DEMéter :
Revue
électronique du
Centre
d'Etude des Arts Contemporains
de l’Université de
Lille-3
ISSN : 1638-556X
DEMéter (Villeneuve d'Ascq)
Dir. Vincent Tiffon
La
copie :
     « La copie : s'approprier,
corriger, s'inspirer ? » : il s'agit de penser toutes les
formes de copie en art : copier des modèles, s'inspirer d'un
maître, d'une école, copier la musique (cf. article
copiste » du Dictionnaire de Musique de Rousseau), pasticher,
parodier, emprunter, fausser, plagier, mais aussi s'approprier
intellectuellement, méditer…
[Catherine Kintzler,
coordinatrice de la thématique « La copie »]
La reproductibilité technique chez Walter Benjamin |
par Anne BOISSIERE, |
Maître de Conférences en philosophie à l'Université de Lille-3 |
Résumé : |
     On s’efforce de resituer la conception de la reproductibilité technique chez Walter Benjamin dans le contexte historico-politique qui lui donne son sens. La reproductibilité technique ne relève pas d’une problématique ontologique, celle à partir de laquelle on aborde en général la question de la copie en des termes qui sont platoniciens. Benjamin ouvre une problématique qui est esthétique : il élabore une conception qui est dialectique de la perception, à travers l’art et les mutations de l’art liées au développement de la technique.
L’auteur,
le modèle et le propriétaire |
par Michel MELOT, |
Conservateur général des bibliothèques |
Résumé : |
L’image
et l’écriture diffèrent de nature :
l’écriture reposant sur un code, l’image sur
une analogie. Or, on constate aujourd’hui que ces deux
systèmes, loin d’être opposés l’un
à l’autre, se recouvrent sans cesse et ne sont jamais
purs l’un de l’autre : il y a du code dans toute
image et de l’analogie dans tout caractère. Alors que
l’imprimerie typographique nous a appris à
privilégier l’écrit comme mode de
connaissance, notre époque, en développant les
outils de reproduction de l’image, privilégie au
contraire l’image comme véhicule de communication. Le
texte imposait, dans le livre, son espace à l’image ;
les écrans aujourd’hui sont conçus pour
l’image et imposent leur espace à l’écriture.
L’assimilation technique de l’écriture à
l’image suppose une nouvelle définition des
signes graphiques et de leurs rapports.
Nous aborderons, à partir de jurisprudences françaises
récentes, plusieurs cas concrets de dysfonctionnement du
droit dus à cette confusion du texte et de l’image.
D’abord ses conséquences sur la notion d’auteur,
confrontée notamment à la prolifération des
cas d’oeuvres collectives, d’oeuvres composites ou
d’oeuvres dites « de collaboration ».
Le droit de copie ensuite et la détermination de ce qui
doit être protégé et de ce qui doit demeurer
libre de droit. On a vu apparaître récemment la
notion de « données essentielles »
qui doivent être des données publiques : dans
les textes, la discrimination entre « données
essentielles » et données à valeur
ajoutée est possible mais que signifie cette discrimination
à l’intérieur d’une image ? De
même, on a appliqué aveuglément le droit du
texte à l’image en invoquant le droit à la
courte citation. Peut-on « citer » une image
sans la reproduire intégralement ?
par Catherine KINTZLER, |
Professeur en philosophie à l'Université de Lille-3 |
Résumé : |
Faire l’éloge de la copie suppose non seulement qu’on renverse les valeurs respectives de l’original et de la copie, mais aussi qu’on remette en question, à travers la catégorie d’originalité, la primauté d’une philosophie des origines au profit d’une philosophie du commencement. À cet effet, rien de tel, et parce qu’il y va du statut de l’extériorité, qu’un parcours esthétique. De l’épreuve du graveur à la « belle nature » des classiques, de l’acte réfléchissant du faussaire à l’application de l’artiste à l’étude, en passant par la représentation comme savoir, la fonction critique du simulacre montre qu’il n’y a d’original que perdu. L’opération esthétique, comme celle de la connaissance, ne restaure pas une vérité par un dévoilement, mais la constitue tout en se saisissant comme sa condition de possibilité. Cette réhabilitation de l’imitation comme schème productif ne se limite pas à une culture révolue de la représentation ou de la figuration : pourvu qu’on le débarrasse de la posture ou de l’impératif d’originalité qui le ravalent parfois au comble du conformisme, l’art contemporain, parce qu’il est isomorphe à un geste ou à une opération plus qu’à une chose, permet d’en achever la radicalisation.
La partition, le phonographe et l’échantillonneur : usages de la copie en musique |
par Vincent TIFFON, |
Maître
de Conférences en musicologie à l’Université
de Lille-3,
|
Résumé : |
Nous
proposons une cartographie – non exhaustive – de la
copie en musique, à la fois dans le champ de la musique
instrumentale (la copie des copistes, la citation, le plagiat,
l’adaptation, la transcription, la répétition,
la reprise, …), mais aussi dans celui de la musique
électroacoustique (le clonage, le prélèvement,
la citation généralisée, le collage,
l’intermodulation…).
La médiologie musicale nous permet de comprendre comment,
historiquement, on a cherché peu à peu à
déléguer aux machines le soin de copier nos
traces : la parfaite maîtrise technique ou artisanale de la
copie n’est plus une nécessité impérieuse.
Ainsi, aujourd’hui, la copie en musique est devenue une
pratique hégémonique : la copie et l’original
se confondent. La copie devient, au mieux, l’un des modes
essentiels du travail de composition musicale – dans le cas
des musiques électroacoustiques et leurs dérivés
– ou, au pire, le mode de production musicale industrielle.
Autrement dit, la copie, qui n’est plus une opération
manuelle mais une opération automatisée via
les machines, revient en force dans la pratique des compositeurs
ou des « créateurs » par le biais de
« l’écriture électroacoustique »
ainsi que par l’appropriation et le détournement de
vecteurs techniques.
Pastiche et récriture : Mallarmé, Ravel, Debussy, le Placet futile |
par Mathilde VALLESPIR, |
Maître de Conférences en sémiotique et comparée à l'Université Paris IV – Sorbonne |
Résumé : |
     L’étude suivante s’interroge sur la notion de pastiche, et plus exactement, sur la possibilité pour un pastiche d’être un genre « trans-sémiotique », c’est-à-dire propre à plusieurs systèmes langagiers, et plus particulièrement ici, si, au-delà de sa nature littéraire, le pastiche peut être considéré comme un genre musical. Cette question, posée à travers une étude particulière, engage à prendre en compte une autre problématique : celle de la récriture. Il s’agit en effet de s’interroger sur les enjeux de la récriture par Ravel et Debussy d’un pastiche de Mallarmé, le Placet futile. L’analyse précise du poème et de ce que l’on a coutume d’appeler ses « mises en musique » nous mène à poser ces questions. On mesure ainsi les implications formelles, structurales et plus globalement esthétiques de la récriture musicale d’un pastiche, pour parvenir à montrer, au terme d’une étude qui aura précisé les différents niveaux de relation entre musique et langage présents dans la « transfusion musicale » du poème, que ce n’est pas tant la récriture ravélienne et debussyste de Mallarmé que l’on a analysée, que la récriture mallarméenne de Ravel et Debussy.
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