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Le corps dans l'expérience artistique

Sophie Proust

Le corps du metteur en scène

Résumé

Le corps de l’acteur, donné à voir lors de la représentation, retient l’attention de tous, ce qui n’est pas le cas de celui du metteur en scène, absent lors du spectacle s’il n’est pas acteur. Évoquer le corps du metteur en scène invite donc à parler de cet artiste au cours des répétitions où son corps, véhicule d’un langage gestuel, oral et infraverbal, participe de la direction d'acteurs. Ainsi les trois points développés ici feront tout d’abord part de l’emplacement physique du metteur en scène dans l’espace des répétitions en questionnant donc la mobilité corporelle du metteur en scène dans son rapport aux acteurs et à l’œuvre théâtrale en création, puis de son regard et de son écoute comme participation corporelle active face aux acteurs, et enfin de la monstration – le fait de montrer – notamment comme production artistique tangible du metteur en scène dans le processus de création.

Par la réflexion qu’il développe sur le faire théâtral, cet article contribue au développement d’un nouveau domaine de recherche : celui de la génétique du théâtre.

Texte intégral

En guise de préambule, il est important de préciser que cette réflexion sur le corps du metteur en scène découle d’une observation que j’ai pu mener comme assistante à la mise en scène sur plusieurs créations de metteurs en scène comme Denis Marleau, Matthias Langhoff et Yves Beaunesne, et comme stagiaire à la mise en scène observatrice sur un spectacle de Robert Wilson.

Les corps des acteurs au travail, sur le plateau, tendent à être productifs dans la construction du spectacle, où ils sont donnés à voir comme à entendre. Celui du metteur en scène est inexistant lors de la représentation, sauf quand il participe au spectacle comme c’était le cas de Tadeusz Kantor. Il s’agit ici, non d’opposer le corps du metteur en scène à celui de l’interprète, mais d’interroger le langage physique du metteur en scène dans sa manière de diriger les comédiens, d'examiner s’il est toujours un corps en mouvement et en adéquation avec la marche générale de la répétition, à savoir s’il adopte une circulation constante entre l’espace du plateau et l’espace du regard. Parler du corps du metteur en scène en répétition consiste donc à parler de la direction d'acteurs et invite également à évoquer les moyens qui commandent l’artistique et qui ne sont pas artistiques pour autant. En effet, le corps du metteur en scène ne produit de l’artistique que lorsqu’il est dans un rapport de monstration. Le relais à l’artistique se fait en revanche de manière explicite par le corps comme véhicule du langage (gestuel, oral, infraverbal).

L’influence de telle ou telle attitude de la part du metteur en scène a des conséquences sur les acteurs et leur jeu. Qu’il soit sédentaire, debout, ou mobile, existe-t-il une position physique qui privilégierait la pensée et la parole du directeur d'acteurs ? Quand l’éclairage de la salle est faible, effectue-t-il tout de même des gestes que l’acteur ne voit pas ? Son attention est mobilisée en permanence et cela, quelle que soit sa place. Lorsque Fabienne Verstraeten demande à la metteur en scène Martine Wijckaert quelle est sa place pendant les répétitions, cette dernière répond :

« Je suis assise dans la salle avec mes notes et je regarde. Ce n’est pas calme, je bouge beaucoup. Quand je donne le compte rendu d’une impro, je reste d’abord dans la salle, puis il y a toujours un moment où je me retrouve sur le plateau. Pas vraiment pour montrer, mais pour expliquer, retrouver un rythme… »

« Quand un acteur a travaillé, je vais vite le rejoindre sur le plateau. Il m’est arrivé, avec des étudiants ou de jeunes acteurs, de voir, à la fin d’une séquence de travail, tous ces yeux, ces visages affolés, qui fouillent l’aveuglement de la lumière et se demandent quelle tête fait le metteur en scène. Il faut rompre cet anonymat, ce rapport d’autorité. Il faut que je plonge avec eux. Si un acteur a travaillé pendant une demi-heure en impro, il faut vite le rejoindre, le toucher et lui dire : "Je suis là, je suis à côté de toi, j’ai été là tout le temps". Je n’aime pas ces voix de metteurs en scène qui crient de loin dans la salle. Parfois je n’arrive plus à quitter la scène. Je suis un peu une mère protectionniste et castratrice. »2

Quand le corps du metteur en scène est en mouvement, une pensée précise et déterminée n’est pas forcément en jeu. Bien que seule l’activité du regard puisse l’enfermer dans une activité sédentaire, le directeur d'acteurs est souvent mobile, comme si cela favorisait sa réflexion : « C’est souvent en marchant que je trouve quelque chose », dit par exemple Jean-François Peyret3. Qu’il malaxe sa brochure, fume ou boive, le corps réagit, vit, reçoit ce qui se passe : « Durant les répétitions j’ai la manie de tire-bouchonner mes cheveux pour mieux me concentrer […] », confie Luc Bondy à Georges Banu4.

