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L'interprétation
Curieux discours d’interprètes : naïvetés, schizophrénie ou impossibilité ?
Résumé
La lecture de textes écrits par de grands interprètes s’avère la plupart du temps décevante lorsqu’on y cherche des analyses un peu fouillées de l’acte interprétatif lui-même, pourtant l’objet de leur pratique quotidienne. Ces textes, que nous appellerons ici discours, limitent le rôle de l’interprète, d’une part à celui d’un inlassable « interrogateur » d’une hypothétique œuvre authentique accessible à travers la partition, et d’autre part à celui d’un simple medium honnête, scrupuleux et objectif, capable de communiquer l’œuvre au récepteur sans interpolation d’éléments qui lui sont personnels. La persistance de tels discours - leur naïveté -, nous l’expliquons à la fois par des raisons historiques et des raisons de commodité pour ceux qui les utilisent habilement. Ils exposent cependant à des dangers - la schizophrénie – ceux qui y adhéreraient pleinement. Heureusement, des discours plus subtils se rencontrent quelquefois, mais ils paraissent rapidement s’essouffler, comme s’ils rencontraient une barrière infranchissable lorsqu’il s’agit de décrire un processus musical par le langage verbal - l’impossibilité ?
Plan
Texte intégral
Introduction
Lorsqu’on lit les écrits publiés par de grands interprètes, on est étonné du peu d’intérêt qu’ils manifestent en général pour les aspects purement théoriques de leur pratique1. Alors qu’ils se montrent intarissables pour analyser des œuvres, réciter leur histoire de la musique, comparer les compositeurs, raconter leur vie, citer des anecdotes plus ou moins intéressantes, louanger quelques collègues décédés et parfois critiquer sans les nommer d’autres collègues bien vivants, les passages qu’ils consacrent à évoquer la nature, l’essence de leur art sont soit inexistants, soit insuffisamment développés, ou pire fondés sur des platitudes et des idées toutes faites abandonnées depuis longtemps dans d’autres champs du savoir.
Dans une première partie, nous allons décrire, classer et analyser les discours dominants tenus par les interprètes, montrer leurs origines, mettre en évidence leurs contradictions logiques et philosophiques, leurs naïvetés voire leurs dangers psychologiques pour l’interprète et l’étudiant. Cela établi, nous nous interrogerons sur les raisons de la persistance de tels discours malgré leur inanité. Dans une seconde partie, nous présenterons quelques discours plus subtils qui nous permettront de rappeler la nature véritable de l’interprétation. Nous aborderons enfin deux considérations plus générales relatives aux conditions d’existence d’une « bonne » interprétation et aux possibilités ou impossibilités de discourir sur la musique. Ce cheminement nous permettra en conclusion, après nos sévères critiques initiales, de mieux comprendre (sans toutefois les excuser) les faiblesses des certains propos qui vont maintenant être analysés.
Les discours dominants des interprètes
Nous n’avons pas cherché ici à recenser tout ou partie des écrits publiés par les interprètes : selon leur discipline (les pianistes, les compositeurs-interprètes, les « baroqueux »), à tel moment, sur tel support (les livres, les entretiens, les articles de revues ou pochettes de disques). Une autre recherche nous ayant conduit à utiliser les écrits de nombreux interprètes2, il nous a paru intéressant de proposer une analyse critique de ceux-ci. Malgré le caractère non exhaustif et non systématique de cette collecte, elle peut selon nous être étudiée d’une manière scientifique car les analyses théoriques sur l’interprétation sont souvent inexistantes et, quand elles existent, elles sont peu développées ; l’argumentation est la plupart du temps répétitive. La multiplication des sources apporterait sans doute peu d’informations nouvelles. Nous employons le terme « discours », même s’il peut s’agir de phrases incidentes dans des textes qui ont un autre objet principal que l’interprétation, afin d’insister sur l’appartenance de ces documents à un autre système sémiotique que le système musical.
En soi, le peu d’intérêt des interprètes pour la réflexion théorique en rapport avec leur pratique quotidienne est stupéfiant, qu’il s’agisse d’interprètes qui se sont montrés par ailleurs diserts, comme Arthur Rubinstein, Menuhin, Gould, ou qu’il faille constater l’absence ou quasi absence de commentaires publiés par bon nombre d’interprètes parmi les plus importants. D’autres, comme par exemple Landowska, Heinrich Neuhaus ou Badura-Skoda se cantonnent aux aspects pratiques de l’interprétation (ce dernier donne cependant quelques considérations théoriques intéressantes mais elles sont insuffisamment développées).
Ces discours peuvent être groupés en deux grandes catégories, qui parfois englobent des écoles ou des personnalités a priori fort éloignées les unes des autres : une première formée par des représentants d’un courant que nous appellerons « classique, idéaliste et non théorisant », une deuxième mêlant héritiers et tenants du formalisme, adeptes du sérialisme ou encore premiers « baroqueux », qui reprend en fait les dogmes du premier groupe mais essaie de les parer d’oripeaux philosophiques ou scientifiques.
