DEMéter :
Revue
électronique du
Centre
d'Etude des Arts Contemporains
de l’Université de
Lille-3
ISSN : 1638-556X
DEMéter (Villeneuve d'Ascq)
Dir. Vincent Tiffon
Manières
de créer des sons :
     Créer des sons en musique, c’est engendrer
des formes qu’on peut étudier en elles-mêmes, de
façon immanente, mais c’est aussi mettre en œuvre
des dispositifs à travers lesquels le musical est produit et
donné à entendre. Le sonore est processus, forme en
acte autant que forme achevée et signifiante. Il y a des
manières de créer des sons, dans la musique elle-même
mais aussi dans les autres arts de la voix. Dispositifs techniques,
architecturaux, postures humaines solitaires ou partagées,
pratiques gestuelles codifiées ou non : comment décrire
ces diverses modalités concrètes de production du
sonore et quelle signification, esthétique, historique ou
sociale leur accorder ?
[Anne Boissière, coordinatrice de la thématique « manières de créer des sons »]
La
part gestuelle du sonore : expression parlée, expression
dansée. |
par Anne BOISSIERE, |
Maître de Conférences en philosophie à l'Université de Lille-3 |
Résumé : |
     A travers « l’art de narrer », Walter Benjamin propose une conception pratique du langage, qui engage l’homme en son entier, intellectuellement mais aussi physiquement. Benjamin relie la narration et la main, et plus généralement le son au geste qui le produit. C’est ce motif, à première vue étrange, qu’on propose de circonscrire et de comprendre en s’attachant aux thèmes conjoints de l’oral et de l’écoute.
Manières d’écouter des sons. Quelques aspects du projet Écoutes signées (Ircam) |
par Nicolas DONIN, |
Musicologue, responsable de l’équipe Analyse des Pratiques Musicales à l’IRCAM |
Résumé : |
     Le projet Écoutes signées, mené à l’Ircam depuis le printemps 2003, vise à élaborer des dispositifs d’outillage informatique de l’écoute – que cette dernière soit essentiellement issue d’un travail d’analyse musicale, qu’elle soit tournée vers la composition, ou qu’il s’agisse d’une écoute domestique sans finalité explicite (à travers un matériel hi-fi ou un ordinateur). Cet article en présente de façon résumée les hypothèses et les finalités au regard des problématiques électroacoustiques, et les illustre de quelques exemples tirés des premières réalisations effectives
« SON HEROS EST LE SON » ou la grande peur de l’anuuuuuuuut |
par Francis COHEN, |
Professeur de philosophie en lycée |
Résumé : |
     L’acteur prend de vitesse la langue, propulsé par le son qui le traverse, il entre vite sur « le stade d’action » en « jambages trépidants » pour sauter par dessus les trous de « langue francon ». Il n’y a aucune manière chez Valère Novarina, il n’y a que des manies sonores, et il faut lire très vite pour voir le son à travers ses manies syntaxiques et onomastiques.
Mouvements, sons, gestes |
par Francis COURTOT, |
Compositeur, Maître de Conférences à l’Université de Lille-3 |
Résumé : |
     En interrogeant une conception de la musique comme mouvement, on cherche à cerner le sens du son en composition, aujourd’hui. Chemin faisant, les catégories de geste et de figure sont convoquées afin de circonscrire le rapport entre la composition et la technique. En prolongement, on tente de situer l’activité d’écriture musicale comme un reflet de la position du sujet, au sein d’un être à l’œuvre.
La
salle de concert, instrument de musique ? |
par Jehanne DAUTREY, |
Directrice de programme au Collège International de Philosophie, chargée de cours à Lille 3 |
Résumé : |
     Que signifie le fait de dire que la salle de concert est un instrument de musique ? On se propose d'analyser les ressemblances entre la forme de l'oreille, celle des salles de concert et des instruments à l'Âge classique en les ramenant à un événement unique qui serait la constitution d'un espace musical clos. Tous forment en effet un espace creux dans lequel se composent des rapports sonores, le produit de cette composition étant à chaque fois l'accord. En quoi cette forme concerne-t-elle ce qui se passe dans le savoir de l'Âge classique ? En quoi peut-on penser ce rapport entre espace et accord comme une nouvelle forme d'individuation ? On verra alors comment l'individuation en question est celle de l'homme en tant que composé de l'âme et du corps, le problème de l'écoute de l'accord se dépassant vers la question d'une lecture des signes.