Lorsqu’il est immobile, le point de recul du metteur en scène vis-à-vis de l’observation du travail n’est pas obligatoirement identique. Selon les configurations des salles de répétition (qui permettent ou non un dispositif scène/salle), il dispose habituellement de tables qu’il partage avec son ou ses assistants, auxquelles il vient ou non se ressourcer. Suivant le rapport qu’il établit avec l’écrit et la proximité du plateau, il décide ou non de les abandonner. Un metteur en scène qui écrit, prend des notes en répétition, ou a fréquemment la brochure du texte en main, a recours à la table, ne serait-ce que comme support ; un autre beaucoup moins.

L’existence du corps du metteur en scène comme un corps en mouvement ayant été présentée, il va maintenant s’agir de s’intéresser, en premier lieu, à la place de ce corps dans le travail des répétitions dans une partie intitulée « Diriger "on", diriger "off" », en second lieu, à son regard et à son écoute comme manifestation de son corps, et en dernier lieu, à la monstration.

1) Diriger « on », diriger « off »

L’emplacement physique du metteur en scène et l’attitude que celui-ci adopte pour soutenir ses divers modes d’énonciation sont essentiels et déterminants dans son travail avec les acteurs. Il s’octroie généralement une place au milieu de la salle. Qu’il soit assis ou debout, cette position panoptique lui assure la meilleure visibilité d’ensemble. Elle correspond à l’œil du prince5. Mais le directeur d'acteurs se déplace et il faut en tenir compte. Quand il change de siège, l’autorité de l’œil bouge aussi ; pourtant, en variant ses points d’énonciation, sa parole reste omniprésente, quel que soit son emplacement géographique au sein de la salle de répétition. Cette représentation spatiale du directeur d'acteurs permet de valoriser plus justement ses modes d’énonciation et d’estimer avec plus d’acuité son rapport à l’oralité, c'est-à-dire d’évaluer s’il accentue finalement plus son rapport à l’énonciation ou privilégie son énoncé. Ainsi le corps du metteur en scène, statique ou non, est-il toujours à prendre en considération pour savoir dans quel rapport le metteur en scène s’inscrit avec les acteurs et l’objet en création à chaque moment de la répétition. Outre les conditions matérielles que cela suppose (salle éclairée ou non, forte présence technique ou pas), diriger des comédiens implique à un moment ou à un autre de se séparer d’eux, de couper le cordon en quelque sorte pour bénéficier d’une meilleure vue d’ensemble. Celle-ci ne s’acquiert qu’à une certaine distance, hors de la scène : « off stage ». Lorsque le directeur d'acteurs a au contraire besoin d’être physiquement plus proche des comédiens, il vient sur le plateau : « on stage ».

Qu’il soit « on » ou « off »6, quel type de communication le metteur en scène entretient-il avec les acteurs ? Est-il toujours face à eux et visible quand il leur parle, et cela est-il nécessaire ? Dans l’espace de répétition salle/plateau, le metteur en scène peut être visible ou invisible pour les acteurs selon l’éclairage qu’il y aura ou qu’il décidera. Il peut être assis, fixé sur son siège à crier ses remarques ou au contraire se cantonner dans un silence non moins éloquent. Il peut aussi ne pas rester en place et se mouvoir de manière plus ou moins bruyante. Les options ne se limitent cependant pas à ces simples alternatives. Le témoignage de Claude Régy offre encore une autre possibilité qui lui est propre :

« Moi, je travaille debout, je ne peux plus travailler assis parce que, je ne sais pas, je me sens beaucoup mieux communiquer avec ce qui se passe devant moi quand je suis debout. J’envoie plus d’énergie aussi, donc je reste debout tout le temps, dans la salle. »7

L’important pour les acteurs est de sentir le regard et l’écoute du metteur en scène, et qu’ils puissent l’écouter et l’entendre lorsqu’il s’adresse à eux. Pour parler aux comédiens, le metteur en scène décide alors d’être visible ou non et de se rapprocher d’eux – à moins qu’il ne demande plus de lumière dans la salle. Cela fait penser à un rapport de l’ordre de la psychanalyse. Dans le cadre d’une analyse, le patient n’a volontairement pas son auditeur dans son champ de vision, dans le cadre d’une thérapie si. Habituellement, l’espace de la salle (du metteur en scène) s’obscurcit lors du passage en salle quand les conditions techniques de représentation commencent à être mises en œuvre.