Les idées-forces des tenants de la première catégorie trouvent leur formulation la plus nette et la plus brève chez Cortot : « Le devoir de l’interprète est de retrouver [le sentiment du compositeur] pour le restituer à l’auditeur. »3 Cette phrase d’apparence anodine assigne trois fonctions à l’interprète. Elle postule que ces fonctions, l’interprète peut les remplir : retrouver l’intentio auctoris et l’intentio operis ; il s’agit de son « devoir » d’interprète, injonction morale qui borne strictement son horizon ; « restitu[ant] » les intentions qu’il a retrouvées, medium transparent, il peut les communiquer à l’auditeur à travers et par devers lui. Le fatras épistémologique que ces propositions renferment sera examiné plus loin. Constatons qu’elles sont dites et redites, avec ou sans apports complémentaires, en vraies idées reçues ou stéréotypes, par des générations d’interprètes et aussi d’enseignants, notamment pour des raisons de commodité dont nous reparlerons. Veut-on des variantes ? Voici James Conlon :
« [L’interprète] doit se faire toujours plus petit que la musique. Ce qui fera son succès […] c’est de savoir se mettre dans l’esprit du compositeur. »4 ;
Alfred Brendel (que nous retrouverons plus loin) :
« Il y a là une modestie constitutionnelle de l’interprète, et elle me paraît très importante : face à l’œuvre et au compositeur, garder toujours à l’esprit le fait que, sans les compositeurs et sans les morceaux que nous jouons, nous n’existerions pas, tout simplement. »5 ;
Claudio Arrau :
« C’est le devoir sacré de l’interprète que de communiquer, intacte, la pensée du compositeur dont il n’est que l’interprète. »6 ;
Sviatoslav Richter :
« L’interprète est en réalité un exécutant, l’exécutant direct de la volonté du compositeur. Il n’apporte rien qui ne soit déjà dans l’œuvre. S’il a du talent, il laisse entrevoir la vérité de l’œuvre qui seule est géniale et se reflète en lui. Il ne doit pas dominer la musique mais se dissoudre en elle. […] L’interprète est un miroir, et jouer de la musique ne consiste pas à infester la musique de son individualité, cela consiste à jouer toute la musique, rien de plus, mais aussi rien de moins. […] J’ai toujours été sûr, pour chaque œuvre, que c’était ainsi et pas autrement qu’il fallait la jouer. Et pourquoi ? C’est très simple ; parce que je regardais attentivement la partition. »7
On voit que le « devoir » demandé par Cortot implique pour l’interprète « modestie » et soumission (mot que nous allons retrouver) au compositeur. Richter dit avec une naïveté confondante ce qui est en filigrane dans les autres documents cités : le texte musical serait une source tellement complète et précise qu’il suffirait de bien le lire pour accéder à l’intentio auctoris, étant entendu que les interprétations divergentes témoigneraient en ce cas d’une mauvaise lecture. Or, une bonne partie de l’intérêt des interprétations de Richter provient précisément de son irrespect ou de sa sursollicitation du texte littéral, qu’ils soient délibérés ou non.
Les interprètes que nous inscrivons dans la deuxième catégorie soutiennent exactement les mêmes idées, à cette nuance près qu’ils cherchent à leur donner des fondements autres que rhétoriques ou intuitifs. D’un côté, nous rangeons les formalistes (comme Stravinsky) et les sériels (comme Schoenberg8). Ils s’appuient sur une philosophie de la musique considérée en tant qu’art non signifiant - on connaît l’aphorisme célèbre de Stravinsky9-, donc qui ne nécessite pas la participation émotionnelle ni l’intercession subjective de l’interprète. Tout au plus Stravinsky réclame-t-il à l’interprète véritable ce qu’on ne peut demander au simple exécutant : la « complaisance amoureuse [avec l’œuvre] - ce qui ne veut pas dire une collaboration subreptice ou délibérément affirmée »10, s’empresse-t-il d’ajouter ; il emploie d’ailleurs les termes « volonté » ou « loi » pour le compositeur, « sujétion » ou « soumission » pour l’interprète. Formalistes et sériels affirment d’autre part la primauté de la forme et l’importance de la partition, écrite avec le plus de précision possible (y compris dans l’aléatoire) et qui doit avoir été analysée et comprise pour avoir une chance d’être exécutée correctement. De l’autre côté, les pionniers des interprétations sur instruments anciens se sont appuyés sur la musicologie et la recherche historique pour chercher à retrouver une manière « authentique » d’exécuter la musique du passé. Un classique système de balancier entraînait que ce qui était gagné en exactitude du point de vue de l’authenticité était perdu du point de vue de la liberté laissée à l’exécutant :
