux générations précédentes et qui le prolonge dans le futur, tout en actualisant un présent unique en son genre. Mais n'est-ce pas là le propre du rituel ?

Quant à l'action, l'interprète la symbolise également puissamment. Se produisant la plupart du temps seul devant un auditoire, il est érigé en modèle héroïque qui, par son courage et ses qualités exceptionnelles, construit l'image idéale de la collectivité et inscrit l'individuel au sein de l'universel. Ainsi, par l'œuvre, l'interprète assume la temporalité au sein de l'immortalité de l'espèce, et par l'action, il valorise l'individu au sein de l'universel. En ces époques historiques instables qui commencent à la fin du xviiie siècle, il affirme par la pérennisation des œuvres individuelles, la capacité de l'homme à la durée.

Dans une histoire de l'interprétation, il serait extrêmement instructif d'étudier pour quelles qualités spécifiques telle époque, telle société fêtent tel ou tel interprète. Ainsi est-il intéressant de remarquer qu'aux environs de 1900, à l'époque où Maurice Barrès exalte les vertus du moi, les interprètes les plus adulés sont sans conteste les chefs d'orchestre wagnériens, chantés pour leur caractère héroïque et leur allure martiale, qui les placent indubitablement, dans l'imaginaire collectif, dans la catégorie de l'action. En revanche c'est le travail et l'ingéniosité technique qui assurent aux virtuoses romantiques une suprématie indiscutable, tandis que vers le milieu du xxe siècle, c'est le service de l'œuvre, la valorisation du répertoire, qui semblent caractériser lesinterprètes.

Si ces trois catégories fondatrices que sont le travail, l'œuvre et l'action, se disputent la prééminence dans la fonction symbolique de l'interprète, il ne faudrait pas omettre pour autant l'importance capitale de l'autre versant de la condition humaine, la vita contemplativa. Car – nous l'avons vu dans le paragraphe consacré à l'absorbement – la faculté de contempler distingue l'interprète authentique de l'exécutant. Or, c'est dans la contemplation que l'homme fait l'expérience de l'éternité. C'est peut-être d'ailleurs cette expérience qui contribue à distinguer la fonction d'interprète de celle de compositeur. Non, évidemment, que ce dernier ignore la contemplation, mais celle-ci demeure pour lui de l'ordre du secret. Personne ne partage directement avec lui cette expérience. Aux yeux des autres hommes, sa tâche fondamentale est d'accomplir l'œuvre, une oeuvre qui se transmettra par-delà la disparition de son créateur, rassurant les hommes sur la capacité de l'humanité à atteindre l'immortalité. Par son caractère virtuel, l'œuvre n'affronte pas la contingence humaine et peut, de ce fait, accéder à l'immortalité. L'improvisateur, lui, est voué à l'éphémère pur. Seul, l'interprète affronte conjointement la contingence, ce volet que le compositeur lui a délégué, et l'œuvre. Comme si l'œuvre, idéale dans l'esprit du compositeur, ne se frottait à la réalité humaine qu'à travers le sort de l'interprète. En lui, rien de permanent, rien de certain, qu'une soumission absolue à l'intransigeante temporalité : la durée de l'exécution, l'état de son corps, de son psychisme, les conditions hasardeuses du concert, l'imprévisibilité de la réception, sa propre évolution dans la compréhension de l'œuvre… tout, dans l'exemple que donne l'interprète, est soumis à la fuite du temps et c'est ainsi qu'il incarne symboliquement la destinée humaine. Mais paradoxalement, c'est précisément parce qu'il affronte de plein fouet la contingence, tout en s'en détachant par l'absorbement, qu'il pénètre l'épaisseur de l'instant, offrant ainsi en partage à son auditoire l'expérience de l'éternité.

Ainsi, l'interprète incarne-t-il publiquement le combat de l'homme contre la mort, s'y affrontant par le travail, ouvrant par l'œuvre et l'action l'accès à l'immortalité, et par la contemplation, l'accès à l'éternité. L'enjeu considérable de ce combat sans merci offre peut-être une clé pour comprendre le mystérieux phénomène qu'est le trac, ce sentiment de panique et de vide absolu qui laisse tout artiste exsangue et pantelant au sortir de scène, comme un chaman peut l'être au sortir d'une transe. L'enjeu de l'interprétation est de taille : c'est le face à face assumé, la symbolisation du risque absolu. C'est probablement la nature métaphysique de cet enjeu qui rend souvent si difficile la compréhension des artistes par les gestionnaires de la culture, obnubilés par des impératifs de consommation et de communication. Il est indispensable que ceux-ci prennent la mesure de ce qui se joue métaphoriquement pendant l'instant du concert ou du spectacle, chez l'interprète, mais aussi, grâce à lui, chez l'auditeur : l'expérience rare et fugace de la fragile et précieuse unité de l'être, la miraculeuse conjonction de l'en-deça et de l'au-delà de la mort, la transcendance de l'instant par la contemplation.