Des comportements appropriés découlent de la trajectoire spatiale du metteur en scène. L’évaluation de la distance physique qu’il entretient avec les acteurs, dans la proximité ou l’éloignement, en dirigeant « on » ou « off », détermine le regard qu’il porte tant par rapport à l’œuvre qu’aux interprètes. Dans le cas où il dirige « on », un échange est davantage possible avec les comédiens que lorsqu’il dirige « off », mode qui favorise moins l’intelligibilité d’un dialogue. « Off », le metteur en scène lance des indications que les acteurs doivent intégrer dans leur jeu sans pouvoir réellement entrer dans une discussion intime du fait de l’absence du metteur en scène à leurs côtés. Dans cette position, la précision de l’énonciation et celle de l’énoncé sont souvent sans équivoque et le langage du directeur d'acteurs s’avère alors plus pragmatique. « Off », le metteur en scène tient symboliquement lieu du futur spectateur. Son regard est englobant et panoramique. L’éloignement impose une pensée. Dans la proximité, sur le plateau, « on », il est davantage dans la construction collective avec les acteurs.

Dans les constants va-et-vient de nombreux metteurs en scène, la position « off » constitue un point de retrait et de distance objectif  ; elle vise à réajuster en permanence le regard sur l’objet en création. En effet, en étant éloignés des acteurs, ces metteurs en scène se rapprochent paradoxalement de l’objet mis en scène en prenant de la distance pour l’évaluer : ils privilégient une vision plus globale de l’œuvre. Selon les étapes du travail, ce qui leur paraissait juste dans la proximité du plateau peut leur sembler faux ou incomplet dans la visualisation globale. Le regard que le metteur en scène porte sur le travail de détails sur le plateau trouve son équilibre dans ses allers et retours constants de la salle au plateau pour ajuster sans cesse son point de vue sur l’ensemble de la mise en scène.

Sans que cela fasse continuellement l’objet d’un choix délibéré, des metteurs en scène gardent l’une ou l’autre position tout le long du travail (Patrice Chéreau « on », Claude Régy « off »), tandis que d’autres sont alternativement « on » et « off » (comme Matthias Langhoff, ou comme Giorgio Strehler).

« Mes allées et venues entre le plateau et la salle, continuelles et exténuantes, ne font que mimer une action intérieure que personne ne voit. Je suis un chien qui court, va chercher, rapporte, se remet à courir, à aller chercher, à rapporter, de nouveau court, va chercher, rapporte, inlassablement… »8

Cette déclaration n’empêche pas le fait qu’il ait un point de retrait fixe :

« Je suis assis dans mon fauteuil habituel, au centre de la petite salle sombre ; cela fait plus de dix ans que je suis là, chaque jour, dans ce fauteuil. »9

Bien que le metteur en scène puisse travailler de la salle avec un micro, généralement, parler bas et montrer aux comédiens appartient davantage au registre d’une direction d'acteurs dans la proximité, alors que s’adresser à l’ensemble de la distribution incite à porter la voix et correspond plus à une direction d'acteurs effectuée dans la distance.

Malgré leur signalisation partielle dans les comptes rendus de répétitions et dans les rares documents sur le processus de création, le point d’énonciation et le mode d’énonciation du metteur en scène méritent notre attention. Les traces de ce parcours physique sont inexistantes parce que celui-ci n’a jamais été envisagé comme élément contribuant au travail de mise en scène et constitutif de la création. Or, la localisation des points d’énonciation du metteur en scène (son emplacement dans le lieu de la répétition) permet de mieux analyser son discours et relativiser l’énoncé.

L’alternance des positions on et off est à évaluer car en localisant l’énonciation de la parole du metteur en scène, les variations possibles de compréhension de l’énoncé sont accessibles. Cette trajectoire spatiale détermine constamment la position du metteur en scène comme directeur d'acteurs et comme metteur en scène. Aussi est-il nécessaire, d’un point de vue méthodologique, avant d’apprécier les emplacements géographiques du metteur en scène dans le processus de création, de mentionner la structure globale de la salle de répétition, de préciser si le lieu est définitif, et d’indiquer à chaque fois dans quel état d’avancée se trouve la répétition. En effet, en début ou en fin de processus de création, la mobilité d’un metteur en scène peut radicalement changer.

C’est l’une des raisons pour lesquelles il est méthodologiquement incorrect (pour une étude sur la direction d'acteurs ou le processus de création) de n’assister qu’à quelques jours de répétitions et de généraliser ensuite une pratique qui n’était peut-être que ponctuelle dans une phase de travail.

2) Le regard et l’écoute

La parole, fondamentale dans le processus de création, n’empêche pas qu’une grande activité du metteur en scène-directeur d'acteurs passe par le regard et l’écoute dont la parole est le compte rendu, la synthèse et la symbiose. Regarder est une action chez lui. L’activité visuelle du metteur en scène s’avère essentielle pour conduire son travail. Il est directeur d'acteurs parce qu’il sait voir, mais aussi commenter son regard à des fins correctrices pour aider les comédiens. Dans son dictionnaire, Jaume Melendres consacre un article au regard du metteur en scène (« mirada del director ») et qualifie le fait de savoir regarder les acteurs comme « la tâche principale du metteur en scène » (« la tarea principal del director »)10.