« La volonté du compositeur est pour nous l’autorité suprême ; nous voyons la musique ancienne en tant que telle, dans sa propre époque, et devons nous efforcer de la restituer authentiquement, non pas pour des raisons d’historicité, mais parce que cela nous paraît aujourd’hui la seule voie juste pour la rendre de manière vivante et respectueuse. »11
Origines et analyse
Ces discours se rattachent à deux traditions, l’une philosophique ou de philosophie de la musique, l’autre musicale et d’esthétique musicale, liée à l’évolution de l’interprétation. De Rousseau aux débuts de l’herméneutique avec Schleiermacher et jusqu’à Hegel, l’interprète est considéré comme un simple exécutant. Rousseau ne parle que d’exécution (« Il faut entrer dans toutes les idées du compositeur »12), non d’interprétation dans son Dictionnaire de musique, et cet exécutant est chargé de transmettre le texte et les intentions du compositeur. Les méthodes de l’herméneutique moderne, qui s’attachait à interpréter les textes bibliques de manière scientifique, ont bien entendu insisté sur l’indispensable mise en retrait et la recherche d’objectivité de la part du traducteur et exégète :
« L’une des choses essentielles lorsqu’on interprète est d’être capable de faire abstraction de sa propre conviction pour épouser celle de l’écrivain. »13
Hegel ne dit pas autre chose :
« Elle [l’exécution] ne peut consister qu’à atteindre réellement à la même élévation que le génie du compositeur, à reproduire sa pensée et à la faire passer à la vie. »14
Quelques décennies plus tard, la position de Hanslick, déterminante, sera quant à elle beaucoup plus nuancée, voire hésitante. En tant que formaliste, il commence par accepter le discours ordinaire mais il va plus loin, tout d’abord en distinguant d’un point de vue ontologique les moments de la composition et de l’exécution, ensuite en affirmant que l’acte interprétatif entraîne en soi un apport complémentaire de l’interprète :
« Au point de vue philosophique, c’est la composition, telle qu’elle est écrite sur le papier, qui est l’œuvre achevée, et l’on ne tient pas compte de son exécution ; mais cette manière de considérer les choses ne doit pas nous empêcher d’accorder l’attention qu’elle mérite à la division de la musique en création et reproduction […] La subjectivité se manifeste ici par la réalité des sons, et non plus muettement par leur représentation écrite. […] Évidemment, le virtuose ne peut que traduire ce que contient la composition ; cependant celle-ci n’exige guère plus de lui que le respect des notes écrites. “Que ce soit l’esprit du compositeur que l’exécutant devine, et révèle” ; sans doute, mais la manière de le faire comprendre appartient à l’exécutant, elle est son “esprit” à lui. »15
Du côté des musiciens, les traités instrumentaux du XVIIIe siècle (L. Mozart, Quantz ou C.P.E. Bach par exemple) n’accordent également qu’un rôle marginal à l’exécutant. Toutefois, la naissance du soliste virtuose à l’époque romantique, ainsi que le « style » d’interprétation romantique lui-même, marqué par le sentiment et le tempo rubato, vont entraîner un changement complet, l’interprète (par ailleurs aussi souvent le compositeur de ce qu’il interprète) s’accordant toutes les libertés pour asseoir son individualité. À la fois en réaction à cette école romantique, en accord avec Hanslick et pour rejoindre la volonté de précision exigée par les écoles nouvelles (Ravel, Stravinsky, la seconde école de Vienne), les interprètes vont progressivement se remettre entre parenthèses et développer les discours vus plus haut.