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La musique comme fiction et comme monde |
par Catherine KINTZLER, |
Professeur en philosophie à l'Université de Lille-3 |
Résumé : |
     « Manières de créer des sons » – oui, il y en a sans doute une infinité – mais créer des sons, c’est toujours mettre en place un dispositif d’écoute qui laisse quelque part un parasite, pour que les mondes musicaux s’enlèvent sur l’univers audible et qu’apparaisse une partition. La problématique du bruit et du son n’est donc pas impertinente, et il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle continue à alimenter les commentaires souvent malveillants qui accompagnent à toutes les époques les musiques nouvellement constituées. C’est pourquoi le moment constituant du musical est toujours le plus intéressant, et aussi le plus périlleux. Le moment constituant est celui où le monde musical est le plus près de s’abîmer dans l’univers du hors-musical auquel il s’arrache : il se tient au plus près du parasite, au bord du gouffre de ce qui doit malgré tout lui manquer. La différence entre la « soupe » et la musique est, semble-t-il, liée à la capacité de la musique à se faire entendre comme étant à la fois menacée et dynamisée par son moment constituant, à ne jamais se faire entendre dans l’oubli de celui-ci et dans le confort du constitué. Aussi, nombre de musiciens ont-ils tenté de regarder en face les soleils du hors-musical, de se pencher sur l’abîme d’un tout musical où la musique vient s’abolir. Créer des sons, c’est donc au moins faire douter de la musique, ce n’est qu’à cette condition qu’on peut en être sûr – la certitude de la musique, comme celle des idées vraies est de celles qui demandent à être établies et non à être imposées. La « haine de la musique » se justifie par la tentation impérieuse de la totalité musicale. Aussi une musique qui comble l’oreille est-elle aussi assourdissante qu’un « coup de sifflet ».
Oralité et culture vocale inuit |
par Philippe LE GOFF, |
Compositeur et enseignant de la langue inuit à l’INALCO |
Résumé : |
     Cet article se propose d’explorer les pratiques vocales inuit pour apporter un éclairage sur la notion d’oralité. La variété des pratiques vocales inuit, leur inscription dans des contextes différents, et donc la difficulté à les classer selon nos critères, obligent à une approche plus largement culturelle que proprement esthétique. Nous nous intéressons au phénomène vocal dans son ensemble et aux comportements qui jouent un rôle social prépondérant dans cette culture.
A l’embouchure jubilatoire de la trompette |
par Francis ROUSSEAUX, |
Professeur des Universités, musicien amateur et chercheur à l’IRCAM |
Résumé : |
     Un
musicien joue de la trompette. Mais quelles sensations peut bien
éprouver un trompettiste en situation ? Pourquoi ne
pas essayer de décrire le vécu intime de ce musicien
en s´enhardissant à le rapprocher de vécus
usuellement attachés à des activités
mondaines apparemment éloignées de l’idée
qu´on se fait du « jouer de la trompette »
comme nager le crawl, combattre en judoka, embrasser sa moitié,
conduire une bataille ?
L´article se présente comme une enquête organologique qui
voudrait partir d´un phénomène originaire pour
le trompettiste, celui d´entonner et de développer
une phrase sonore et musicale dans un univers proprioceptif et
réceptif à la fois.
L´arrière-plan se trouve être une table de restaurant dans une province
espagnole réputée pour son art de vivre.
Sortir
de l'aporie du concert acousmatique par le jeu musical |
par Vincent TIFFON, Romain BRICOUT & Rémi LAVIALLE, |
Chercheurs au CEAC – Equipe EDESAC (Université de Lille-3) |
Résumé : |
     Comment expliquer le relatif échec des concerts acousmatiques, leur faible inscription dans le « vivre ensemble » musical ? N'y a-t-il pas une contradiction dans le terme même de « concert acousmatique » ? Quel rapport au temps entretiennent les compositeurs des « arts des sons fixés » ? Quelles solutions apporter pour une véritable diffusion de la musique acousmatique ? Comment réintroduire un vivre-ensemble dans l'expérience d'écoute des arts des sons fixés sur support ?
Manières de créer des sons : |
par Sandrine BARANSKI, |
Compositrice, docteur en musicologie |
Résumé : |
      « Créer des sons en musique, c'est engendrer des formes qu'on peut étudier en elles-mêmes de façon immanente, mais c'est aussi mettre en œuvre des dispositifs à travers lesquels le musical est produit et donné à entendre. Le sonore est processus, forme en acte autant que forme achevée et signifiante. » Je propose de réfléchir à deux manières de créer des sons au sein de la musique contemporaine : composer des œuvres musicales ou concevoir des dispositifs musicaux (expérimentaux, cybernétiques ou complexes). En quoi ces activités de création sont-elles si divergentes ? Une telle réflexion est à mon sens nécessaire, notamment lorsqu'il s'agit de saisir l'enjeu de toute une panoplie de propositions artistiques actuelles issues de la révolution menée dans le sillage de John Cage, comme les dispositifs musicaux interactifs, participatifs, collaboratifs, électroniques, numériques, en réseau, distribués, virtuels, cybernétiques, complexes, etc.
Revue DEMéter : revue électronique du Centre d’Etude des Arts Contemporains (Université de Lille-3) |