« Voyant », le metteur en scène va développer un regard panoramique ou de détails, une écoute flottante ou pointilleuse. Ainsi, avant d’intervenir, quand les comédiens sont en train de jouer, le directeur d'acteurs travaille déjà, mais il demeure difficile de rendre compte de cette phase de son activité. Elle commence par la sollicitation des sens, puis, ou simultanément, par l’écoute sémantique et plastique de la performance globale des comédiens au sein d’un espace donné. L’expression artistique du metteur en scène intervient-elle alors dans sa communication avec les acteurs ou au préalable dans son écoute et son regard ? Question qui renvoie à la nature de l’écoute et sa définition comme éventuel acte artistique. Une écoute peut-elle être artistique et nécessite-t-elle le développement d’un sixième sens ? Cette problématique du regard est primordiale dans la direction d'acteurs. Anne Ubersfeld écrit à propos d’Antoine Vitez que « Tout le travail du metteur en scène, l’homme de la vigilance comme il le dit, est dans le savoir-voir »11.

Quand il ne sollicite pas l’activité du regard et qu’il se déplace, le relais se fait par l’écoute. S’il prend des notes, le relais se fait également par l’écoute, à moins qu’il ne les dicte à son assistant pour ne pas perdre les acteurs de vue. Cette activité du regard, comme état sensoriel comprenant aussi l’écoute, s’exerce de plusieurs manières. Elle peut adopter une vision d’ensemble ou générale, et se pratiquer de manière cinématographique (c'est-à-dire par cadrages12). Quand il est dans la salle, off, son « activité rétinienne »13 s’applique autant sur le global que sur le particulier. Sur le plateau, on, il privilégie un autre mode de regard et d’écoute et favorise le dialogue avec les acteurs. Si l’on suppose que sa présence auprès d’eux est contingente, le regard globalisant est indispensable pour assurer la mise en scène. Aussi retournera-t-il à un moment ou à un autre dans la salle, même tardivement.

Chaque directeur d'acteurs corrige plus au niveau du regard, de la composition scénique, de la proxémique, de l’équilibre plastique, esthétique de la scène qu’à tout autre niveau. Le regard s’associe à la position off du metteur en scène, donc au corps du metteur en scène extérieur au plateau. Cette position extérieure est revendiquée par les metteurs en scène. Claude Régy, par exemple, trouve que « dès qu’on arrive sur le plateau, on est aussi aveugle qu’eux [les acteurs], donc tout d’un coup, ce qu’on indique est nul ; par conséquent il faut rester dehors », ce qui ne l’empêche pas de dire : « Quelquefois on a des choses délicates à dire, donc on va près d’eux pour leur parler, ou même on arrête, on les fait asseoir et on leur parle, tranquillement »14.

3) La monstration

Si la monstration — le fait de montrer à l’acteur — « n’a pas bonne presse », comme l’écrit Patrice Pavis dans son Dictionnaire du théâtre, et « risque [...] de stériliser le comédien »15, le metteur en scène sait que le comédien ne se prête pas à un mimétisme exact.

Par ailleurs, le désir de montrer témoigne autant d’une appréhension de ne pas se faire comprendre que d’un profond sentiment à vouloir être compris. La monstration prolonge le discours tout comme elle reflète la limite de la parole. Souvent, comme ce fut le cas pour Meyerhold, elle représente pour le metteur en scène un moyen de « contrôler, en quelque sorte [ses] idées sur [sa] propre peau de comédien »16.

Bien que diriger ne soit pas jouer mais diriger les acteurs qui jouent, le metteur en scène résiste parfois difficilement à l’exercice ludique de la monstration ; il l’exerce ainsi comme un péché mignon. Elle fait davantage office d’exemple ou de nécessité pour lui que d’efficacité pour les acteurs. En y ayant recours, il s’approprie l’espace de jeu et se substitue aux comédiens pour les diriger. Il est probable que la monstration soit mieux perçue lorsqu’elle les aide à dépasser des situations de blocage que lorsqu’elle anticipe leur propre interprétation.

Montrer est un prolongement de la pensée qui consiste à l’exprimer par une autre voie que celle de la parole. Aussi Matthias Langhoff plaisante-t-il en disant que Joseph Beuys pensait avec le genou, que lui n’y arrive pas encore, mais « pense tout de même avec les mains »17. Avec la monstration, le procédé pour résoudre une action physique et visuelle passe donc par une résolution physique et visuelle.