Ces discours sont centrés autour de quelques idées, toutes fausses ou largement sujettes à caution, qu’il est temps d’examiner rapidement. Premièrement, le texte musical est un donné complet et précis qui renferme l’ensemble de l’intentio auctoris. Or, tout texte musical est nécessairement orphelin d’une part essentielle que Boucourechliev a appelé « l’inécrivable »16 (pensons au timbre par exemple), il ne peut donc contenir toute l’intentio auctoris ; d’autre part, y serait-elle, l’interprète ne peut s’estimer capable de « traduire » dans le mode sonore tout ce qu’il lit dans un autre système sémiotique. Tout interprète est en réalité amené constamment à prendre des décisions par rapport au « schéma de l’œuvre » que lui propose le texte et à choisir parmi plusieurs possibilités d’interprétations que le texte offre souvent, soit réaliser plus ou moins ce qu’il indique (le staccato, très court ? court ? un peu posé ?) ; il doit ajouter consciemment ou inconsciemment des détails que le texte ne contient pas (par exemple des respirations au sens propre ou figuré, d’imperceptibles rubati) ; il décide de ne pas tenir compte, ou de mettre au second plan, certains éléments pourtant clairement écrits (par exemple des indications de tempo, l’une ou l’autre prescription de nuance, de phrasé). Deuxièmement, une œuvre exprime une intentio auctoris déterminable (à l’exclusion d’une autre), accessible par tel ou tel moyen ; cette assertion est difficilement défendable. Comment exprimer une idée, une émotion d’ordre non musical, par le système sémiotique musical ? Le compositeur l’a-t-il voulu ou ses intentions étaient-elles purement d’ordre formel ? Alors que beaucoup affirment que la première proposition est impossible et répondent positivement à la seconde question, nous pensons de notre côté le contraire mais cela ne veut en aucun cas dire qu’un accès à l’intentio auctoris s’en trouve facilité car le propre du langage musical est d’être selon nous non auto-signifiant mais bien polysémique, non seulement par sa nature particulière mais aussi en fonction des systèmes référentiels différents de ses récepteurs17. Troisièmement, il existerait, à côté de toutes les interprétations-réalisations de la partition, une et une seule véritable interprétation, identique à l’intentio auctoris, et qui serait l’horizon de tout interprète. Ceci est clairement une impossibilité en vertu de ce qui vient d’être développé. Le texte ne peut pas rendre compte de l’ensemble des intentions musicales de son auteur, encore moins de son intentio auctoris d’un point de vue plus général, si elle existe, donc aucune interprétation ne peut prétendre restituer une information qui ne lui a pas été donnée entièrement. Quatrièmement, tous ces discours confèrent un rôle subalterne à l’interprète, voire lui dénient tout rôle « artistique » allant au-delà de la restitution prétendument possible du texte, rien que lui seul, et donc des intentii auctoris et operis qu’il serait en mesure de dévoiler. Cinquièmement, dans ces discours, aucun rôle n’est dévolu au récepteur. Il est implicitement considéré neutre, sans attentes, sans préférences, sans personnalité, simple réceptacle dans lequel l’interprète-medium va déverser le « message » du compositeur. Pour ces raisons, qu’ils soient intuitifs ou basés sur le sens commun, ou qu’ils s’appuient sur des théories, ces discours participent d’un « idéalisme musical »18 qui ne résiste pas à une réflexion un peu sérieuse.
Naïvetés, schizophrénie et avantages symboliques
C’est pourquoi nous pouvons à première vue qualifier de naïfs des discours qui simplifient à l’extrême l’acte interprétatif en ignorant délibérément la part d’interaction et d’interrelation qui unit les pôles compositeur, œuvre, interprète et récepteur. Ils font également comme si des siècles de philosophie jalonnés par Descartes, Kant et la phénoménologie, qui mettent le sujet au centre du processus de la cognition, n’existaient pas. Pour nous limiter au plan esthétique, les concepts kantiens d’Idée esthétique et de jugement réfléchissant impliquent l’impossibilité d’une connaissance esthétique d’ordre objectif ; la notion d’objet intentionnel issue de la phénoménologie montre quant à elle que l’existence de l’objet esthétique passe par la visée intentionnelle du sujet qui se l’approprie.
Mais il y a plus. Ces discours candides offrent en réalité une position morale confortable à l’interprète qui a beau jeu de se déclarer infiniment moins important que le compositeur (alors que personne ne lui demande de se comparer à celui-ci), d’adopter un profil « modeste », « soumis » face à l’œuvre sacro-sainte, de se présenter comme le « serviteur » du compositeur duquel il n’a que des ordres à recevoir, une pensée à pénétrer, travail de toute une vie, et que son misérable ego ne doit pas polluer. Nous reviendrons sur ce point. Allons maintenant au bout de cette idée. Elle implique que l’idéal que doit viser l’interprète consiste à tellement bien avoir compris les intentii auctoris et operis qu’il est devenu lui-même le compositeur, qu’il s’est véritablement mis dans sa peau, ce qui veut dire qu’il a quitté la sienne, donc qu’il s’est nié en tant qu’individu pour s’identifier à un autre. Cela porte un nom : la schizophrénie, problème potentiel de l’interprète qu’Alfred Brendel a nommément identifié19. Comme la plupart des interprètes ne deviennent pas des malades mentaux, nous pouvons ici conjecturer soit qu’ils n’appliquent pas leurs propres idées, soit qu’ils trouvent des arrangements avec des impératifs si exigeants…
Toutefois, il en est qui sont moins armés pour faire la part des choses, idéalistes par leur âge parfois et souvent par les purs discours qui leur sont tenus par leurs maîtres : les élèves et les étudiants. La vaine recherche des intentions ultimes du compositeur, la vaine volonté de parfaitement comprendre l’œuvre, la vaine tentative de faire transmigrer son être dans celui du compositeur, toutes les manifestations qu’engendre l’idéalisme de ces discours peuvent effectivement entraîner une forme de schizophrénie, ou à tout le moins un conflit entre les exigences de son Moi et ce que l’on cherche à savoir de celui du compositeur. Sans parler du blocage possible de la créativité de l’étudiant s’il est constamment « remis à sa place » lorsqu’il transgresse la « volonté » du compositeur, volonté que le maître expérimenté connaît de toute évidence.