Or, c'est cette expérience unique qui est peu à peu mise à l'écart par notre société matérialiste, une expérience que tout être humain a pourtant besoin d'accomplir car elle puise sa nécessité au cœur de l'angoisse existentielle. L'exemple de Glenn Gould, évitant par tous les moyens – et on peut comprendre pourquoi ! – le terrible face à face avec l'instant métaphorique de tous les dangers qu'est le concert, les pratiques multipliées de play back et d'enregistrement transformés, montrent que bien des interprètes tendent toujours davantage, sous la pression du monde contemporain, à éluder la fonction sacrificielle qui donnait jusque là sens à leur statut. Peut-être d'ailleurs la délèguent-ils peu à peu aux athlètes vers lesquels se déplacent toujours davantage l'intérêt collectif, des athlètes que l'on veut avant tout voir se mesurer, sans adjuvant artificiel, aux limites humaines, celles-là même que l'on ne franchit pas impunément. De la même façon, on demande aux artistes d'assurer, dans leurs exécutions, la perfection du résultat (le « produit », cher aux manager de la culture), considéré comme un objet marchand plus que comme une démarche spirituelle, de démontrer une technicité à toute épreuve (et il est vrai que les performances sont toujours plus nombreuses et plus impressionnantes), de se confronter aux nouvelles technologies et de rivaliser avec elles (bien des recherches compositionnelles actuelles malmènent à cet égard les interprètes qui sont sommés de relever le défi d'un genre nouveau qu'est le duel homme/machine), de s'adresser à des foules toujours plus nombreuses, ce qui exige d'eux des qualités de résistance physique et mentale souvent étrangères, voire hostiles, au contenu esthétique…Nul doute qu'une nouvelle catégorie d'artistes n'émerge de ce nouvel état de la culture, mais le besoin auquel ils répondent n'est plus celui qui a été décrit plus haut. Peut-être le phénomène de l'interprétation a-t-il accompagné le deuil de la divinité amorcé au xixe siècle, et signalé la construction d'un nouveau sujet qui tentait de sauver malgré tout la métaphysique. Or à partir des années soixante, la condition de l'interprète a subi de plein fouet la « crise du sujet », le triomphe du matérialisme et l'entrée dans la culture de masse : la gravité de l'enjeu de l'interprétation ne pouvait convenir à une société du divertissement. En effet, pour qu'il y ait des interprètes, il faut que la collectivité attache du prix au sujet, musicien et auditeur, qui, aujourd'hui, a bien de la peine à résister aux illusions d'omnipotence de notre monde aussi bien qu'à ses désespoirs. Dans ce contexte difficile, l'interprète a plus que jamais un rôle à jouer, pour préserver l'humain, tout à la fois dans l'aveu de sa finitude et dans sa faculté irremplaçable à transcender le temps.

Bibliographie

Rousseau Jean-Jacques, Dictionnaire de Musique, article « Exécution », tome XIV, Paris, Didot l'Aîné, 1821, p.302-303.

Gould Glenn, Ecrits I, Le Dernier Puritain, Paris, Fayard, 1993, textes réunis, présentés et traduits de l'anglais par Bruno Monsaingeon.

Winnicott Donald W., Jeu et Réalité, L'espace potentiel, Paris, Gallimard, 1975.

Groddeck Georg, L'Etre humain comme symbole. Sentiments sans prétentions sur la langue et l'art, Paris, Gérard Lebovici, 1991, 1ère édition, Limes Verlag, 1973.

Adorno Th. W., « Alban Berg : le concerto pour violon », Musique et philosophie, Anne Boissière éd., Paris, CNDP, 1997, p.171-191, traduit par Elisabeth Kessler, Mireille Boissière, Anne Boissière.

Tournier Michel, Eléazar ou La Source et le Buisson, Paris, Gallimard (collection Folio), 1996.

Arendt Hannah, Condition de l'homme moderne, Paris, Calmann-Lévy (collection Agora), 1961 et 1983.

Notes

2  Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de Musique, article « Exécution », tome XIV, Paris, Didot l'Aîné, 1821, p. 302-303.

3  Glenn Gould, Ecrits I, Le Dernier Puritain, Paris, Fayard, 1993, p.11, réunis, présentés et traduits de l'anglais par Bruno Monsaingeon.

4  On préfère ne pas utiliser le terme de « public » trop marqué par l'industrie culturelle et inadapté à l'expérience humaine qui fait l'objet de cet article.

5  Donald W.Winnicott, Jeu et Réalité, L'espace potentiel, Paris, Gallimard, 1975.

6  Georg Groddeck, L'Etre humain comme symbole. Sentiments sans prétentions sur la langue et l'art, Paris, Gérard Lebovici, 1991, 1ère édition, Limes Verlag, 1973 : « L'humain ne travaille pas avec un principe de réalité, mais avec un principe d'opération ».

7  Michael Fried, La Place du spectateur, Esthétique et origines de la peinture moderne,Paris, Gallimard,1990.

8  Concepts empruntés respectivement aux psychanalystes Didier Anzieu et D.W.Winnicott.

9  Th.W. Adorno, « Alban Berg : le concerto pour violon », Musique et philosophie, Anne Boissière éd., Paris, CNDP, 1997, p.171-191, traduit par Elisabeth Kessler, Mireille Boissière, Anne Boissière.

10  Michel Tournier, Eléazar ou La Source et le Buisson, Paris, Gallimard (collection Folio), 1996.

11  Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, Paris, Calmann-Lévy (collection Agora), 1961 et 1983.

Pour citer ce document

Joëlle Caullier, «La condition d'interprète», déméter [En ligne], L'interprétation, Textes, Articles, Thématiques, mis à jour le : 20/12/2012, URL : http://demeter.revue.univ-lille3.fr/lodel9/index.php?id=205.

Quelques mots à propos de :  Joëlle Caullier

Professeur à l’Université de Lille-3, Directrice du Centre d’Etude des Arts Contemporains.