L’importance de la monstration et surtout la précision des indications gestuelles dépendent également du fait que nous soyons en présence d’un théâtre à dominante plastique ou textuelle. Dans le premier cas, la construction de l’image prévaut, et la monstration se révèle parfois autant le point initial du travail que son aboutissement. La réalisation du metteur en scène doit alors faire l’objet d’une reproduction : elle est démonstration18. Robert Wilson procède de cette façon, comme en témoigne le jeune acteur François Chat pour la création de Wings on Rock en 1998 :

« Il improvise chaque scène, les unes après les autres, devant nous ; il n’improvise pas tout le spectacle d’affilée mais scène par scène, de cinq à dix minutes chacune environ. Les scènes sont filmées et dessinées aussi par un assistant qui fait des espèces de croquis. […] Ce premier travail se fait avec l’assistant. On apprend la scène et on s’approprie un peu les mouvements. »19

La comédienne Sylvie Alquier confirme cette pratique pour la création de l’opéra Oedipus Rex20 :

« Les mouvements et les déplacements sont créés devant nous : c’est Bob Wilson qui nous en fait la démonstration ou bien qui nous les explique par la parole, brièvement, mais avec précision, sans en rajouter. Il utilise un vocabulaire très simple et répétitif ("stage left" – à droite pour nous, "stage right", avance, recule, lève le bras gauche, n° 17 assieds-toi, etc.). Il s’exprime en anglais, au besoin traduit par son assistant car Bob Wilson ne répète pas. C’est la même chose pour ses mouvements, qui sont créés sous nos yeux d’un seul jet. […] Pour parfaire cette fidélité, tout ce qui se passe sur le plateau est enregistré : en particulier les moments où Bob Wilson est en mouvement, ce qui permet de visionner, si besoin est, dans les moindres détails, le parcours demandé. De plus, son assistant note tous les mouvements et déplacements sous forme de croquis et retravaille systématiquement avec chacun de nous pour affiner et préciser nos attitudes […]. »21

Dans le second cas, celui du théâtre à dominante textuelle, la monstration n’est souvent qu’indicative et invite donc à un refaire personnalisé. Le metteur en scène, en utilisant ce procédé, suscite davantage la création du comédien que la reproduction identique de ce qu’il a réalisé. En outre, l’acteur transforme toujours la proposition du metteur en scène. Quand le directeur d'acteurs assume ce fait, le procédé de monstration s’avère profitable au comédien. Matthias Langhoff, qui pratique la monstration, ne s’illusionne pas sur le principe :

« Vous ressentez l’expression de la phrase mais vous ne savez pas comment faire part de votre sensation, comment l’expliquer — tout le monde connaît ce moment — alors je parle quand même et je joue complètement la situation. Mais je ne crois pas vouloir que l’acteur fasse la copie de ce que je viens de faire, ça jamais. En revanche, il peut comprendre juste à ce moment-là, exactement la chose que je voulais dire, exactement la chose que je proposais à cause de, ou grâce à cette explication. »22

Pour Gildas Bourdet, montrer consiste à donner un exemple plus approprié qu’un long discours :

« Quand je suis au milieu des acteurs, je joue le texte, physiquement et vocalement pour créer ce que j’ai envie d’entendre et de voir, mais si je profère le texte moi-même, ce n’est pas pour donner le ton, c’est pour donner un exemple, c’est parce que j’ai quelque chose à dire à l’acteur et que de cette manière ça va beaucoup plus vite qu’un long discours. Par contre, ce que je montre physiquement, c’est précisément ce que je veux : telle position du corps, des mains, telle distance des corps entre eux, tel regard ; tout cela, je le cherche avec mon propre corps, j’écarte les acteurs, je les mets devant moi pour qu’ils me regardent, je cherche devant eux et quand j’ai trouvé, je leur dis : "Voilà, c’est ça". »23

Dans sa répercussion artistique, la monstration pose la question de la mimétique. La réalisation identique n’est pas forcément facile et ne constitue pas nécessairement une obligation. Pour certains, la démarche est même gênante. Selon Ariane Mnouchkine, copier procure au contraire une base importante pour les acteurs. Elle croit beaucoup « à la pédagogie de l’humble copie »24 et dit qu’on ne doit pas avoir honte de copier : « copier ne veut pas dire caricaturer. Copier, c’est copier de l’intérieur. Il ne suffit pas de copier la démarche ou le geste, il faut aussi copier l’émotion intérieure liée à cette démarche ou ce geste. »25

En conséquence, trois cas de figure se distinguent : la monstration directive (la démonstration), la monstration indicative, et la monstration mimétique qui répète à l’acteur ce que lui-même avait fait. Les metteurs en scène ont recours aux trois types, qu’ils gèrent différemment sans qu’il soit possible d’évoquer un gestus de direction d'acteurs.