Ainsi nous approchons progressivement les raisons pour lesquelles de tels discours subsistent, en dépit de leurs erreurs manifestes : les avantages symboliques qu’ils procurent sont nombreux et appréciables. Disons au préalable que ces discours sont simples, paraissent logiques, autonomes, complets, voire sympathiques. Par ailleurs, l’interprète présente au public une position de fausse humilité dans sa relation avec le compositeur car, pour justifier son interprétation, il peut tout à la fois évoquer des recherches scientifiques (historiques, éditoriales, analytiques…) et le mystérieux « mûrissement intérieur » qu’apportent des années d’interrogation et de « questionnement de l’œuvre » à jamais insaisissables au profane. L’enseignant peut quant à lui asseoir son magistère sans trop avoir à se justifier puisque son expérience lui apporte une connaissance du texte, y compris de sa partie « inécrivable », qui permet de trancher toute hésitation estudiantine relative au choix interprétatif à adopter. Tous, interprètes et professeurs, grâce à ces à-peu-près audacieux disposent alors d’une position fort enviable qui leur évite de rendre compte de l’acte interprétatif comme d’un acte humain cognitif certes éminemment complexe mais qui peut se dispenser de métempsychose.
Quelques discours plus subtils sur la véritable nature de l’interprétation
Par bonheur, quelques rares interprètes ont dépassé ces discours ordinaires et nous offrent des points de vues plus subtils, à défaut d’être des analyses approfondies. Ils semblent d’ailleurs confrontés aux mêmes difficultés que Hanslick.
Alfred Brendel paraît ambivalent lorsque, une page avant le texte cité plus haut, il écrit :
« Laisser l’esprit du compositeur descendre lentement d’en haut, en ne lui faisant surtout pas violence et en n’entravant pas son chemin, c’est une utopie ; mais elle était très demandée dans les années cinquante. Etre fidèle à l’œuvre c’était cela. Cela allait parfois jusqu’à proclamer que le texte était sacro-saint, et à reproduire pieusement toutes les fautes de copie ou de gravure. »20
Se trouvent ici récusés deux des postulats des discours traditionnels : la possibilité de connaître l’intentio auctoris ainsi que la complétude et l’exactitude du texte.
Daniel Barenboim est plus cohérent et va plus loin. D’abord il refuse l’existence d’une interprétation idéale :
« Nulle idée ne peut être appliquée dans tous ses aspects à un moment unique, de même qu’un interprète peut présenter certains aspects de la musique dans une exécution, mais ne peut exprimer tout ce que contient la partition. »21
Ensuite il affirme la nécessité d’un rôle actif pour l’interprète :
« Jouer simplement piano parce que c’est marqué sur la page imprimée est peut-être un signe de modestie, mais c’est également un péché par omission. Les trois questions qu’un musicien doit se poser en permanence sont : pourquoi, comment, et à quelle fin ? L’incapacité ou le refus de poser ces questions est symptomatique d’une fidélité irréfléchie à la lettre et d’une inévitable infidélité à l’esprit. »22
Enfin il introduit la notion de « sous-texte » :
« C’est presque comme si l’interprétation d’un texte créait un sous-texte qui développe, confirme, varie et contrebalance le texte véritable. Ce sous-texte inhérent à la partition est lui-même sans limites ; il résulte d’un dialogue entre l’interprète et la partition, et sa richesse est déterminée par la curiosité de l’interprète. […] La lettre n’est que la moitié de l’équation, l’autre moitié étant composée du questionnement qui nous conduit à chercher et à comprendre chaque partie de la musique en fonction de la nature ultime du tout. »23
Ainsi donc, l’interprète « crée », « dialogue » avec le compositeur, d’égal à égal d’une certaine manière (« la lettre n’est que la moitié »), quoique son apport doive provenir (« inhérent à ») de la partition. Il est dommage qu’il ne développe pas davantage la façon dont ce qui est introduit/ajouté par l’interprète peut/doit provenir du texte et non de l’interprète lui-même, ainsi que la possibilité même de ce type d’intervention contrôlée.
Le même type de difficulté apparaît également chez Fischer-Dieskau, qui va cependant encore plus loin dans l’attribution d’un rôle « recréateur » à l’interprète :
« Pour l’interprète, la liberté est un concept précaire. L’indépendance est douteuse quand elle ne se fonde que sut l’orgueil. […] La présomption empêche l’interprète d’être (comme il se doit) médiateur. Il ne doit pas pour autant tomber en esclavage. […] Se confronter perpétuellement avec l’essence des œuvres achevées, comme le font les interprètes, n’est-ce pas une forme d’appropriation ? L’interprète ne va-t-il pas jusqu’à espérer prendre conscience de ce que l’auteur ignorait lui-même ? Ne peut-il pas faire découvrir des beautés et des significations nouvelles justement parce qu’il ne crée pas, mais restitue ? Tout cela ne met pas en cause la totale maîtrise du créateur, mais le processus de “recréation” signifie entre autres faire prendre conscience de (et donner accès à des) sources auxquelles le compositeur lui-même n’a pas nécessairement eu accès. »24
Contre les discours ordinaires, la nature véritable de l’interprétation peut être réaffirmée : un processus où l’interprète joue un rôle central et obligatoirement actif et créateur, où compositeur, œuvre et interprète dialoguent, sont en interrelation et peuvent mutuellement s’influencer, où chaque interprétation ne peut être que subjective - puisque triplement médiatisée à travers le changement de support (de l’écrit au sonore), l’intervention d’un tiers (l’interprète) et sa perception par un récepteur (interprète ou auditeur) lui-même non neutre -, et où en définitive il est question d’ « engendrement réciproque »25 plutôt que d’un cheminement unidirectionnel. Nous pouvons qualifier la position de l’interprète de subjectivement agissante.
Les interprètes qui reconnaissent ce processus ont aussi conscience des conflits qu’il entraîne. Ils se trouvent tiraillés entre le « respect » du texte (peu ou prou considéré comme un document incontestable et comme la manifestation de l’intentio auctoris) et la prise en compte de leurs lectures et de leur volonté, qu’ils constatent bien souvent en contradiction avec au moins les apparences de ce texte. D’où ces discours contraints où semble se dessiner en creux un impossible rêve : concilier parfaitement le texte en tant qu’absolu et laisser courir ses intentions d’interprète. Constatons, après le risque de schizophrénie qui menace l’interprète lorsqu’il adopte les discours ordinaires, le problème œdipien qui se présente aux interprètes plus subtils…
Existe-t-il de bonnes interprétations ?
Ce qui précède semble plaider pour un relativisme généralisé et une liberté totale laissée à l’interprète, soit exactement le contraire du discours traditionnel ; il semblerait aussi impossible de distinguer de « bonnes » et de « mauvaises » interprétations. Notre avis étant plus nuancé, il nous faut ouvrir ici une parenthèse. Le problème de l’existence de bonnes interprétations doit être examiné de deux manières : en fonction du texte et en fonction du récepteur. Concernant le premier aspect, nous devons admettre que le texte est à la fois une schématisation de la pensée musicale du compositeur mais aussi la seule manifestation réelle de cette pensée musicale, autrement dit de l’œuvre. La conscience des lacunes propres au texte n’autorise pas sa déconsidération, sauf si elle se fait de manière délibérée et assumée. Simplement, imaginer qu’une hypothétique réalisation littérale du texte correspondrait à l’intentio auctoris ou à l’intentio operis est une vue de l’esprit. À propos du second aspect, la nature de l’activité d’interprétation entraîne que les critères de jugement ne sont pas dans son cas de l’ordre du vrai et du faux mais bien de validité pour son récepteur (qu’il soit ici l’interprète ou l’auditeur) ; le jugement est donc relatif et subjectif. En effet, le récepteur reconnaît comme valide une interprétation selon ses propres systèmes référentiels, ceux-ci étant parfois lacunaires. Tout dépend ici des préférences du récepteur, d’a priori d’origine culturelle (la doxa, son expérience culturelle) ou personnelle (ce qu’il cherche dans l’écoute de la musique, son type émotionnel). C’est pourquoi aucune interprétation ne fait l’objet d’un consensus unanime : les interprétations de Gould et d’Arrau trouvent chacune leurs aficionados, mais il est rare qu’un même individu apprécie autant les unes que les autres.
De l’existence de ces deux aspects découle deux critères pour qualifier une « bonne » interprétation : l’un est incomplet, insatisfaisant mais objectivable, il s’agit de la réalisation des éléments littéraux les moins contestables du texte ; l’autre est propre au récepteur. Le récepteur non informé peut avoir des jugements faux s’il ne connaît ni le texte ni le système culturel dans lequel il s’inscrit (pensons à nos perceptions des musiques non européennes) ; mais le récepteur informé ne peut lui non plus estimer avoir un jugement juste parce que les éléments de connaissance sur lesquels il se base sont incomplets et parce qu’ils sont filtrés par sa propre subjectivité. Pour le dire autrement et en dépit de l’hypothétique sens commun esthétique kantien, il est plus aisé de rejeter une interprétation que de faire partager son jugement positif.