Les monstrations vocales relèvent de la même typologie. La plupart des metteurs en scène adoptant la monstration mimétique critiquent fortement les deux autres. Pour eux, comme Stéphane Braunschweig et Claude Régy, par exemple, le geste doit d’abord venir de l’acteur ; les metteurs en scène le prolongent, comme l’explique Régy :

« […] je ne vais à peu près jamais sur le plateau montrer des choses, je trouve que c’est exécrable et très dangereux. Il ne s’agit pas que les acteurs recopient un geste, recopient une intonation ou fassent ce qu’on leur montre. […] Je me sers des gestes qu’ils font, et je les corrige. Au besoin je leur dis : "là, ce serait mieux si tu ne levais pas le bras à ce moment-là, ou tant qu’à faire, fais-le jusqu’au bout". »26

Par ailleurs, un metteur en scène qui monte sur le plateau n’est pas d’emblée un metteur en scène qui montre. La positionon n’implique pas une monstration systématique du metteur en scène tout comme la position off ne signifie pas une absence de monstration. Toutefois, il est possible que le metteur en scène qui montre des mouvements aux acteurs depuis la salle ait peu d’impact sur eux, du fait de la distance physique. Dans ce cas, il délègue son geste reproductible à un tiers, en général l’assistant ou un collaborateur chorégraphe, qui se déplace pour le communiquer aux interprètes27.

Cette délégation correspond à une objectivité du mouvement et donc à sa reproduction à l’identique. La réalisation corporelle dans l’espace représente bien un dessin à réaliser de manière identique et non un modèle plausible, même si l’acteur a continuellement la liberté de se réapproprier le mouvement, après l’avoir assumé. Ainsi, Robert Wilson lui-même a confié à Josette Féral :

« En principe, je leur donne la forme ou le cadre pour les aider à définir ce qu’ils font. Ensuite, ils le remplissent à leur manière. La forme en elle-même, la structure, est sans intérêt : c’est seulement un moyen de chercher autre chose. C’est la manière dont on la remplit qui rend la forme importante. »28

La monstration directive (ou démonstration) implique une grande humilité de la part de l’acteur.

La plupart du temps, le metteur en scène s’adresse aux acteurs face à eux, mais lorsqu’il montre, il se met dans une position de représentation impliquant son rapport à la salle. Dans cette posture, il tourne souvent le dos aux comédiens qui ne voient pas toujours précisément ce qu’il montre, à moins qu’ils ne se mettent à leur tour en situation de spectateurs, dos à la salle.

Toute photographie de metteur en scène en répétition paraît d’ailleurs meilleure si elle montre un metteur en scène impliqué dans un corps en mouvement, dans une action physique visible, et souvent livré à des gestes déictiques, comme si ceux-ci ne pouvaient faire autrement que d’accompagner la parole. Il faut préciser que les photographes présents, commandités par la production ou la presse, doivent habituellement faire des photos de spectacle ; le metteur en scène montant sur le plateau arrête d’office leur prise de vues ; c’est pourquoi les photos des metteurs en scène dans leur activité visible de directeur d'acteurs ne sont pas nombreuses et montrent généralement un metteur en scène de dos. En raison de l’intérêt actuel et croissant pour la sphère de la vie privée et des processus de création en général, cela est en train de changer.

Quand il instaure un langage gestuel personnel qui, au fur et à mesure, est décodé par les comédiens29, le metteur en scène fait office de chef d’orchestre, en laissant les mots endormis, et en laissant s’exprimer son propre corps. D’un geste plus ou moins ample de la main, il évoque une indication compréhensible par l’acteur familiarisé avec le procédé. En continuant à jouer tout en lui jetant de temps en temps un coup d’œil, ce dernier exécute des consignes gestuelles codées propres au metteur en scène/chef d’orchestre (baisser la voix, ralentir, être plus dynamique...). Malgré une inscription sociale et quantifiable de sa gestuelle, le metteur en scène est sujet à des tics personnels et des comportements imprévisibles qui le singularisent. La gestuelle développée par chaque directeur d'acteurs n’est bénéfique à la création qu’une fois que l’équipe s’est apprivoisée et que les comédiens ont eu assez de temps pour s’approprier ces gesticulations spécifiques. Pour peu que le directeur d'acteurs soit proche de l’acteur, ses mimiques de visage peuvent avoir la même fonction et permettre à l’interprète de développer son jeu. Ces moyens d’expression contribuent à la direction d'acteurs.

Lors de la fin du travail, sans que cela fasse office de monstration, certains metteurs en scène errent sur le plateau alors que les acteurs jouent. Ils les encouragent de moulinets ou de vifs mouvements de poignet pour insuffler de l’énergie et stimuler la tenue du texte sur toute la réplique. En tout cas, c’est rarement le comédien (voire jamais) qui rejoint le metteur en scène pendant le temps de travail sur le plateau. C’est véritablement ce dernier qui décide ou non de prendre la parole ou de se déplacer et de prendre la parole. « Idéalement » confie Denis Marleau à Josette Féral, « j’aimerais que ma direction d'acteurs soit silencieuse, qu’elle passe seulement par le regard. Mais en réalité, il faut plus qu’un coup d’œil ou un geste pour expliquer ou donner une indication »30.