Possibilité ou impossibilité du discours sur l’interprétation
Si nous revenons au cœur de notre propos, une interrogation demeure : quoi qu’il en soit des justifications et des avantages symboliques réels des discours ordinaires sur l’interprétation, comment peut-on admettre qu’ils aient été et soient encore partagés par une majorité d’interprètes, qu’il serait ridicule de considérer incultes, dénués de curiosité, cyniques, incapables de réfléchir de manière indépendante sur leur pratique quotidienne ? Autrement dit, comment se fait-il qu’une réflexion sur une partie du phénomène musical, ici l’interprétation, soit si rare, si banale, si peu développée ou si laborieuse chez ceux qui le pratiquent ?
Cette question pose le problème de la possibilité ou non de discourir sur la musique, ou plutôt d’en interroger les fondements mêmes par le langage, soit la compatibilité ou la coïncidence entre deux systèmes sémiotiques fondamentalement différents.
La difficulté existe tant pour les interprètes que pour les non-musiciens ou musiciens amateurs qui étudient l’acte musical. Depuis plusieurs siècles au moins, les philosophes ont éprouvé cette difficulté. Combien sont-ils à avoir réfléchi d’une manière substantielle sur le phénomène musical, et quelle est en définitive la portée de leurs démonstrations ? Une fois un parti pris « formaliste » ou « expressionniste » adopté, une fois celui-ci porté au bout de ses conséquences, la réflexion s’arrête car elle se trouve devant une impasse : la musique se signifie elle-même et il est impossible d’en « venir à bout » par le discours verbal, même en se cantonnant aux seuls aspects techniques et analytiques ; ou la musique exprime l’indicible, « l’essence intime, le dedans du phénomène, […], l’universalia ante rem »26 et ici plus encore le discours verbal s’avère incapable de « traduire » l’ensemble des « informations » que la musique offre à son récepteur. Ou, troisième possibilité, on constate la confluence dans la musique d’items d’ordre formel et d’ordre affectif, et on conclut logiquement que l’interprétation doit être le reflet d’une double implication de la « raison » et du « sentiment », sans trop pouvoir être en mesure de développer la part de chacun et la manière dont ils coopèrent.
À la lumière de ces constatations, la faiblesse quantitative et qualitative des discours des interprètes se comprend mieux. On peut d’ailleurs se demander si les interprètes sont les mieux placés pour discourir sur l’interprétation. D’un côté, ils expérimentent de manière unique tous les stades de l’interprétation : déchiffrage, lecture et analyse, travail préparatoire par fragment et d’ensemble, exécution publique, maturation, nouvelle exécution ; ils vivent cette expérience : travail, vécu en soi de l’émotion, partage du temps de l’œuvre avec leur temps psychologique, temps dévolu à la musique, audition de manière critique et experte des enregistrements, discussions avec les collègues et avec leur public. D’un autre, ils manquent peut-être d’un recul permettant une certaine neutralité ainsi que des techniques et méthodes d’autres disciplines pour questionner la musique. Enfin, l’interprète considère peut-être l’analyse (la mise par écrit) de son travail technique comme la mise à plat d’une « tuyauterie » qui est de peu d’intérêt pour le lecteur et de surcroît difficile à exprimer, ou bien il estime (prosaïquement) qu’il contrôle émotionnellement tous ses actes en tant qu’interprète (à la manière du comédien de Diderot dans le Paradoxe), ou bien il considère la « description » de ses états émotionnels lorsqu’il étudie ou joue de la musique de l’ordre d’une introspection à laquelle il ne veut pas se livrer, de l’ordre d’un dévoilement de son intimité à laquelle il peut répugner.
Bref, les interprètes sont confrontés à l’alternative suivante : soit leur activité leur paraît simple (en quoi ils ont tort), essentiellement rationnelle ou affective ou encore un mélange des deux et ils ne voient pas la nécessité d’aller plus loin ; soit, a contrario, le processus interprétatif leur apparaît dans toute sa complexité mais, comme à tant d’autres, il leur est difficile d’en démêler les arcanes. Cette conclusion, que n’aurait pas reniée Schopenhauer, semble être celle à laquelle Barenboim et Boulez, qu’on ne peut qualifier ni d’irrationalisme ni d’anti-intellectualisme, aboutissent néanmoins. Pour le premier :
« Au terme de toutes les observations, et de toutes les analyses, il reste toujours un élément qui demeure incompréhensible. »27
Pour Boulez :
« Ce n’est point parce que nous aurons approfondi nos idées dans et sur la musique que nous serons arrivés à l’idée de musique. »28
Conclusion
La relative absence et la faiblesse des discours des interprètes sur l’interprétation se trouvent ainsi mieux expliquées. D’un point de vue pragmatique, les discours dominants offrent un confort appréciable abrité dans un appareil logique à première vue correct ; d’un point de vue sémiotique, ils sont la seule alternative à des discours plus ambigus et moins glamourous qui doivent de plus, une fois la complexité du processus interprétatif constatée, se retirer sur des interrogations qui demeurent. Ce que nous ferons également.