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« La direction d’acteur », Théâtre/Public, n°64-65, juillet-octobre 1985.

Ubersfeld Anne, Antoine Vitez, metteur en scène et poète, Paris, Éditions des Quatre-Vents, 1994.

Verdeil Jean, Le Travail du metteur en scène, Lyon, Editions Aléas, 1995.

Filmographie, vidéogrammes

Braunberger Gisèle, La Direction d'acteurs par Jean Renoir, Paris, Les Films de la Pléiade (Prod.), 1968, 1 cass. vidéo (21 mn 40 s), SVHS, coul., PAL.

Comencini Francesca, Shakespeare à Palerme, Les films d’Ici et GA & A, 1998 (87’).

Darmon Éric, Vilpoux Catherine, en harmonie avec Ariane Mnouchkine, Au Soleil même la nuit, Coproduction, La Sept/ARTE/Agat Films & Cie/Théâtre du Soleil, 1997 (180’).

Metge Stéphane, Une Autre solitude (documentaire audiovisuel), La Sept/ARTE, 1995 (80’).

Metge Stéphane, Patrice Chéreau/Shakespeare (documentaire), La Sept/ARTE, 1999 (90’).

Notes

2  Martine Wijckaert, metteur en scène, et Christian Machiels, directeur de la Balsamine(Entretien avec), « Comme les gardiens d’un palais... », propos recueillis par Fabienne Verstraeten, Les Répétitions : un siècle de mise en scène, de Stanislavski à Bob Wilson (cahier réalisé sous la dir. de Georges Banu), Alternatives théâtrales, décembre 96/janvier 97, n° 52-53-54, p. 168. Ce numéro spécial, réalisé en collaboration avec l’Académie expérimentale des théâtres (AET), rassemble, par le biais de témoignages, d’entretiens, de notes de travail, de réflexions diverses de metteurs en scène, d’acteurs et de spécialistes, une palette d’exemples permettant d’avoir un aperçu global de ce que recouvre une répétition et l’un de ses pôles : la direction d'acteurs. Référence importante ici, je rappellerai cet ouvrage sous le titre : Les Répétitions.

3  « C’est souvent en marchant que je trouve quelque chose. Par ailleurs, c’est curieux, j’ai le sentiment que le théâtre naît lorsque je n’ai plus de rapport avec le texte ». Jean-François Peyret, « Le théâtre d’art et d’échec », Les Répétitions, op. cit., p. 140.

4  Luc Bondy, La Fête de l’instant : dialogues avec Georges Banu, Arles, Actes Sud, Paris, Académie expérimentale des théâtres, 1996, (Le temps du théâtre), p. 141.

5  À partir de 1637 avec Sabbatini, « les théâtres tout entiers, ainsi que les spectacles qui s’y donnaient, étaient dessinés en fonction de la place du prince et de son œil. Ces théâtres étaient alors le plus souvent aménagés dans des salles de palais. Sur l’axe médian et longitudinal du parterre et assez près de la scène, on installait une petite estrade sur laquelle on posait le trône du prince, le plus important personnage de la cité. Cette place pouvait être considérée comme la meilleure du théâtre ». Alain Roy, « œil du prince », Dictionnaire raisonné et illustré du théâtre à l’italienne, Paris, Fondation Beaumarchais, Arles, Actes Sud – Papiers, 1992.

6  Les expressions « on stage » et « off stage » ont volontairement été raccourcies et choisies en anglais par souci d’efficacité et de commodité dans la prise de notes lors des répétitions pour situer plus rapidement le metteur en scène.

7  Claude Régy, Sophie Proust, Entretien : « Il n’y a pas de règles », in Sophie Proust, La Direction d’acteurs dans la mise en scène théâtrale contemporaine, thèse de doctorat sous la dir. de Patrice Pavis, Université Paris-8, 2002, p. 480 (Annexes).

8  Giorgio Strehler, Un théâtre pour la vie (Per un teatro umano, 1974), Paris, Fayard, 1980, texte établi par Sinah Kessler, trad. de l’italien par Emmanuelle Genevois, « Notes pour la mise en scène de L’Opéra de Quat’Sous de Brecht en 1972 », p. 244.

9  Id., p. 95.

10  Jaume Melendres, La dirección de los actores, diccionario mínimo [La direction des acteurs, dictionnaire minimal], Madrid, Publicaciones de la asociación de directores de escena de España, Institut del teatre de la diputació de Barcelona, 2000, p. 103, (Seire : Debate n° 11).