Bibliographie
Arrau parle. Conversations avec Joseph Horowitz, trad. par A. Tubeuf, Paris, Gallimard, 1985.
Paul et Eva Badura-Skoda, L’art de jouer Mozart au piano, trad. par Chr. et M. de Lisle, Paris, Buchet-Chastel, 1980.
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— Poétique musicale sous forme de six leçons, éd. de M. Soumagnac, Paris, Flammarion, 2000.
Notes
1 Ce constat a été établi par Charles Ramond, « L’interprétation des œuvres musicales : une logique de l’affectivité ? », dans Nicolas Weill (éd.), La musique, un art du penser ?, 17e forum Le Monde Le Mans, 21 au 23 octobre 2005, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 197-221.
2 Éric Contini, Interpréter la musique. Comprendre, exécuter, créer, Wavre, Mardaga, 2011 (à paraître).
3 Alfred Cortot, Cours d’interprétation, recueilli et rédigé par J. Thieffry, Paris, Legouix, 1934, p. 14.
4 Entretien avec James Conlon dans Claude-Henri Chouard, L’oreille musicienne. Les chemins de la musique de l’oreille au cerveau, nouv. éd., Paris, Gallimard (coll. Folio), 2009, p. 45.
5 Alfred Brendel, Le voile de l’ordre. Entretiens avec Martin Meyer, trad. par O. Mannoni, Paris, Bourgois, 2002, p. 223.
6 Arrau parle. Conversations avec Joseph Horowitz, trad. par A. Tubeuf, Paris, Gallimard, 1985, p. 146.
7 Sviatoslav Richter, Ecrits, conversations, éd. et trad. par B. Monsaingeon, s.l., Van de Velde, Actes Sud, Arte éditions, 1998, p. 185.
8 Schoenberg n’a pas eu une grande activité d’interprète concertiste (alors que Stravinsky a été fréquemment chef d’orchestre pour ses propres œuvres) mais on peut estimer que ses réflexions s’appuient aussi sur son expérience d’interprète.
9 « Je considère la musique, par son essence, impuissante à exprimer quoi que ce soit : un sentiment, une attitude, un état psychologique, un phénomène de la nature, etc. » (Igor Stravinsky, Chroniques de ma vie, Paris, Denoël, 1971, p. 63).
10 Id., Poétique musicale sous forme de six leçons, éd. de M. Soumagnac, Paris, Flammarion, 2000, p. 145.
11 Nikolaus Harnoncourt, Le discours musical. Pour une nouvelle conception de la musique, trad. par D. Collins, Paris, Gallimard, 1984, p. 16, nous soulignons.
12 Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de musique, dans œuvres complètes, t. 5, Paris, Gallimard, 1995, p. 817.
13 Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher, Herméneutique, trad. par Chr. Bernes, Paris, Cerf, 1987, p. 12.
14 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Esthétique, t. 2, 3e partie : Les systèmes des arts particuliers, trad. par Ch. Bénard revue et complétée par B. Timmermans et P. Zaccaria, Paris, LGF, 1997, p. 397.
15 Eduard Hanslick, Du beau dans la musique, trad. par Ch. Bannelier revue par G. Pucher, Paris, Bourgois, 1986, p. 119-120.
16 André Boucourechliev, Regard sur Chopin, Paris, Fayard, 1996, p. 14.
17 Sur ce point, voir infra.
18 Jonathan Dunsby, « Analyse et interprétation », dans Musiques. Une encyclopédie pour le xxie siècle, s.l.d. de J.-J. Nattiez, t. 2 : Les savoirs musicaux, Arles, Actes Sud, 2004, p. 1043.
19 Alfred Brendel, op. cit., p. 218.
20 Ibid., p. 222.
21 Daniel Barenboim, La musique éveille le temps, trad. par D. Collins, Paris, Fayard, 2008, p. 50.
22 Ibid., p. 23.
23 Ibid., p. 54.
24 Dietrich Fischer-Dieskau, Les sons parlent et les mots chantent, trad. par M. Vignal, Paris, Buchet-Chastel,1993, p. 280-281.
25 Michel Imberty, La musique creuse le temps. De Wagner à Boulez : musique, psychologie, psychanalyse, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 154.
26 Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, trad. par Ch. Burdeau revue par F. Roos, Paris, PUF, 1966, § 52.
27 Daniel Barenboim, Une vie en musique, avec la collaboration de Michael Lewin, trad. par Ch. Ballarin, Paris, Belfond, 1992, p. 241.
28 Pierre Boulez, Points de repère, t. 1 : Imaginer, nouv. éd. par J.-J. Nattiez et S. Galaise, Paris, Bourgois, 1995, p. 549.