11  Anne Ubersfeld, Antoine Vitez, metteur en scène et poète, Paris, Éditions des Quatre-Vents, 1994, p. 166.

12  Bien qu’au cinéma, on puisse tourner la même scène de plusieurs points de vue en même temps, et cadrer l’image de manières différentes (en plan d’ensemble, plan général, plan américain ou insert) pour un plan fixe ou mobile, il est difficile d’orienter de façon précise le regard du spectateur au théâtre. Néanmoins, le regard du metteur en scène dans le travail fonctionne comme une caméra, par cadrage. Le metteur en scène focalise alors son attention sur un point.

13  En qualifiant l’ethnographie d’« activité visuelle », François Laplantine établit un parallèle avec Marcel Duchamp parlant d’« activité rétinienne » pour la peinture. Cf. François Laplantine, La Description ethnographique, Paris, Nathan, 1996, p. 7.

14  Claude Régy, Sophie Proust, entretien cité, p. 480.

15  Patrice Pavis, « Direction d’acteur », Dictionnaire du théâtre, Paris, Dunod, 1996.

16  Vsevolod Meyerhold, Écrits sur le théâtre, tome IV, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1992, p. 371, trad. et cité par Béatrice Picon-Vallin, « Répétitions en Russie-URSS : du côté de chez Meyerhold », Les Répétitions, op. cit., p. 220.

17  Matthias Langhoff (Entretien avec), « Une activité en mouvement », propos recueillis par Georges Banu, Les Répétitions, idem, p. 66.

18  On pourra consulter le site de Robert Wilson où le metteur en scène se livre à la démonstration d’une séquence de mouvements : http://www.robertwilson.com/studio/movementBottom.htm  [consulté le 17 août 2004].

19  François Chat, Sophie Proust, Entretien : « On ne comprend pas forcément de la même façon quand on est sur le plateau », in Sophie Proust, op. cit., p. 507-508.

20  Oedipus Rex de Stravinsky, livret de Jean Cocteau d’après Sophocle, mise en scène et décor de Robert Wilson, direction musicale : Christoph von Dohnányi, créé au Théâtre du Châtelet à Paris le 12 novembre 1996.

21  Sylvie Alquier, « Une répétition pragmatique. Un workshop avec Bob Wilson », Les Répétitions, op. cit., p. 97.

22  Matthias Langhoff, Sophie Proust, Entretien : « La mise en scène, c’est un rôle en vérité, sinon c’est insupportable », in Sophie Proust, op. cit., p. 449.

23  Gildas Bourdet (Entretien avec), « Produire du jeu pour le plaisir », propos recueillis par Bernard Debroux, in Les Répétitions, op. cit., p. 154.

24  Josette Féral, Dresser un monument à l’éphémère : rencontres avec Ariane Mnouchkine, Paris, Éditions théâtrales, 1995, p. 73.

25  Id..

26  Claude Régy, Sophie Proust, entretien cité, p. 480.

27  Lors de la dernière semaine de création de Wings on Rock, Robert Wilson, assis au milieu de la grande salle du Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis, a indiqué à de nombreuses reprises des gestes précis à son assistante à ses côtés et lui a à chaque fois demandé d’aller les montrer à l’interprète : « go and show him » (vas-y et montre-lui).

28  Robert Wilson, « Une expérience directe des choses », Mise en scène et jeu de l’acteur : entretiens, Josette Féral éd., Montréal (Québec), Éditions Jeu, Carnières (Belgique), Éditions Lansman, 1998, tome 2, p. 339.

29  Même si certains gestes dans le cas du territoire français se prêtent à un décodage évident (car ils sont connotés au départ), d’autres appartiennent à chacun et n’en demeurent pas moins précis pour signifier une chose ou une autre. J’ai parfois assisté à des quiproquos sur ce sujet où lors de la fin de la scène, le metteur en scène demandait à l’acteur pourquoi il était allé plus vite alors qu’il lui avait demandé - par un signe - de ralentir ; et l’acteur de marquer sa surprise en disant qu’il avait compris le contraire. Pour prolonger la question des avatars du geste dans les différentes cultures, on pourra notamment consulter Edward T. Hall, Le Langage silencieux (1959), Paris, Seuil, 1984, trad. de l’américain par Jean Mesrie et Barbara Niceall.

30  Denis Marleau,« Une approche ludique », Josette Féral éd., op. cit., p. 188.

Pour citer ce document

Sophie Proust, «Le corps du metteur en scène», déméter [En ligne], Articles, Thématiques, Textes, Le corps dans l'expérience artistique, mis à jour le : 04/10/2012, URL : http://demeter.revue.univ-lille3.fr/lodel9/index.php?id=160.

Quelques mots à propos de :  Sophie Proust

Maître de conférences en Arts du spectacle (études théâtrales), chercheur au Centre d'étude des Arts Contemporains de l'Université de Lille-3.